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PORTRAIT: Wendy Sherman la « renarde argentée » peut-elle déjouer Vladimir Poutine ?

Géopolitique et diplomatie : Wendy Sherman, l’une des diplomates les plus puissantes du monde, est surnommée « Silver Fox » (la renarde argentée) en raison de sa chevelure blanche et de sa capacité à conclure des accords. Ce mercredi, elle contribue à diriger les négociations entre les États-Unis et la Russie en Europe.

Mme Sherman, secrétaire d’État adjointe, l’un des postes les plus élevés du ministère, rencontre des responsables russes cette semaine pour discuter de l’Ukraine. L’enjeu est de taille. 

Le président Vladimir Poutine déploie près de 100 000 soldats russes à proximité de la frontière avec l’Ukraine, ce qui suscite des craintes d’incursion et des mises en garde de l’Occident.

Les responsables américains espèrent désamorcer cette situation tendue en négociant avec les Russes, et Mme Sherman est dans son élément.

Connue à Washington pour ses manières acerbes, elle a l’habitude d’aborder les sujets difficiles de front.

Sous la présidence de Bill Clinton, elle a tenté d’élaborer un accord avec les Nord-Coréens visant à mettre un terme à leurs efforts pour fabriquer des armes nucléaires. 

En 2011, elle a pris la tête des négociations nucléaires de l’équipe américaine avec l’Iran, alors que le président Barack Obama était en fonction. Elle a finalement contribué à l’élaboration d’un accord nucléaire historique entre l’Iran et le P5+1 (États-Unis, Royaume-Uni, France, Chine, Russie et Allemagne) en 2015. 

(Bien que l’accord ait échoué depuis, des pourparlers visant à le sauver et à ramener l’Iran en conformité ont débuté en mai, après l’entrée en fonction du président américain Joe Biden). 

À l’époque, Mme Sherman avait raconté comment le fait d’être une femme n’était pas un obstacle à sa progression dans la salle de négociation, même si la République islamique d’Iran a des règles strictes concernant les interactions entre hommes et femmes.

« Lorsque je me suis assise en face des Iraniens, j’étais les États-Unis d’Amérique et peut-être qu’en tant que femme, je peux dire des choses qui ne sont pas perçues comme dures, mais lorsque je deviens intransigeante et que je hausse le ton, cela fait grande impression parce que c’est inattendu », explique-t-elle.

Mme Sherman, 72 ans, a le teint pâle et les cheveux gris acier coupés en brosse. Malgré la nature exténuante des négociations, elle a toujours une allure soignée, « pas un cheveu de travers », affirme un diplomate britannique qui a travaillé avec elle lors de négociations internationales.

Son surnom lui vient des Iraniens, qui ont commencé à l’appeler « la Renarde » en raison de son approche délicate des négociations. Ses collègues du département d’État ont adopté ce surnom et, pendant les négociations, ils portaient des tee-shirts sur lesquels on pouvait lire « Silver Fox ».

Ses collègues du département d’État disent qu’ils l’observent avec admiration, et parfois un peu de crainte, lorsqu’elle s’engage dans les discussions internationales. 

« Elle est rapide », déclare James Jeffrey, ancien ambassadeur des États-Unis en Turquie, qui a observé Mme Sherman pendant son travail de diplomate. « Et elle est très intense ».

TRAVAILLEUSE SOCIALE DEVENUE DIPLOMATE

Elle a développé ses compétences diplomatiques d’une manière inhabituelle : après avoir étudié à l’école de travail social de l’université du Maryland, elle a aidé des enfants de Baltimore qui avaient besoin d’être placés en famille d’accueil.

En tant qu’assistante sociale dans les années 1980, elle s’est sentie frustrée par les efforts déployés pour sauver les enfants maltraités, et est donc devenue une organisatrice communautaire afin de changer le système. Elle a été engagée comme directrice d’un bureau d’État de protection de l’enfance et a acquis une réputation d’opératrice politique. 

Quelques années plus tard, elle rejoint l’administration Clinton, devenant la première femme sous-secrétaire aux affaires politiques.

Cette semaine, elle va mettre ses compétences à l’épreuve.

Les négociations avec les Russes ont été particulièrement éprouvantes, selon les analystes, et elle aura besoin de toutes les astuces diplomatiques dont elle dispose pour atteindre ses objectifs – éviter une guerre majeure en Europe.

Elle s’est entretenue lundi à Genève avec les responsables russes, dont Sergei Ryabkov, vice-ministre des affaires étrangères. Elle s’entretiendra à nouveau avec les Russes mercredi lors d’une réunion de l’OTAN, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, à Bruxelles, et à Vienne jeudi.

Les Russes ont une liste d’exigences : les responsables américains doivent accepter de ne pas étendre les forces de l’OTAN vers l’est. Les Russes veulent également que les responsables américains excluent la possibilité que l’Ukraine rejoigne un jour l’OTAN.

Jusqu’à présent, les négociations entre les responsables américains et russes sont dans l’impasse. « Nous avons été fermes », dit-elle aux journalistes après leurs entretiens à Genève, décrivant comment elle et les autres responsables américains ont tenu tête aux Russes.

Les discussions en Europe ont été difficiles pour les deux parties, les responsables américains et les Russes. M. Ryabkov a déclaré que ses conversations avec Mme Sherman avaient été utiles – et vivifiantes.

« Les discussions ont été difficiles, longues, très professionnelles, profondes, concrètes, sans tentatives d’escamoter certains angles vifs. »

Toutinfo.net (avec BBC)