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HISTOIRE D’ARGENT AVEC… PAPA IBRA SAMB, EX RECTEUR DE L’UNIVERSITE DE THIES « Avec 1 franc «deureum» il a été possible, par le passé, d’épouser une femme »

Votre rubrique préférée, reçoit, ce lundi, le Professeur Papa Ibra Samb. Il est Professeur de biologie végétale à l’Université Cheikh anta Diop de Dakar et ancien Recteur de l’Université de Thiés.

L’INFO : Que représente l’argent pour vous ?

 Papa Ibra Samb : A vrai dire, l’argent ne représente pas pour moi plus que ce qu’il est vraiment. C’est à dire une monnaie métallique ou en papier capable de représenter des numéraires d’une valeur donnée. L’argent permet de résoudre des transactions et peut s’échanger par des biens et des valeurs mobilières ou immobilières. Dans le contexte actuel, l’argent est, in fine, la source de toutes les convoitises. A contrario, dit-on l’argent ne fait pas le bonheur. Bref, l’argent a une représentation différente à l’échelle individuelle et des collectivités. Pour moi, beaucoup de gens pensent que j’ai un conflit avec l’argent car ils savent que j’en ai beaucoup gagné et légalement sans être fortuné.

C’est un grand paradoxe que je vis. Je ne me rappelle pas, en effet, l’année où je suis resté un mois sans gagner un ou plusieurs millions. Malgré tout, à deux mois de la retraite, je suis obligé de vivre au mois le mois et à chaque jour suffit sa peine.

 C’est comme si je me disais que mon argent n’a pas le droit de dormir dans un compte. Cela étant dit, j’ai réglé des problèmes sans beaucoup me plaindre car en réalité, la véritable finalité de l’argent c’est de régler des problèmes. Mon argent s’il s’en faut qu’il ne soit pas content de moi. Autant j’en gagne, autant, j’en dépense pourvu de régler des situations utiles. C’est aussi cela qui fait ma richesse.

Votre  premier contact avec l’argent dans les années 60 : fifteen, double, dërëm, 10f, 25f, 100f. Cela vous dit quoi ? On achetait quoi avec ?

Comme je l’ai dit, l’argent n’a pas toujours le même sens pour un même individu au cours de sa vie. Pour nous tous, d’un âge avancé, nous avons vu l’argent perdre de sa valeur et nous avons vécu sa dévaluation continue pendant plus d’un demi-siècle de notre existence.

A l’aube de l’indépendance de notre pays, au moment où je commençais à arpenter le chemin de l’école, fifteen, double et deureum ou niari deureum correspondant respectivement à 1, 2, 5 ou dix francs représentent mes premiers schèmes d’assimilation à l’argent et à la monnaie et en associations d’images avec mes généreux donateurs de cette période.

Nous gardons d’ailleurs, en mémoire, les oncles ou tantes ou parents qui étaient prompts à nous offrir ces fameuses pièces. Mon grand père m’a prodigué une grande sagesse sur la valeur en me disant que seule la valeur  « barké » est importante si on sait qu’avec un franc «deureum» il a été possible, par le passé, d’épouser une femme.

Votre première grosse somme dans la vie…

 Je ne sais pas ce que vous appelez une grosse somme. Par contre, je sais que ma première rencontre avec une somme d’argent suffisamment importante pour que je m’en souvienne c’est quand j’ai perçu mon rappel après six mois d’enseignement comme instituteur à Sinthiane Sinthiou Garba dans le département de Matam.

 Et quand vous avez eu votre premier million ?

 C’est une question embarrassante. Car la question est posée ainsi, cela sous-tend que depuis lors je suis resté millionnaire or dans ce cas précis, au risque de vous décevoir je ne suis pas encore millionnaire pour autant j’ai gagné beaucoup d’argent et peut-être en centaines ou en milliards. Tout cela reste relatif parce que sans le moindre centime en banque, je suis un homme accompli pour ne pas dire heureux. J’en remercie Allah SWT, mes parents et ma famille.

Avez-vous été victime d’un pickpocket ? Pour quel montant ? Comment avez-vous réagi ?

  Votre question me ramène à une situation que j’avais oubliée. En effet, je n’ai été  victime de pickpocket qu’une seule fois. Et en numéraires, il n’y avait pas de montant. C’était lors du meeting du deuxième tour du candidat Macky Sall en 2012, à Louga. En général, je ne porte pas de gris-gris. Mais à l’occasion des grands événements, j’avais l’habitude de les mettre dans un portefeuille en poche. L’auteur du forfait n’avait pu s’empêcher de cette visite en raison de l’envergure de la poche. C’est ainsi que le vil malfrat m’apprend de ne plus faire confiance à personne lors des grands rassemblements. C’est malgré tout, une perte sèche d’une valeur inestimable.

Propos recueillis par Mamadou SARR