Justice : Le SYTJUST déterre la hache de guerre
Le Syndicat des Travailleurs de la Justice (SYTJUST) dénonce une « substitution frauduleuse de décrets » depuis 2018. Ces décrets, pourtant signés par le Président de la République, bloquent l’alignement des greffiers à la hiérarchie A2 et la création effective du corps des assistants des greffes et parquets. Malgré plusieurs tentatives de correction par différents ministres de la Justice, le SYTJUST regrette qu’un « noyau de juristes de la Fonction publique continue d’opposer des avis juridiques sans fondement. » Pour le secrétaire général, Me Elhadj Ayé Boun Malick Diop, et ses camarades, il s’agit d’une « trahison de la parole de l’État que les institutions doivent urgemment corriger. »
Au-delà du silence institutionnel, une trahison de la parole de l’État
Ce qui se joue depuis 2018 dans les méandres de l’administration sénégalaise dépasse, selon le syndicat, une simple querelle ou une tension interministérielle. « Il s’agit d’un véritable sabotage de la décision gouvernementale, qui a entraîné, en toute illégalité, une paralysie injuste et injustifiable de la réforme du statut des greffiers et de la mise en place du corps des assistants des greffes et parquets (AGP), » constate le SYTJUST.
Les faits sont désormais bien établis. Le syndicat rappelle que le Conseil des ministres du 25 juillet 2018 avait validé deux projets de décrets. Ces textes, issus d’un long processus participatif et technique, ne prévoyaient aucune condition préalable de formation pour :
L’alignement des greffiers à la hiérarchie A2, conformément à la revalorisation statutaire décidée.
La constitution du corps des AGP, via le reclassement d’agents des hiérarchies B et C ayant au moins cinq ans d’ancienneté au ministère de la Justice.
Cependant, à l’étape finale, ces deux textes ont été substitués par d’autres, signés par le Président de la République à son insu, sur la base d’une « confiance manifestement trahie, » selon le Syndicat des Travailleurs de la Justice. Ces nouveaux décrets, le n°2019-575 du 5 février 2019 et le n°2019-413 du 30 janvier 2019, ont introduit des dispositions transitoires frauduleuses, imposant des formations préalables qui n’avaient jamais été validées par les instances gouvernementales.
Une fraude administrative en violation des principes constitutionnels
Il ne s’agit pas d’un simple vice de procédure, mais d’un détournement de pouvoir administratif, susceptible d’engager la responsabilité disciplinaire ou pénale des auteurs de cette substitution frauduleuse. Sur le plan juridique, ce sabotage viole plusieurs principes fondamentaux, regrette le SYTJUST :
Le principe de légalité administrative : « aucun agent n’a le pouvoir de modifier le contenu d’un décret validé en Conseil des ministres. »
Le principe de continuité de l’État : « un engagement gouvernemental ne peut être annulé de facto par des manœuvres opaques d’agents non élus. »
Le principe de bonne foi dans l’action publique : « la loyauté administrative est ici gravement compromise. »
Une impasse entretenue par des avis juridiques sans base légale
Le plus grave, c’est que depuis l’identification de cette fraude en 2020, plusieurs ministres de la Justice (Ismaïla Madior Fall, puis Ousmane Diagne) ont tenté de corriger les décrets problématiques. Des projets rectificatifs ont été transmis au ministère de la Fonction publique. Mais là encore, le Syndicat dénonce l’action d’un « noyau dur d’acteurs administratifs, juristes de la Fonction publique, rétifs à la réforme, [qui] s’emploie à bloquer toute correction, en produisant des avis juridiques systématiquement défavorables, sans base textuelle ni argument de droit crédible. » Ces avis, selon le SYTJUST, n’ont « aucune juridicité » et ne s’appuient sur aucun article de loi, aucune jurisprudence, ni aucune norme supérieure.
Une responsabilité politique et institutionnelle à assumer
Le syndicat estime que le Sénégal ne peut se permettre d’entretenir de tels dysfonctionnements dans des secteurs aussi sensibles que la Justice. Il est profondément préoccupant que « des fonctionnaires de l’ombre puissent contrecarrer, sans sanction, la volonté du gouvernement, validée en Conseil des ministres. Cela pose une question grave : qui gouverne vraiment ? »
Dans une démocratie fondée sur la transparence et la responsabilité, « le ministre de la Fonction publique doit cesser de se retrancher derrière des services juridiques minoritaires et visiblement malintentionnés. Il doit faire prévaloir la logique de l’État de droit sur les logiques corporatistes ou personnelles. »
Quant au Président de la République, garant du bon fonctionnement des institutions (article 42 de la Constitution), il ne peut rester passif face à une fraude administrative documentée, d’autant plus qu’elle a été commise à son insu.
Un appel à la justice, à la vérité et à la réparation
Ce que demandent les greffiers et les agents des greffes n’est ni une faveur ni un privilège. « C’est l’exécution d’une décision de l’État, entérinée par les plus hautes autorités, sabotée en cours de route, et laissée depuis sept ans dans les limbes de l’administration, » considère le SYTJUST. Refuser cette correction, c’est :
« Continuer d’humilier une corporation essentielle au fonctionnement de la justice. »
« Encourager l’impunité administrative. »
Et surtout, « trahir l’idéal de gouvernance sobre et vertueuse que le Sénégal prétend incarner, » déplorent les acteurs de la justice.