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Le marché d’intérêt général, l’agriculture et la grande distribution Par Souleymane SENE

Sur lancinante question du maintien des prix et de l’approvisionnement du marché et produits de première nécessité, c’est le marché d’intérêt général qui pouvait aider à tout régler. Nous comprenons parfaitement la raison pour laquelle ce marché a été installé sur ce site.
En effet, faire la promotion du Pôle urbain de Diamniadio est une excellente initiative, mais son éloignement pose problème car il ralentit le rythme de sa fréquentation. S’il avait été beaucoup plus accessible, les populations auraient pu s’y approvisionner en masse. Il aurait été très intéressant de voir ce marché contribuer davantage à la mise à disposition des produits de consommation de masse à travers la création d’un réseau relai de commercialisation de proximité (Boutiques témoin). Ce réseau serait un excellent instrument de régulation mais aussi de stabilisation des prix des denrées de première nécessité.
Le point de stockage qu’il est pourrait aider à ravitailler l’ensemble de son réseau partenaire (Boutiques témoin version SONADIS). Cela pourrait permettre de filtrer et éliminer tous les intrus qui parasitent la chaine de distribution rendant le produit trop cher avant d’arriver au consommateur final. Il faut nécessairement organiser la distribution de ces produits en éliminant tous les intermédiaires pour espérer avoir une maitrise totale sur les prix. Ces boutiques partenaires auront une double fonction. Aider à la commercialisation des produits agricoles mais aussi des denrées de première nécessité. Elles aideront aussi à la promotion et à la commercialisation des produits locaux transformés qui font face à des difficultés liées à leur disponibilité sur le marché. Contrainte qui fait qu’ils sont perçus comme étant des produits de luxe du fait de leur rareté. Le marché peut aussi créer ce qu’on appelle des Supdealers, des grossistes exclusifs à qui on confie l’approvisionnement en produits d’une zone avec des prix homologués, subventionnés qui, quelles que soient les fluctuations des prix des denrées, ne bougeront pas. Ces SupDealers seront approvisionnés par l’Etat qui va, lui-même, procéder à l’achat des produits en gros et définir les prix. Les supDealers ne feront que verser à la banque la somme d’argent correspondant à leurs besoins en marchandises pour ensuite aller enlever et vendre au prix fixés par l’Etat dans leurs zones respectives. Ils ne seront pas concurrencés mais auront l’obligation de disposer de tout ce qui est logistique et stock suffisant pour bien approvisionner leur territoire avec évidemment un contrôle via une remontée d’informations en temps réel pour des contrôles permanents sur le taux de couverture et d’approvisionnement.
Pour les motiver davantage, des ristournes leur pourraient ainsi leur être accordées sur le pourcentage de produits vendus respectant les prix fixés mais aussi sur l’évolution du taux de couverture pour un approvisionnement correct et régulier des populations et sur le maintien des prix. Rien qu’avec ce système, l’Etat pourrait créer beaucoup d’emplois avec la mise en place de ces boutiques relais partenaires.
Concernant les grossistes importateurs, il faudrait comprendre qu’ils sont sur toute la chaîne d’approvisionnement et de commercialisation. Ils sont aussi soumis au paiement des taxes douanières qui les obligent à vendre à un prix leur permettant de rentrer dans leurs fonds (pas aussi à un prix exagéré). Ils mettent en place un réseau de 1/2 grossistes qu’ils approvisionnent, eux-mêmes, et ces 1/2 grossistes aussi mettent en place un réseau de points de vente pour s’occuper du détail, c’est à dire le retail d’où la stratégie de la compense. Cela veut dire que si le boutiquier du coin est attaqué, il incrimine tout de suite le grossiste pour dire que c’est à son niveau que le prix de la marchandise est cher or ils appartiennent tous au même réseau (Grossistes, demi grossistes et détaillants). Qu’est-ce que cela signifie-t-il exactement ? Cela voudrait dire que si l’Etat tape sur le grossiste qui accepte de se plier pour baisser ses prix, il les ajuste au niveau du détail en prétextant un stock déjà acheté, d’où la possibilité qui lui est offerte de l’écouler le temps de se conformer aux nouveaux prix. Ce qui est arrivé avec le sucre, c’est que les boutiquiers en disposent et surtout en quantité suffisante mais préfèrent le vendre au détail, en petits sachets de 25F qui sont passés actuellement à 50F. Cela leur permet de gagner le double du prix auquel ils ont acheté le sac de sucre.
L’Etat aurait déjà pu passer par le marché d’intérêt général en installant petit à petit ses boutiques témoins. Il peut, aussi, déjà réfléchir à un mécanisme de mise en place d’un réseau très puissant de supdealers avec, bien entendu, des conditions clairement définies comme expliqué plus haute fin de mener la guerre aux lobbies de la distribution et de la commercialisation sur les produits de consommation de masse qui, en aucun cas, ne devraient être sous le contrôle de qui que ce soit si ce n’est l’Etat. Il y a presque deux ans, j’alertais sur l’installation du géant de la Grande distribution, China Mall, je disais ceci dans un de mes pots Facebook :
Penser que china Mall est uniquement intéressé par ce que vous voyez dans son magasin, c’est méconnaître la stratégie d’implantation des grandes enseignes de la grande distribution. China Mall pratique des prix chers, s’aligne même pour l’instant avec les prix pratiqués sur le marché. Nos commerçants vous diront que leurs produits n’ont rien à envier aux leurs en termes de qualité. Effectivement c’est vrai. Mais pour le moment.
L’objectif de China Mall n’est pas de stocker pour commercialiser. Il va, déjà, pousser nos commerçants à :
1) Ne plus voyager pour acheter les mêmes produits
2) À devenir ses grossistes relais
3) Signer des contrats de co-branding pour faire un transfert de charges afin de mieux se focaliser sur ses objectifs principaux. Une stratégie qui lui permettra d’être partout à la fois sans réellement débourser. En d’autres termes, il va outsourcer son volet vente et ne s’occupera que de la distribution ou livraison pour ne pas perdre le contrôle de ses points de vente relai. Ce qui va tuer incontestablement l’économie locale surtout l’informel.
China Mall est sur plusieurs cibles, une fois ce maillage fait et le produit bien connu et accepté, il va s’attaquer à notre agriculture avec de très gros moyens puisque le circuit de commercialisation est déjà mis en place.
L’agro-alimentaire une cible PRIORITAIRE, se NOURRIR une URGENCE !
Auchan, China Mall, une bataille de positionnement qui aura forcément lieu au grand  » Bénéfice » des consommateurs
Au regard de la situation actuelle des intérêts français en Afrique, l’effet d’attraction que suscite actuellement China Mall n’est que comparatif mais non négligeable car il peut évoluer en fonction du ou des marchés cibles mais aussi de la manière dont les populations vont l’accueillir. Au-delà des prix pratiqués, les consommateurs veulent se faire une idée sur la qualité des produits proposés. China Mall n’est pas pour le moment sur le même segment qu’Auchan mais va certainement l’explorer au vu de l’expression manifeste et explosive de la demande (Se NOURRIR, se Vêtir) mais aussi des multiples avantages qu’offrent L’Afrique. Rester sur la même stratégie ne serait pas bénéfique à China Mall. Il faudrait innover, créé des nouveautés pour séduire les consommateurs et les soulager par rapport à certaines tracasseries rencontrées chez Auchan. Le plus petit détail n’est pas à négliger (vendre un sachet au client qui est venu s’approvisionner etc.)
China Mall va certainement investir dans les franchises pour permettre aux sénégalais d’être propriétaires et, donc, de mieux sécuriser son projet d’installation et d’investissement dans les secteurs prioritaires (agriculture, quincaillerie, BTP, etc.…). Il fera semblant de réveiller le patriotisme économique local afin de permettre à ceux qui souhaitent investir dans le secteur de se joindre à lui. Une façon de leur que le projet est à VOUS, MOI JE VOUS ACCOMPAGNE. Il va organiser le secteur informel pour en tirer le maximum davantage. Ce secteur bien organisé, est un excellent relai pour la commercialisation, l’implantation de ses produits.
Distribuer, c’est mettre le produit à portée pour satisfaire un besoin clientèle. Le problème principal de certaines enseignes locales c’est comment, au-delà de la méthode traditionnelle, réussir à distribuer correctement ces produits, avoir une maîtrise de ces circuits de commercialisation, bien gérer ses points de vente mais surtout ne pas être totalement dépendant d’eux. La stratégie souvent adoptée par certains est celle du parrainage. C’est à dire, confier l’exclusivité de la vente et de la distribution à des grossistes de renommée pour faire facilement accepter son produit (un réel danger). Le succès d’une distribution fiable et maîtrisée relève du retail avec une possibilité de fidélisation extraordinaire surtout avec la méthode marketing suiveur. Beaucoup de détails d’impact managérial et stratégiques importants vont bientôt entrer en jeu au grand bénéfice des clients pour permettre aux deux concurrents de bien sauvegarder leurs parts de marché et espérer conserver leur statut de « Leader » dans le marché Sénégalais très dynamique et exigeant.
Celui qui gagnera la bataille du pouvoir d’achat et de l’innovation quelle que soit la qualité du produit proposé, gagnera le marché.
Pour en revenir à la filière transformation, comment peut-on penser soutenir des groupements de femmes qui peinent à mobiliser les ressources nécessaires pour assurer la transformation et la commercialisation de leurs produits en investissant des dizaines de millions juste pour une semaine d’exposition au moment où chacun de ces groupements courent derrière un financement de 500.000 ou 1 million de francs soit pour se relancer ou développer son business. Et on ose, en même temps, parler d’autonomisation et de promotion du consommer local. C’est dire qu’elles ne sont pas encore tirées d’affaire.
Certains produits locaux transformés sont hyper chers et quasiment introuvables même sur le marché sauf pour certains qui ont les moyens de les référencer dans les grandes surfaces (Modern Trade) ou d’ouvrir une boutique.
Une bonne présence repose sur un circuit de distribution existant, bien approvisionné et entretenu. Cependant il faudrait comprendre que quand on veut donner de la longévité à un produit, il faudrait que ce produit soit connu et consommé, mais aussi différencier la distribution de la livraison et ne surtout pas oublier que production égale vente. La majeure partie de ces braves femmes transformatrices travaillent via le relationnel (parents, amis, proches) qui, souvent, ne sont pas des clients fidèles et ne peuvent pas souvent aider à la réalisation des objectifs de Chiffre d’affaires fixés pour maintenir l’activité en vie afin de la faire grandir. Cette clientèle très réduite est souvent à l’origine des impayés et des risques qu’elles courent de mettre la clef sous le paillasson.
Pour certains produits considérés comme « Difficiles », il faudrait nécessairement se tourner vers ce qu’on appelle « Brande Ambassador » capables d’introduire et de faire accepter le produit en un temps record sans souvent beaucoup de moyens si ce n’est que le rapport de confiance qu’ils développent avec leur clientèle très fidèle.
Pour aider à la commercialisation, les gens développent des plateformes de e-commerce qui, malheureusement, n’ont pas encore d’effet pour la majeure partie sauf chez ceux qui en font leur cœur de métier. Cette digitalisation de la distribution peut, certes, aider au bon contrôle sur la présence des produits mais ne saurait, en aucun cas, se substituer à l’action, c’est à dire au marketing direct opérationnel avec tout son impact. Malheureusement ces braves dames n’en ont pas les moyens et n’y sont pas été formées.
Pour l’agriculture, à notre humble avis, il faudrait une nouvelle approche et mais aussi comprendre que le paysan est différent du cultivateur qui est, lui aussi, différent l’agriculteur. La nouvelle agriculture pour une autosuffisance alimentaire demande des moyens colossaux, une formation et un savoir-faire. La méthode archaïque est dépassée. Il faudrait que nos gouvernants actuels comprennent, et je sais que tel est le cas, que s’ils veulent réussir dans l’agriculture, il faudrait une nouvelle race d’agriculteurs bien formés et qui disposent d’excellents moyens matériels et professionnels pour arriver à réaliser les objectifs de rentabilité et de production. L’Etat doit partir sur l’option de regrouper tous les porteurs de projets agricoles en pôles agricoles qui auront à leur disposition des terres et ainsi que l’accompagnement nécessaire avec, évidemment, des objectifs clairs. Le défi de la production n’est plus de cultiver 1 à 2 hectares mais plutôt de partir sur des dizaines voire même des milliers d’hectares selon les spéculations pour espérer un approvisionnement correct et maîtrisé du marché surtout en produits de première nécessité pour impacter les populations et le panier de la ménagère. Il faudrait aussi que nos banques acceptent de prendre le risque d’accompagner les porteurs de projets. Si le ministère de l’Agriculture avait pris l’option de produire en un temps record, par exemple de l’oignons en qualité et en qualité suffisante, il aurait réussi. A mon humble avis, il devrait tout de suite partir sur l’exploitation du Dac de Keur Momar Sarr ou essayer de faire revivre les fermes privées déjà aménagées et qui sont confrontées à un problème de moyens et en faire des lieux d’incubation pour déjà disposer d’un noyau dure avec lequel expérimenter les stratégies et politiques agricoles développées. Sur 6 à 12 mois, il aurait formé et initié beaucoup de jeunes aux techniques agricoles. Et ces jeunes, une fois leur formation terminée, auront accès à des terres pour continuer la production mais d’une manière décentralisée. Au-delà de ça, le Sénégal regorge d’écoles de formation en agriculture dont sont issus beaucoup de jeunes diplômés de la filière mais qui n’ont jamais réussi leur insertion. Cela pourrait, donc, également constituer un véritable noyau dur sur lequel s’appuyer. Cette stratégie pourrait aussi aider en un temps record à disposer de ressources capables de mettre en œuvre toutes les éventuelles stratégies à développer. Pour apporter des solutions durables et pérennes pouvant impacter positivement les populations, il faudrait mettre en place une excellente stratégie et avoir un très bon ciblage des acteurs évoluant dans cet environnement hyper compliqué. Ce ne sont pas les programmes qui manquent mais une bonne application et des politiques agricoles fiables, porteuses et adaptées.
Il faudrait aussi, en toute lucidité et avec beaucoup de froideur, poser le bon diagnostic afin d’identifier ce qui a empêché la réussite de ces programmes conçus par des experts depuis presque le lendemain des indépendances. Soit, ils ne sont pas adaptés soit ils ont été mal pilotés. Il y a un très grand fossé entre coucher une idée de projet, élaborer une stratégie sur papier et leur réalisation. Les gens veulent aller cultiver la terre, mais il faudrait au préalable régler beaucoup de problèmes (Foncier, Financements, maîtrise de l’eau, commercialisation, transformation et j’en passe). Apprendre des erreurs du régime passé, c’est avant tout suite savoir que l’autosuffisance ne se décrète pas. Elle se conçoit avec des objectifs claires, nets précis mais aussi avoir une excellente stratégie surtout inclusive. Pour un secteur aussi stratégique et détenteur d’espoirs dans des périodes où tout est urgence, il faut être très pragmatique et orienté vers les résultats.
Souleymane SENE, Responsable du Développement Commercial à Agro Business Sénégal, Spécialiste de la Vente, du Marketing opérationnel et de la Distribution. Email : souleymaane.sene@gmail.com