10 MILLIARDS PAR AN POUR DES TENUES ESCOLAIRES : L’Eat lapidé dans les réseaux sociaux
L’Etat va mettre 10 milliards par an, pendant 3 ans, pour la confection de tenus d’écoliers. Et le ministre de l’Education nationale a lancé le processus, à travers une note envoyée le 3 aout aux différentes académies. Mais la mesure est loin de convaincre. Dans les réseaux sociaux, des personnalités diverses, des acteurs de l’éducation, des activistes et de simples internautes soulignent l’impertinence et l’inopportunité de la mesure au moment où les abris provisoires qui impactent négativement sur les enseignements-apprentissages pullulent encore dans le pays, même à Dakar, et à quelques encablures du ministère de l’Education nationale.
Le gouvernement, sur instruction du chef de l’Etat, va mettre 30 milliards, en raison de 10 milliards par an, dans une initiative intitulée : ‘’Programme national de dotation des établissements en tenues scolaires’’. Même si dans le fond, l’initiative n’est pas mauvaise, son opportunité et sa pertinence posent de sérieux problèmes. Comment mettre 30 milliards sur des tenues scolaires, alors que dans beaucoup de localités, on continue d’apprendre dans des abris provisoires.
En 10 ans, entre 2011 et 2019, seuls 4453 abris provisoires ont été résorbés sur un total de 8822
Et pendant que le programme national de résorption des abris provisoires marque le pas. En effet sur les 8822 abris provisoires répertoriés en 2011, seuls 4453 ont pu être résorbés en 2019, si l’on se réfère aux chiffres donnés par l’ancien ministre de l’Education nationale Serigne Mbaye Thiam. Et cela a pris dix ans. Et si l’on sait que dans les régions les plus reculées du pays, on continue de faire de nouveaux abris provisoires, on comprend que le gap à combler est énorme.
Moustapha Diakhaté : ‘’Dix milliards de FCFA pour des uniformes scolaires : une provocation’’
A la suite de la Cosydep, beaucoup de Sénégalais ont dénoncé l’inopportunité et l’impertinence de la mesures à travers les réseaux sociaux. C’est le cas de l’ancien chef de cabinet du chef de l’Etat, Moustapha Diakhaté qui, dans une note lapidaire, trouve que cette mesure est une véritable provocation, au moment où les priorités de l’école sont ailleurs. ‘’C’est une véritable provocation que de dépenser autant d’argent pour acheter des uniformes scolaires au moment où des milliers d’élèves apprennent dans des abris provisoires. A cette situation dramatique, il faut aussi ajouter les inacceptables déficits d’enseignants, de classes et de table-bancs’’, fustige l’ex-président du groupe parlementaire de la majorité présidentielle. Qui ajoute que l’alibi de l’emploi des jeunes mis en avant pour justifier cette forte commande ne tient pas la route.
Ibra Mbaye, inspecteur à la retraite : «Je ne vois comment tenir cette bamboula… quand les graves problèmes jamais résorbés vont s’amplifier»
Ibra Ndiaye, inspecteur de l’éducation à la retraite, ne voit pas lui aussi l’opportunité de cette mesures. «Ce que je trouve tout à fait incohérent c’est la somme faramineuse et la durée de vie éphémère des tenues. (…). Des tenues qui vont coûter 10 milliards dans un système éducatif incapable de résoudre la question des mauvais résultats et des abris provisoires», souligne-t-il d’emblée dans un post sur sa page facebook. «Qu’on éclaire un peu ma lanterne sur ces 10 milliards. S’il s’agit d’un budget annuel, je ne vois comment tenir cette bamboula chaque année… quand les graves problèmes jamais résorbés vont s’amplifier : les abris provisoires, le déficit en tables-bancs, en manuels, la masse salariale qui va augmenter avec les nouveaux enseignants à recruter et à former», ajoute-t-il. Dès lors, il voit en cette mesure, une caprice de politiciens. «Déjà au lieu de s’interroger sur les mauvais résultats d’une année sans grève, on sort la boîte à milliards transformée en boîte de Pandore. Rien que pour satisfaire les appétits pantagruéliques d’une clientèle politique vorace qui claque déjà la langue les veilles de campagne électorale. (…). L’Ape et la Cge peuvent régler la question des tenues sans que l’Etat s’en mêle financièrement. L’éducation n’est pas une affaire de fantaisie politique, les décisions qu’on y prend marquent des générations entières et le destin de notre Nation», martèle-t-il.
‘’A 5 minutes des locaux du ministère de l’Education nationale, il y a une école de deux classes en abris provisoires’’
L’activiste Jaly Badiane a également posé le débat sur sa page Facebook. Et les réactions ne se sont pas fait attendre. ‘’10 milliards pour des tenues scolaires alors qu’il y a encore des abris provisoires en pagaille et des salles de classe sans table-bancs. Ce pays est illogique !’’, fait-elle remarquer. Très pratique, Ibrahima Thiaw qui se définit comme un «homme du milieu» scolaire souligne : ‘’10milliards, c’est 2800 salles de classe’’. Et d’ajouter que ‘’l’élève a plus besoin de salle classe que de tenue’’. Un autre commentateur de souligner que même à quelques encablures du siège du ministère de l’Education nationale, il y a des abris provisoires. ‘’A Diamniadio, à 5 minutes de la sphère ministérielle où se trouvent les locaux du ministère de l’Education nationale, il y a une école de deux classes en abris provisoires, avec des toilettes mobiles, sans clôture…En plus, c’est en pleine région de Dakar’’, assène-t-il. Pour Ibrahima Khalil Diop, il n’y a pas à chercher de midi à quatorze heures. ‘’C’est juste une autre manière de dilapider l’argent du contribuable’’, soutient-il. Et de conclure : ‘’apparemment, elles (les autorités) ne savent pas que l’urgence est ailleurs’’.
L’info