UNION DES MAGISTRATS DU SENEGAL : Téliko solde ses comptes avec l’exécutif avant de partir
Souleymane Téliko a quitté samedi la tête de l’Union des magistrats du Sénégal. Mais avant de partir, le magistrat qui ne sait pas faire dans la langue de bois, a, dans son dernier discours, fustigé l’attitude de l’Exécutif qui fait trainer les réformes au sein de la justice. Aussi, déplore-t-il la volonté de faire taire les magistrats sous prétexte du droit de réserve et le fait de les prendre pour des adversaires ou des politiciens encagoulés, juste parce qu’ils ont pris des positions qui ne vont pas dans le sens de celles du pouvoir.
Non seulement le pouvoir Exécutif traine les pieds pour les réformes en profondeur, notamment au niveau du Conseil supérieur de la magistrature, mais il ne se gêne pas de chercher à faire taire tous ceux qui s’expriment sur le sujet. C’est la conviction de Souleymane Téliko, qui livrait samedi, le rapport d’activité de son mandat, à l’occasion de l’Assemblée générale de l’UMS. ‘’Ce qui est nouveau, en revanche, c’est cette posture de l’Exécutif qui, non content de rejeter toute perspective de réforme en profondeur de notre mode de gouvernance judiciaire, semble décidé à réduire au silence toute voix discordante qui se fait entendre à ce sujet’’, a déclaré le président sortant de l’Ums. Qui est d’autant plus irrité par cette attitude de l’Exécutif que pour lui, ‘’l’obligation de réserve n’est pas un confinement au silence, encore moins la négation de la liberté d’expression’’. Pour Téliko, c’est seul dans l’expression libre des idées et des opinions que l’on peut faire avancer la cause de la justice. Mais déplore-t-il, ‘’on a fait prévaloir, en lieu et place de la force de l’argument, l’argument de la force, de l’intimidation et du dénigrement. Poursuivant, il trouve que même si les magistrats ne peuvent pas faire à eux seuls la justice, celle-ci ne peut pas non plus se faire sans eux. ‘’Les magistrats ont le droit, si ce n’est le devoir, de jouer leur partition dans l’œuvre de construction de cette justice dont ils sont parfois à leur corps défendant, les principaux responsables’’, a-t-il martelé.
‘’Nous ne sommes attachés à aucun clan politique ni aucune chapelle…»
En outre, celui qui était dans le viseur des autorités, notamment du ministre de la Justice, qui voit en lui un empêcheur de tourner en rond, de par ses positions et ses sorties sur les grandes questions de la justice, de préciser que sa posture n’a rien de politique et n’est sous-tendue par aucune chapelle politique. ‘’Nous ne sommes attachés à aucun clan politique ni aucune chapelle, si ce n’est celle de la justice que nous avons l’honneur et le plaisir de servir’’, dit-il. Non sans ajouter que ‘’s’il peut arriver, dans l’exercice de la liberté d’expression que leur consacre leur statut, que les magistrats rament à contre-courant des positions dominantes, cela ne doit pas pour autant faire d’eux des adversaires désignés d’un quelconque régime’’. Et de conclure en invitant les pouvoirs publics à ‘’comprendre qu’ils n’ont pas en face d’eux des adversaires’’, mais des acteurs de la justice ‘’soucieux de l’intérêt général et ayant à cœur de servir loyalement et dignement leur pays et contribuer au rayonnement de cette justice’’. Ces précisions faites, le président sortant de l’Ums a fait le bilan de sa gestion depuis 4 ans. Outre la tenue de journées de réflexion dans les ressorts des cours d’appel, des colloques sur l’indépendance de la justice et autres activités scientifiques, il dit avoir œuvré pour maintenir la dynamique consistant à̀ faire de l’Union, un cadre de réflexion et d’action au service des magistrats et de la justice. Dans son bilan, le président sortant a rappelé les excellents rapports, fondés sur le respect réciproque, la communication permanente et la franche collaboration entre l’Ums et la chancellerie, jusqu’au beau milieu de l’année 2020. Malheureusement, a-t-il rappelé, ces rapports ont connu une autre tournure, à la faveur de l’affaire concernant leur collègue Ngor Diop, lorsqu’au mois de juin 2020, ce dernier fut affecté́ dans des conditions qu’ils avaient jugé irrégulières.