A la Une

FIABILITE DU FICHIER ELECTORAL : L’imbroglio !

Alors que les auditeurs et la majorité valident la fiabilité du fichier électoral, l’opposition elle, rue dans les brancards et décèle un ensemble de dysfonctionnements qui ne garantit guère des élections transparentes et sincères.

L’audit du fichier électoral a fini en eau de boudin. Parti pour rapprocher pouvoir et opposition et apaiser le climat politique, il attise davantage la tension entre les parties. Au lendemain de la restitution des travaux, suivie de la remise du rapport final au Comité de suivi du processus électoral, ça accuse dans le camp de l’opposition au moment où ça défend fort du coté de la majorité. ‘’D’emblée je vous dis que, nous de l’opposition, nous ne sommes pas d’accord avec la conclusion qui a été faite par l’équipe des experts’’, lance Aldiouma Sow au bout du fil. Le chargé des élections de Pastef, membre actif du pool des plénipotentiaires de l’opposition estime que le vers est dans la méthodologie utilisée. ‘’Nous estimons que la méthodologie que nous avions recommandée dans les termes de référence n’a pas été respectée. Nous avions demandé à ce que cet audit se fasse sur pièce et sur place. Or cela n’a pas été le cas’’, brocarde-t-il. ‘’ C’est dommage qu’ils aient fait un travail extrêmement important et qu’ils ratent la fin avec une petite conclusion de quelques mots. Parce qu’ils disent qu’en conclusion, le fichier est fiable’’, martèle pour sa part, le plénipotentiaire de Taxawu Dakar, Saliou Sarr. 

«La méthodologie que nous avions recommandée dans les termes de référence n’a pas été respectée».

Enfonçant le clou, Aldiouma Sow fulmine que l’audit de cette année est différente des autres audits dans le sens où il devait s’intéresser en amont, aux supports qui ont servi à constituer le fichier électoral et qui sont les extraits de naissance, les certificats de résidence, les cartes d’identité nationale. Mais aussi et surtout, les procès-verbaux des comités électoraux qui doivent servir de base pour construire la carte électorale. A ce niveau, le camarade d’Ousmane Sonko précise que tous ces supports doivent obéir à un certain nombre de caractéristiques qui sont précisées par la loi. 

‘’400 000 électeurs intégrés dans le fichier en dehors de la période de révision’’ 

Dans le rapport d’audit déposé hier sur la table du Comité de suivi du processus électoral, Sow estime que même si les experts n’ont pas respecté la méthodologie définie dans les TDR, le rapport contient en lui-même des éléments qui remettent en cause la fiabilité du fichier. Etant donné que la fiabilité du fichier s’apprécie par rapport au cadre législatif et règlementaire qui encadre sa constitution. ‘’Sur ce point, les auditeurs nous ont dit que dans la période du 19 février 2019 au 25 février 2021, on a noté une entrée de 400 000 électeurs dans le fichier électoral. Or il n’y a pas eu de révision des listes électorales pendant cette période. Si des gens figurent dans le fichier en dehors des périodes de révision des listes électorales, cela pose problème et c’est suspect’’, incrimine-t-il. De son coté, son camarade de Taxawu Dakar relève que les auditeurs ont donné énormément d’informations intéressantes et importantes, qu’ils ont fait beaucoup de constats de dysfonctionnements qui les ont poussés à faire plus de 33 recommandations. Or, on ne peut pas faire plus de 33 recommandations et arriver à la fin pour dire que le fichier est fiable. ‘’Tout le monde ne retient que cette phrase’’, tonne le camarade de Khalifa Ababacar Sall.

«Or, on ne peut pas faire plus de 33 recommandations et arriver à la fin pour dire que le fichier est fiable»

Revenant à la charge, Aldiouma Sow renchérit : ‘’si nous prenons la biométrie qui est un élément d’appréciation, le rapport dit qu’il y a 214 mille électeurs qui sont dans le fichier et pour lesquels il n’y a pas d’empreintes biométriques. Quand nous avons quantifié cela, ça correspond à 3,2% du fichier électoral’’. Le hic dans ce dysfonctionnement selon Sarr, est que le fichier électoral est le support avec lequel on organise le parrainage. Et pour qu’une liste puisse passer au parrainage, il faut qu’elle réunisse un nombre égal ou inférieur à 1% du fichier électoral. ‘’Toutes les listes électorales qui tombent dans ces 3,2% seront invalidées. Partant de ce fait, cela veut dire que le fichier ne permet pas d’organiser une opération de parrainage qui permet le traitement équitable des candidatures’’, note-t-il. A propose de ce parrainage d’ailleurs, Saliou Sarr regrette le fait que le Conseil constitutionnel qui l’a mis en œuvre ait décidé de ne pas répondre aux auditeurs qui l’avaient pourtant saisi d’une lettre officielle. Dans la même veine, relève le plénipotentiaire de Taxawu Dakar, l’audit a montré qu’il y a plus de 900.000 personnes qui sont inscrites sur les listes électorales avec un extrait de naissance, plus de 550.000 personnes qui sont inscrites sur les listes mais qui ont changé de lieu de vote et ils utilisent des certificats de résidence qui ont été décriés. ‘’Il y a énormément eu de cas de fraudes avec les certificats de résidence. Ils l’ont tellement constaté qu’ils nous ont fait une recommandation pour qu’on dessaisisse les maires pour transférer la confection de certificats de résidence à la police et à la gendarmerie. Comment on peut dire ça et avoir 1 million 500 mille personnes qui se sont inscrites sur la base de documents suspects et après on dit que le fichier est fiable’’, rouspète-t-il. Mieux, assène Aldiouma Sow, le fichier nous apprend que les départements de Diourbel, Thiès, Ziguinchor et Dakar qui, a priori sont des bastions de l’opposition, ont connu des modifications de leurs cartes électorales. ‘’L’audit ne nous dit pas ce qui est à l’origine de ces modifications. Il se contente tout simplement de dire que les Sénégalais considèrent l’élection comme les grandes fêtes et que c’est pourquoi ils changent leurs lieux de vote’’, déclame-t-il. Avant d’ajouter : ‘’ils disent également que le fichier est représentatif de la démographie, mais le rapport nous dit que parmi les majeurs, seuls 53% figurent dans le fichier, c’est-à-dire les primo votants, donc il y a 47% de jeunes qui doivent disposer d’une carte d’électeurs qui ne sont pas dans le fichier’’. Indexant la biométrie, Saliou Sarr déclare que 3,2% de l’électorat qui est dans le fichier électoral ne répond pas aux critères biométriques

Revenant au cadre règlementaire, Aldiouma Sow pense qu’il n’a pas été respecté parce que la manière dont la carte électorale s’est faite, n’a pas respecté les dispositions du code électoral qui l’organise en ses articles 65 et 66. Au total, soutient Saliou Sarr, on ne sait pas à quel chiffre se fier pour ce qui est du nombre total d’électeurs. ‘’Après la refonte de 2016-2017, ils disent que le fichier s’élève à 6.318.367 électeurs. Pour la même date, la CENA dit qu’il y a 6.219.446 électeurs. L’avant-dernier audit en 2018, pour la même période, le fichier s’élève à 6.219.251. Trois chiffres différents donnés par trois institutions’’, regrette-t-il.

Cheikh Sarr, BBY  ‘’L’opposition est de mauvaise foi’’

Avec tous ces impairs, l’opposition est unanime à soutenir que le fichier ne peut pas être déclaré fiable. Mais selon Cheikh Sarr, défendre une telle position relève tout simplement de la mauvaise foi. ‘’L’opposition n’est pas objective. C’est elle-même qui a exigé cet audit du fichier avant toute élection. Nous avons consenti à leur décision en dépit de l’audit de 2018 avec le même résultat qu’on a obtenu aujourd’hui. Ils sont à la limite de mauvaise foi’’, lance-t-il d’emblée. Selon le plénipotentiaire de Benno bokk yaakaar et leader de Niaxx Jarinu, ‘’les auditeurs ont remarqué que les instruments ont été conformes au cadre juridique, l’universalité du suffrage est respectée, le code électoral reconnait le droit de vote de chaque citoyen, le processus électoral est participatif, tous les partis politiques ont le droit de participer aux travaux des commissions administratives à la distribution des cartes’’. Dans la même veine, ‘’ils disent aussi que le parrainage peut être amélioré à travers plusieurs variantes. A ce niveau, ils disent qu’au lieu de se limiter au parrainage citoyen, il faut donner un choix au candidat de pouvoir être parrainé par un député ou par un certain nombre d’élus’’. Pour l’analyse technique du fichier, ‘’les auditeurs disent que le fichier est un fichier biométrique avec capture de dix doigts et de la photo de l’électeur. Ils disent que chaque électeur est rattaché à un bureau de vote’’. Suffisant pour lui, de charger l’opposition. ‘’Ils n’ont qu’à prouver leurs accusations s’il y a des électeurs dont on n’arrive pas à identifier les empreintes digitales. Si l’opposition veut faire l’audit à la place des auditeurs, elle n’avait qu’à le dire au départ. C’est un match de football, on a les règles du jeu et on est tous tombé d’accord et à la fin, lorsqu’on encaisse trois buts, on remet en cause les règles de fonctionnement. Ça ne passe pas’’, assène-t-il.

L’info