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TOUR DE France : Raymond Poulidor est décédé à l’âge de 83 ans

Mort ce mercredi, Poupou a écrit les plus belles pages du Tour de France. Il n’a jamais porté le maillot jaune, mais a marqué l’histoire de la compétition.

Juillet 1968. Le monde est secoué de toutes parts et les pavés ont déjà été arrachés du bitume parisien. Mais, comme chaque été depuis 1903, la caravane du Tour de France s’ébroue dans les campagnes hexagonales, offrant une parenthèse d’aventure à cette année si tumultueuse. Pour son septième Tour, Raymond Poulidor, le chouchou d’un public qui l’a depuis longtemps rebaptisé « Poupou », est favori.

arbore déjà le visage du combattant, de celui qui en a vu d’autres et qui a déjà connu quatre podiums. Mais, à moins de 50 km de l’arrivée, lors de cette 16e étape entre Font-Romeu et Albi, tout bascule. En tête du peloton, une moto suiveuse fait un écart, bouscule l’Espagnol Gonzales et heurte la roue arrière de « Poupou ». Les adversaires du Creusois s’en donnent à cœur joie et multiplient les attaques.

Raymond Poulidor, lui, remonte sur son vélo, le visage tuméfié et en sang, les coudes et les genoux ouverts.

Il termine l’étape à l’abnégation. À l’arrivée, Roger Pingeon a la victoire modeste : de nouveau, c’est la détresse et la colère de « Poupou » qui prédominent, lui qui abandonne le soir même un Tour qui lui était destiné. La fatalité a toujours accompagné Poulidor sur la route du Tour.

 Et ce, dès sa première participation, en juillet 1962, quand il commence l’épreuve avec la main dans le plâtre et l’auriculaire cassé. Cette année-là, le coureur remporte la première de ses sept victoires d’étape et se hisse déjà sur le podium (3e). À huit reprises en quatorze participations, il connaît les joies des trois premières places, mais jamais celle de la consécration.

Il n’empêche, le petit paysan du Limousin, né en avril 1936, peut se targuer d’une popularité hors norme. Il est l’un des acteurs d’un des plus beaux et épiques duels du sport : une confrontation avec Jacques Anquetil haletante, qui divise la France. On était pro-« Poupou » ou pro-Anquetil, le premier remportant largement les suffrages dans les campagnes françaises.

Depuis ses premiers coups de pédales dans l’élite, Poulidor a cultivé sagesse et modestie, devenant le pur produit du bon sens rural.

L’un des plus beaux épisodes de ce duel a pour cadre les pentes du Puy-de-Dôme, en 1964, lors de la 51e Grande Boucle. « Jamais deux hommes qui se disputaient férocement le plus beau et le plus rare des trophées n’avaient été si rapprochés dans l’effort », écrivait le directeur de l’épreuve, Jacques Goddet, dans les colonnes de L’Équipe. Une lutte « grandiose, implacable, poignante ».

 Les deux rois espagnols de la montagne, Jimenez et Bahamontès, se disputent la victoire : « Poupou » passe, lui, devant Anquetil et reprend au forceps une poignée de secondes (14 au total) insuffisante pour arborer la tunique jaune de leader.

« Poupou » et son palmarès en or

Durant toute sa carrière, Raymond Poulidor court contre les plus grands : avant Anquetil, il est contemporain de Louison Bobet puis, alors quadragénaire – « quadragêneur », comme le qualifie alors la plume Antoine Blondin –, d’Eddy Merckx. En 1974, il s’impose au Pla d’Adet et finit second, encore, cette fois-ci derrière le Belge.

Ne retenir que la fatalité qui entoure « Poupou » dans les méandres des routes du Tour, c’est faire fi d’une grande carrière, c’est oublier les 189 courses où il a terminé premier. Milan-San Remo (en 1961), le Tour d’Espagne (1964), le Grand Prix des nations (1963), Paris-Nice (1973) représentent autant de succès prestigieux qui l’inscrivent au panthéon des plus grands du cyclisme.

Comme une revanche sur l’histoire, « Poupou » arborait le maillot jaune depuis plusieurs années sur les routes du Tour en tant que représentant du partenaire (LCL) du maillot prestigieux. À la fin de sa carrière, déjà pour le compte d’une publicité, il avait revêtu la tunique dorée. Mais les Français, eux, n’ont pas oublié : sur la Grande Boucle et dans les innombrables courses où il était convié, Poulidor était inlassablement applaudi. Les spectateurs le félicitaient encore et toujours, lui demandaient un autographe ou se lançaient dans le récit d’une anecdote. Car tous ont un souvenir devenu commun et un bout de la gloire de « Poupou » qui s’échange entre proches. Avec sa gouaille et son sourire de toujours, il conservait intacts sa modestie et son envie de partage.

Chaque été, Raymond Poulidor sortait de sa retraite du Limousin pour se fondre dans la caravane du Tour de France. En juillet 2019, il est apparu plus fatigué que naguère. Une faiblesse physique qui ne fit que s’accentuer durant l’été. Début octobre, il est hospitalisé à Saint-Léonard-de-Noblat (Haute-Vienne), la commune où il réside. Sa famille a annoncé sa mort ce mecredi 13 novembre. Jamais suspecté de dopage en dix-sept ans de carrière, et auréolé d’un palmarès exceptionnel (Tour d’Espagne, Milan-San Remo, Flèche wallonne, Paris-Nice à deux reprises…), il laisse les Français orphelins d’un sportif populaire qui a marqué de son empreinte la Grande Boucle. Ses statistiques forgent sa légende : trois fois deuxième du Tour et cinq fois troisième en quatorze participations. Quatorze années sur les routes de France, on ne fera jamais mieux.

Toutinfo.net (avec Le Point)