INAUGURATION DU PONT SÉNÉGAMBIE: Des impactés s’apitoient sur leur sort
Plus de 15 000 personnes risquent de se retrouver au chômage si les deux gouvernements sénégalais et gambiens ne font pas quelque chose pour sauver leur gagne-pain. En majorité des commerçants, ces gens partagent en commun le malheur d’être impactés négativement par la construction du pont sénégambien.
Il est 15 heures au poste frontalier de Keur-Ayib. En cette matinée ensoleillée du lundi 21 janvier, ce lieu de transit des voyageurs sénégalais et gambiens refuse du monde. C’est le jour inaugural du pont qui va désormais relier le Sénégal et la Gambie. Deux peuples unis par «la géographie, les liens du sang et un destin commun», comme l’a rappelé le Président Macky Sall dans son allocution. Du coté gambien comme sénégalais, les gens se sont déplacés en masse pour ne rien rater de ce jour historique. Non loin de cette atmosphère carnavalesque, El hadji Samb, un commerçant sénégalais, n’a pas le cœur à la fête. Même s’il apprécie la réalisation du pont, El Hadji n’en demeure pas moins pessimiste par rapport aux lendemains de sa profession de vendeur à la table. Il s’est établi dans cet endroit depuis des années en tant que commerçant. Mais son appréhension est allée crescendo avec l’achèvement et l’inauguration du pont. «On rend grâce à Dieu pour la construction de ce pont. C’est une bonne chose tant pour les Sénégalais que pour les Gambiens. Tous leurs prédécesseurs ont eu l’intention de le faire, mais malheureusement ils n’y sont pas parvenus. On se félicite que ce soit l’œuvre conjointe des Présidents Macky Sall et Adama Barrow. On ne peut que s’en glorifier. N’empêche, nous avons une crainte légitime quant à l’avenir de travail. Nous sommes des vendeurs ; c’est ici qu’on gagne notre vie pour entretenir nos familles. Mais puisque maintenant le pont est construit, nous n’avons pas un endroit où aller. On nous avait promis des indemnités, on n’a rien reçu. On nous a aussi promis un marché, on n’a rien vu.
Ce qui est sûr, c’est qu’après cette inauguration, notre travail ne sera plus rentable parce que les voitures ne vont plus s’arrêter ici pour acheter quoi que ce soit. Maintenant, nous tendons la main aux Présidents Macky Sall et Adama Barrow pour qu’ils nous aident afin que puissions poursuivre nos activités », déclare El Hadji Samb. A côté de lui, El Hadji Diop, un Gambien, se trouve dans la même situation. Ce pont, affirme-t-il, leur est tout préjudiciable. Dans une métaphore rustique, il assimile l’impact négatif que leur coute l’achèvement du pont à «un champ de culture subitement endommagé». En 2010, le Président gambien de l’époque, en l’occurrence Yayah Djameh, avait dit que nous aurions un marché dès que le pont sera édifié». Profondément dépité, il déplore le fait de n’avoir ni indemnités et de n’être pas relogés. A l’en croire, les multiples correspondances adressées au ministre gambien n’y ont rien fait. Très remontés, les membres de l’Association, qui regroupe plus de 15.000 personnes dont les activités se verront plombées, avaient décidé de manifester leur colère en arborant des brassards rouges le jour de l’inauguration avant de l’annuler par respect aux nombreuses personnalités présentes à cette cérémonie. El Hadji Samb n’en demeure pas moins convaincu du manque de considération dont ils sont l’objet. De nationalité gambienne, Ndèye Penda Mbaye, quant à elle, apprécie positivement le pont qui relie désormais deux peuples unis par des liens séculaires. «On est très content aujourd’hui. Nous remercions profondément les Présidents Adama Barrow et Macky Sall pour avoir eu l’idée ingénieuse de construire ce pont», a soutenu la jeune dame âgée d’une trentaine d’année.
( Envoyés spéciaux Ousseynou BALDÉ et Mamadou Mbakhé NDIAYE )