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Le Grand Diao:La disparition d’un géant par El Malick Seck

Dakaractu-La disparition subite du grand magnat Abdoulaye Diao laisse orphelin le monde des affaires en général et celui du pétrole en particulier. C’est un immense fils du pays que le Sénégal vient de perdre. Brillant élève, lauréat du concours général, c’est le Président Senghor en personne qui l’adopta avant de l’envoyer au Lycée Louis le Grand. Journaliste pour l’avoir fréquenté depuis plus d’un quart de siècle, il m’avait raconté par force détail son départ de la cité du rail, ce royaume d’enfance qu’il n’a jamais oublié, ses premières journées dans la grisaille parisienne. Je publie à nouveau cet unique portrait fait de lui par un journaliste.C’etait quand j’editais le quotidien numérique Le Soir en 2016.

Né à Thiès, au lendemain de la 2eme guerre en 1946, il a vécu une enfance dans une famille démunie et rien n’a été facile dans sa jeunesse. Sauf qu’il a été très brillant à l’école, devenant toujours le premier de sa classe. Remarqué par Senghor aux Concours général, il entre au prestigieux lycée Louis Le Grand de Paris pour une prépa en maths-sup. «C’était un génie de l’époque. Les mathématiques c’étaient sa tasse de thé, il était très fort ». Plus tard, il devient ingénieur de l’Ecole centrale de Lille, puis ingénieur de l’Institut français du pétrole (Ifp) de Paris, licencié ès sciences physiques et sciences économiques. A son retour au Sénégal, c’est le Président Senghor qui s’occupe de sa carrière, toujours subjugué par le talent de cet enfant du rail. «On lui donne un logement en plein centre ville et Senghor le reçoit tout jeune ». Il est chargé d’écrire les premiers statuts de ce qui deviendra, quelques années plus tard, Petrosen.

Nous sommes aux environs de 1972.

«Diao est devenu jeune conseiller au ministère de l’énergie. Il est tout jeune et a moins de trente ans quand il doit intervenir dans une réunion avec toutes les sommités du secteur. Son ministre de tutelle lui demande de prendre la parole devant Senghor en public ».

C’était la belle époque. Il écrit les textes régissant Petrosen, pratiquement les mêmes jusqu’à présent, qui du reste orientent l’exploitation pétrolière au Sénégal. «Notre pays lui doit une bonne partie des textes qui régissent et encadrent la recherche et l’exploration pétrolières, il a beaucoup participé à la rédaction de ces textes et a donné son avis d’ingénieur, il est pratiquement l’un des tout premiers ingénieurs dans le domaine du pétrole ».

De conseiller au ministère, il quitte finalement pour le privé et travaille avec Cheikh Fall, l’ancien président de Air Afrique dans sa société de négoce et de transit. Il y reste quelques années, avant de lancer en 1985, la société International Trade Oil and shipping (Itoc). «Il a lancé la boîte avec la somme de 500 000 francs CFA.

Le mobilier, il l’a payé à Sandaga, il a pris des locaux à l’immeuble Sdih, qu’il n’a jamais quitté d’ailleurs. On se demandait à l’époque s’il pouvait payer le loyer du mois suivant». Mais c’était sans compter sur la ténacité de l’homme.

Alors que les appels d’offres de la Société africaine de raffinage (Sar) n’étaient ouverts qu’aux grandes sociétés occidentales comme Total ou Mobil à l’époque, il participe à cela et rafle son premier bateau de brut. Aidé par des amis qu’il a croisés sur les bancs. Grâce à son réseau, il peut amener un premier bateau de brut. «C’était beaucoup d’argent, pas moins de 50 millions de dollars déjà à l’époque.

C’était un coup test de la part de ses partenaires, il a montré beaucoup de sérieux et a respecté tousses engagements vis à vis d’eux ». C’était le début d’une grande aventure. ITOC devient dès lors le premier trader sénégalais. Une société que certains ont longtemps du reste attribuée à Moustapha Niasse. «Totalement faux, Niasse a croisé Diao dans l’ascenseur de l’immeuble Sdih car il y présidait une compagnie d’assurances dénomme Sosar Al Maname. Il a reconnu ce jeune ingénieur qu’il a croisé dans des réunions quand il était conseiller technique au ministère de l’énergie. Il s’intéresse aux activités de Diao et prend juste 5% du capital. Avec son statut d’ancien premier ministre, l’honneur lui a été fait d’être le Président du conseil d’administration ».

Peu connu du public sénégalais, Diao sera mis sous la lumière à l’arrivée de Wade au pouvoir. «Karim Wade a voulu rentrer dans le secteur et des manœuvres ont été faites à son encontre et une des sociétés où il est actionnaire. Oryx, en l’occurrence, a été lourdement taxée avec un redressement fiscal de plusieurs centaines de millions. Nous sommes en 2002, son nom apparaît pour la première fois dans les colonnes de la presse. Mais l’homme s’était déjà fait.Avec un de ses amis, dénommé Jean Claude Gandour, décédé aujourd’hui, il avait monté Oryx.

Cette société deviendra l’un des leaders mondiaux du secteur avant d’être revendue à plus de 7000 milliards de francs CFA aux chinois de Sinopec. L’homme est à la tête de la société sénégalaise la plus régulière des trente dernières années. «Abdoulaye Diao a été le premier Sénégalais à franchir le cap des 100 milliards de chiffre d’affaires. ITOC réalise de telles performances depuis des années.

Elle a été même pendant des années, seconde entreprise du Sénégal, derrière la Sar, atteignant des pics de 800 millions de dollars de chiffre d’affaires, faire de tels résultats pendant plus de trente ans, est une prouesse dans le milieu des affaires ».

Cette grande personnalité du monde des affaires qui compte beaucoup de relations chez les hommes politiques, religieux, journalistes, banquiers est l’un des Sénégalais les plus respectés. Conseiller spécial de Macky Sall, il connaît l’actuel président depuis plus de vingt ans. Il est également très proche d’Ousmane Tanor Dieng. «Abdou Diouf est également un de ses amis et ce dernier s’est même déplacé jusqu’à sa ferme de Pout ».

Diao est très respecté par les hommes politiques, ceux du pouvoir, comme ceux de l’opposition. «C’est l’un des rares à faire l’unanimité ». Abdoulaye Diao est également connu pour sa générosité légendaire. «C’est un homme qui aide beaucoup de personnes et dans la discrétion la plus absolue.

Il est très généreux, il n’a jamais oublié d’où il vient». Chaque week-end, il passe du temps avec sa famille dans sa ferme de Pout, un espace moderne où il fait de l’élevage, une activité qu’il adore, comme tout bon peul. Il est aussi très aimé dans sa ville natale de Thiès où il a construit et logé tous ses parents.

El Malick Seck (elmalickseck2021@gmail.com)

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