Minorité religieuse bahaïe: en Iran, «une répression organisée, pensée, planifiée»
C’est la plus grande minorité religieuse non musulmane d’Iran : les bahaïs seraient quelques centaines de milliers dans le pays, mais Téhéran les considère comme des hérétiques, et même des « espions » liés à Israël. Ces dernières semaines, les représentants de cette communauté dénoncent en Iran des dizaines d’arrestations et une vague de répression. Entretien avec Jean-Francois Bourque, membre du bureau des affaires extérieures des bahaïs de France.
RFI : La Communauté internationale bahaïe (CIB), qui défend les intérêts de la minorité, parle de l’arrestation d’une soixantaine de bahaïs ces dernières semaines. Quelles sont les informations dont vous disposez ?
Jean-Francois Bourque : Nos informations proviennent d’une dizaine de villes différentes en Iran. Deux femmes [Fariba Kamalabadi et Mahvash Sabet, NDLR], qui avaient déjà purgé dix ans de prison, ont été condamnées il y a quelques jours à dix années de prison supplémentaires confirmées par la cour d’appel de Téhéran, tout simplement parce qu’elles ont été désignées comme coordonnatrices des activités bahaïes. Un autre bahaï, assez connu en Iran – Jamaloddin Khanjani, 90 ans – et qui avait lui aussi déjà purgé dix années de prison, vient d’être de nouveau emprisonné avec sa fille. Ces dernières semaines, nous avons répertorié environ 180 incidents : arrestations, emprisonnements, descentes à domicile, confiscations de biens, retraits de licence de travail…
À quoi est due, selon vous, cette vague de répression ?
Les bahaïs représentent plusieurs centaines de milliers de personnes en Iran, ce qui en fait la plus grande minorité religieuse non musulmane du pays. C’est la continuité d’une répression organisée, pensée, planifiée par les autorités iraniennes depuis le début de la révolution iranienne. Il y a 40 ans exactement survenait la première pendaison en masse des femmes iraniennes, dix femmes pendues en une seule nuit. Les autorités et le clergé iraniens ont à cette époque établi un plan systématique dénoncé par l’ONU pour faire de la communauté bahaïe d’Iran des « morts-vivants », les évincer du pays. Ce plan consistait, entre autres, à leur supprimer l’accès à tout emploi, tout revenu ou pour les jeunes, d’accès à l’éducation, à l’enseignement supérieur, aux universités. À l’évidence, ce plan n’a pas marché.