ALIOUNE TINE DECRYPTE LA SORTIE DU CHEF DE L’ETAT: «Plus vite Macky va sortir du Ni oui, ni non, mieux ce sera pour lui, pour le pays…»
Le chef de l’Etat a accordé une interview à nos confrères de la Rfm, au cours de laquelle, il a évoqué plusieurs questions relatives à la vie nationale, notamment celle politique. Une sortie du chef de l’Etat décryptée pour l’INFO, par Alioune Tine, qui est revenu sur la réponse de Macky Sall au «Jamm mo gueune 3ème mandat», l’amnistie de Karim Wade et Khalifa Sall, les détenus dit «politiques», dont il nie l’existence, l’état de la démocratie sénégalaise, l’appel au dialogue, la rupture Macky-Idy…
Le président Sall a dit que les initiateurs du mouvement « Jamm mo gueune 3ème mandat » prônent la violence et non le dialogue. Et que s’ils veulent la paix, ils doivent prôner le dialogue au lieu de se radicaliser en disant que l’actuel président ne doit pas se représenter». Que répondez-vous à ces propos du chef de l’Etat ?
Je considère la réponse du Président Macky SALL, comme la réponse d’un homme politique, d’un Chef de parti et d’un chef de coalition de partis politiques qui subit la forte pression des siens et non la réponse du Chef de l’Etat sénégalais, gardien de la Constitution qui a engagé la révision constitutionnelle la plus efficace de l’histoire politique du Sénégal pour verrouiller la limitation des mandats à deux. Il en était tellement fier et convaincu qu’il n’a cessé de le répéter ces quatre dernières années pour rassurer une opinion sceptique. Mieux, il est allé présenter sa résolution révolutionnaire et inédite sur la limitation des mandats à un tiers garant de la sincérité de ce qu’il dit au Khalife général des mourides de l’époque Serigne Sidy El Moctar Mbacké, en présence du porte-parole, Serigne Basse Abdou Khadr Mbacké. Personne ne douterait une seconde de la légitimité morale d’un tel Tiers garant. Plus vite le PR, Macky va sortir de l’immobilisme du Ni oui, ni non, mieux ce sera pour lui, pour le pays, pour son parti et sa coalition. La seule chose qui le retient certainement, c’est d’observer si le contexte politique sera favorable ou non. Ceux qui observent minutieusement l’évolution et qui connaissent l’ADN politique du Sénégal, doivent savoir que cela va être de plus en plus aléatoire.
Encore une fois, le président a différé l’annonce de sa décision de se présenter ou non à la présidentielle de 2024. Comment appréciez-vous cela ?
Le président Macky Sall a intérêt de sortir le pays, des incertitudes, des interrogations, des débats des violences et des tensions sans intérêt en bougeant au plus vite les lignes dans le sens de rassurer et de reprendre ce pays en main.
Le président Sall a réitéré son appel au dialogue et réaffirmé la volonté du gouvernement d’amnistier les faits pour lesquels, Khalifa Sall et Karim Wade ont perdu leur éligibilité. Qu’en dites-vous ?
Je salue sincèrement la volonté exprimée clairement par le Président Macky Sall sur l’éligibilité de Khalifa et Karim, plus vite il le fait, mieux c’est. Il n’y a pas que Karim et Khalifa, il y a Sonko aussi, il faut qu’il soit éligible pour donner son sens et son intérêt au mot compétition. Et franchement ça va contribuer à rassurer et à sortir d’une situation de paix armée, de défiance et de tentions inutiles.
Pour le chef de l’Etat il n’y a pas de détenus politique au Sénégal. Et que les gens dont on parle ont transgressé la loi et qui ont été arrêtés. Partagez-vous cette appréciation ? Que proposez-vous pour résoudre cette question majeure de l’actualité politique du pays ?
Justement, pour créer les conditions idéales pour les succès du dialogue politique et sortir de la paix armée, faut-il qu’on soit dans le parler-vrai, la paresia grecque, la palabre vraie. On n’a jamais eu autant de détenus dont l’identité politique, les discours comme les actes sont marqués comme politiques et appartenant à des partis politiques, surtout des dissidents politiques. Le reconnaitre, en discuter et agir, baisserait les tensions politiques et permettrait le retour progressif de la confiance. Seul le Président Macky, détient l’autorité et la légitimité pour le faire. Ce serait un acte politique historique, qu’apprécieraient les démocrates du Sénégal et du Continent.
Pour Macky Sall, «on peut parler de tout sauf de l’absence de la démocratie dans ce pays», car, «si nous n’étions pas une grande démocratie, on n’en serait pas arrivé à ce stade où chaque Sénégalais dit ce qu’il veut et ce qu’il pense». Etes-vous de son avis ? Si oui ou non, pourquoi ?
Je suis d’accord avec le Président Macky Sall, la démocratie est vivante par les débats, par les mobilisations politiques et religieuses, par la participation engagée passionnée de la jeunesse, par l’action des intellectuels, surtout et fondamentalement par une presse diversifiée, parfois militante mais aussi l’action des bloggeurs. C’est pour cela qu’on a l’impression que l’élite politique n’entend pas ces palpitations, ne sent pas ces dynamiques politiques et sociétales, ne décrypte pas assez la soif profonde de changement. Mais avec les arrestations de militants politiques, de journalistes, d’activistes et de bloggeurs qui réduisent comme peau de chagrin l’espace civique sénégalais, nous avons les symptômes les plus concrets et les plus manifestes des limites objectives de la démocratie sénégalaise qui pour la première fois, compte plus de 300 détenus politiques. Si on les libère, et si tout se passe bien on pourrait avoir la meilleure campagne électorale, si on a la capacité de résilience, pour retomber sur nos pieds en sortant de cette situation de paix armée. C’est le président Macky Sall, qui est historiquement en situation dans le sens sartrien du terme. Il n’a jamais été aussi libre pour préserver l’image du Sénégal en Afrique et dans le monde.
Quels commentaires faîtes-vous sur la séparation entre Macky Sall et Idrissa Seck ? Vous vous y attendez si oui ou non pourquoi ?
C’était prévisible et comme l’a bien dit Idrissa Seck lui-même, on ne peut pas imaginer une élection présidentielle en 2024 sans la présence du leader de Rewmi. Abdoulaye Wade et le Pds avaient créé avec Abdou Diouf et le PS une tradition de gouvernement d’union nationale et avaient l’habitude de se séparer à la veille de l’élection présidentielle.
Idrissa SECK se proclame leader de l’opposition après être sorti de la mouvance présidentielle. Qu’en dites-vous ?
Idrissa SECK a raison en principe selon les arguments que lui-même présente et qui s’appuient sur les résultats de la dernière présidentielle. Mais aujourd’hui au regard des résultats des locales et des législatives il faut bien reconnaitre que cette légitimité politique et électorale est ébranlée.
Propos recueillis par Mbaye THIANDOUM