GESTION DU FOYER ET VIE PROFESSIONNELLE: Le quotidien difficile des femmes gynécologues
Être gynécologue demande d’énormes sacrifices. Et les femmes qui l’exercent descendent à des heures tardives, dorment ou se lèvent sans voir leurs enfants. Elles se plient à deux avec d’énormes sacrifices pour concilier la vie professionnelle et leurs rôles de mères et d’épouses. En ce jour du 8 mars, L’Info vous plonge dans le quotidien difficile des femmes gynécologues.
Elles concilient vie de ménage et professionnelle. Un cocktail sucré-salé que consomment les femmes gynécologues. Elles se lèvent à l’aube pour préparer leurs enfants, faire le rangement de la maison avant de partir à la rencontre des patientes. Une tâche très difficile qu’accomplissent presque toutes les femmes en activité professionnelle. A l’occasion de la journée mondiale des droits des femmes, célébrée aujourd’hui, l’Info fait immersion dans l’intimité des femmes gynécologues. Docteur Mame Rose Sall est médecin gynécologue exerçant dans le privé à Ouakam. Elle avoue qu’il est difficile d’allier le travail et la vie conjugale. Mais elle essaie d’équilibrer.
Dr Rose Sall (Gynéco) : ‘’Le matin on s’occupe des patientes et le soir, non seulement on fait notre rôle d’épouse, mais on joue aussi notre rôle de mère de famille’’
‘’Dans la vie c’est toujours un équilibre. Il ne faut ni trop en faire ni moins en faire. On s’occupe bien des patientes, mais quand on descend une fois à la maison il faut savoir s’occuper des enfants. Si non c’est eux-mêmes qui nous réclament. Le matin on s’occupe des patientes et le soir, non seulement on fait notre rôle d’épouse, mais on joue aussi notre rôle de mère de famille’’, confie-t-elle. Cette gynécologue a la chance d’un mari qui l’a encouragé à faire la gynécologie. Le fait de se lever la nuit ou en pleine matinée ou à n’importe quel moment pour faire son travail ne dérange guère son conjoint. Néanmoins, elle essaie de trouver le juste milieu de l’équilibre. ‘’On peut vous appeler à tout moment, mais c’est quelqu’un qui est toujours là à vous épauler. Quand on a quelqu’un qui vous comprend, c’est facile. Mais dès fois aussi, il peut baisser les bras et amener une certaine tension, mais en un moment il se reprend. Il comprend que ce n’est pas un boulot facile. Sans les hommes, je pense que moi personnellement, je n’en serai pas là parce qu’ils vous encouragent et vous épaulent’’, reconnait-elle. Dr Mame Rose Sall s’est organisée d’une façon qu’elle trouve du temps pour son foyer. ‘’Le matin, c’est les patientes, les échographies, entre autres. Une fois à la maison, je me dis qu’on est toujours en stand-by parce qu’on peut être appelé pour une urgence. Pendant ce temps, on descend, on prend le temps de se reposer. Une heure après, on encadre la famille coté éducation s’il y a des devoirs à faire, des conseils à donner. C’est un travail de longue étape, il faut garder le souffle, ne pas se décourager. Ne pas se dire aujourd’hui c’est une journée off je me repose. Parce qu’on ne pourra pas rattraper le temps qu’on vient de perdre en cette journée-là un autre jour. Les enfants c’est au jour le jour’’, explique-t-elle. Pour Dr Sall, le plus important c’est d’avoir la santé afin de pouvoir bien gérer les choses. Parce que sans cela, une fois malade, on peut lâcher du lest un peu.
Dr Aminata Sow Ndiaye (Gynéco-obstétricienne) : ‘’J’ai vu beaucoup de divorces. Il y en a qui ont des problèmes familiaux à cause des gardes de nuit. On peut nous réveiller à n’importe quel moment, n’importe quelle heure pour sauver des vies. Si vous êtes avec un mari qui n’est pas compréhensif, cela pose un problème’’.
Gynécologue obstétricienne au centre de santé de Sicap Mbao, Docteur Aminata Sow Ndiaye abonde dans le même sens. ‘’Ce n’est pas facile du tout de gérer la famille et le boulot qui est très prenant et contraignant’’, admet-elle. Mais comme c’est la passion et la satisfaction de rendre service à la population qui l’anime, elle gère le coup. Heureusement qu’elle a un mari compréhensif. Mais ce n’est pas évident. ‘’J’ai vu beaucoup de divorces. Il y en a qui ont des problèmes familiaux à cause des gardes. Vous savez avec la gynécologie obstétricale on fait des gardes de nuit. On peut nous réveiller à n’importe quel moment n’importe quelle heure pour sauver des vies. Si vous êtes avec un mari qui n’est pas compréhensif, cela pose un problème. L’autre contrainte, c’est l’éducation des enfants. Chaque fois vous laissez vos enfants, la cuisine, le ménage et tout avec une ménagère. J’aurais préféré être avec mes enfants, les aider à faire leurs exercices, mais malheureusement avec le travail, ce n’est pas possible’’, confesse-t-elle Dr Sow Ndiaye.
‘’Quand j’étais dans les régions, c’était plus compliqué. Chaque fois j’appelle pour voir ce qu’ils vont manger, ce qu’il faut préparer. J’ai failli craquer. Je connais des collègues qui ont des problèmes de ménages à cause de leur boulot’’
La gynécologue raconte qu’il y a parfois des tiraillements avec son mari. Une chose qu’elle comprend parfaitement, vu la pesanteur de son travail. ‘’C’est un humain, il a ses humeurs. Les tiraillements ne peuvent pas manquer, mais il faut le comprendre. Il ne le dit pas, mais je comprends qu’il préférait que sa femme soit à ses côtés. Quand j’étais dans les régions, c’était plus compliqué. Chaque fois j’appelle pour voir ce qu’ils vont manger, ce qu’il faut préparer. J’ai failli craquer. Je connais des collègues qui ont des problèmes de ménages à cause de leur boulot’’, confie-t-elle. Dans la même veine, Docteur Ndeye Coura Diokh, gynécologue obstétricienne à l’Hôpital général Idrissa Pouye (Hogip), soutient que ce cocktail n’est pas du tout facile à avaler. ‘’Ce n’est pas évidement parce qu’on est femme, le travail de gynéco obstétricienne nous prend énormément de temps. C’est des gardes, des semaines d’astreinte que tu fais. Normalement tu dois être 24h sur 24 à l’hôpital. Et même si tu n’es pas de garde, ça pose des problèmes car tu dois être là-bas tous les jours, faire la consultation, les échographies. Il y a le programme opératoire qui est là aussi. Donc c’est très difficile’’, explique-t-il. En plus des gardes et des consultations, ces femmes doivent se lever tôt le matin pour préparer leurs enfants, donner un coup de main au conjoint avant de quitter la maison. Si la personne est de garde, les enfants n’auront pas la possibilité de voir leur mère. Une situation difficile qu’elles traversent. Docteur Ndeye Coura Diokh a la chance d’avoir un mari gynécologue. Malgré cela, elle tient à l’éducation de ses enfants, à prendre soin de ménage et de son mari. ‘’Mon mari est gynéco. Il connait le métier. Donc il sait qu’on est appelé à être tout le temps à l’hôpital. Donc cela ne pose pas de problème. Mais dans certaines familles, il y a des contraintes parce que le travail de gynéco prend énormément de temps. On n’a pas de temps pour nous même d’abord. Donc pour les enfants et la famille, c’est autre chose. L’éducation de mes enfants est une priorité pour moi. Dès que je descends, je me repose un peu et après je gère l’étude des enfants’’, révèle Dr Diokh. Et d’ajouter qu’elle adore son métier. Et que quand on aime un métier c’est facile de s’en sortir quels que soient les contraintes, blocage ou manque de temps. ‘’Quand je consulte, c’est comme si je suis à la maison. C’est des discussions à n’en plus finir. Tu mets la patiente à l’aise d’abord en parlant d’autres choses, ensuite on vient sur le fond du sujet. L’écoute est très importante. On écoute les patients. Dés fois on gère des problèmes hors médicaux. Elles viennent juste pour s’ouvrir, pour parler à quelqu’un. Notre travail c’est autre chose, on est gynéco et psychologue en même temps. On est obligé de les écouter et de les aider’’, explique-t-elle.
Dr Ndeye Coura Diokh (Gynéco) : ‘’Dés fois on gère des problèmes hors médicaux. Certaines femmes viennent juste pour s’ouvrir, pour parler à quelqu’un. On est gynéco et psychologue en même temps. On est obligé de les écouter et de les aider’’
Pour Dr Diokh, il faut des sacrifices pour gérer son ménage. ‘’On cherche un peu de temps qu’on réserve à la famille. Je ne fais pas beaucoup de privé à cause de cette situation. Là c’est un sacrifice que je fais. Je suis obligée d’aller travailler à l’hôpital, essayer de descendre tôt pour pouvoir gérer les études des enfants, avoir un œil sur le fonctionnement de la maison. On essaie d’allier les deux, on est femme, on est gynéco. On n’a pas le choix’’, se résigne-t-elle. Dans ce travail des gynécologues, le rapport avec les patients y joue un rôle très important. Pour elle, parfois, c’est en discutant avec les patientes qu’elle change ou améliore certaines choses chez elle. ‘’Les discussions entre femmes sont toujours intéressantes, on s’entraide’’, précise Dr Diokh. Docteur Aminata Sow Ndiaye estime que tout est dans l’accueil. Parce que dès que la patiente est à l’aise, elle s’ouvre. ‘’Hier, j’ai reçu un couple. J’ai félicité le mari parce que c’est très rare d’avoir un mari qui accompagne sa femme à la consultation. Après avoir fait l’échographie j’ai tout expliqué. C’est le mari même qui a identifié le sexe. Il était aux anges. Après il me dit qu’il y a des prestataires qui ne donnent pas d’explication après consultation. J’ai répondu que c’est peut-être à cause de la charge de travail, mais ce n’est pas une raison. Il faut les comprendre parfois. Parce que le prestataire qui n’a pas de véhicule, qui habite loin, qui pense à son moyen de transport, qui pense aux problèmes qu’il va rencontrer chez lui, cela peut déteindre sur la qualité du travail. Mais ce n’est pas une raison. Nos problèmes de ménages ne doivent pas déteindre sur notre travail’’, relève Dr Aminata Sow Ndiaye. Docteur Mame Rose Sall souligne qu’à la base, la femme sénégalaise se tourne toujours en premier vers la femme gynéco. Pour cette raison, ‘’nous devons faire plus d’efforts. Parce que ce n’est pas facile pour une femme de se lever la nuit, prendre le risque de faire cramer la viande du mouton de la tabaski, mais c’est des sacrifices. Si la femme gynéco s’investit, tout ira dans le bon sens. La patiente, tout ce dont elle a besoin, c’est qu’on s’occupe d’elle. Qu’on fasse d’elle une sœur et qu’on ne bafoue pas son cas, qu’on ne le voit pas seulement entre deux minutes. Mais qu’on lui accorde un temps d’écoute, d’examen clinique et suivre sa pathologie’’, indique Dr Sall.