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CHRONIQUE DE MAME GOR NGOM : Le feu et le contre-feu au Tchad

Ça se passe en Afrique. Hélas dans bien des cas, ça ne peut se passer
qu’en Afrique. Jeudi 20 octobre 2022, plus de 80 morts lors d’une
manifestation réprimée au Tchad. Des tirs à balles réelles, des militaires
et autres forces de l’ordre qui se croient en guerre, des milices qui
foncent sur une foule composée de jeunes sans armes si ce ne sont pas
des pierres ramassées dans des rues mal faites de Ndjamena et dans
d’autres localités du pays. Le bilan ne pouvait être que lourd. Une forte
volonté répressive a eu raison du calme et de la sérénité qui devaient
gouverner la démarche de dirigeants soucieux de la liberté d’expression
et de manifestations. Mais nous sommes ici au Tchad pays d’Idriss Déby
arrivé à la tête de l’État après un coup d’État contre Hissen Habré en
1990 et tué au « front » le 20 avril 2021. Après 30 ans au pouvoir, il
devient Maréchal et se permet toutes les folies lui qui se croyait « maître
de lui comme de son univers ». Ce n’est pas une surprise donc si dans
un tel État, on tente de justifier laborieusement l’injustifiable. Quelle
irresponsabilité ! Oser affirmer que ce drame innommable est causé par
un opposant dont on aurait intercepté des audios compromettants.
Comble du ridicule : Succès Masra l’incriminé préparerait un coup d’État
alors qu’il est strictement surveillé et ne dispose d’aucun moyen pour
une telle initiative aventureuse. Le plus gravement drôle est que Saleh
Kebzabo qui porte ces accusations au nom d’une junte qui expose
sa cruauté à la face du monde, est un « nouveau converti » à la
«Débymania» après avoir été longtemps durant un des plus
farouches opposants du défunt Itno. C’est vrai qu’il a été
ministre à plusieurs reprises sous Déby-père ce qui lui donne
un profil d’opposant en dents de scie.
En évoquant lors d’une conférence de presse « des personnes
qui voulaient fomenter un coup d’État, par le biais d’une
insurrection armée», l’actuel Premier ministre de Mahatma
Idriss Déby allume un contre-feu. Il veut surtout mettre sur le
dos des manifestants les turpitudes d’un État failli qui agit
bêtement usant d’armes… non conventionnelles contre ses
propres citoyens comme s’il faisait face à des rebelles.

Mauvaise foi
Un complotisme qui ouvre la porte à tous les excès, à tous les
crimes. Des méthodes classiques en cours dans tous les « pays
de merde » pour reprendre le propos malheureux de Donald
Trump. Ceux-là qui accusent un opposant d’être « un homme
ayant une soif incommensurable du pouvoir.. cherchant le
pouvoir au prix d’une rivière de sang», n’ont certainement
aucun remord, aucun regret après avoir froidement tué des
dizaines de personnes. Mahatma Idriss Deby et ses soutiens
qui cherchent vaille que vaille à rester au pouvoir acquis de
manière illégale, usent des mêmes pratiques qui ont fait le lit
des gouvernants respectifs tchadiens. Des tortures, des
arrestations musculaires, une surveillance stricte, des
assassinats ciblés pour espérer tuer dans l’œuf toutes les
velléités de résistance et anéantir les forces contestataires avec
violence ou avec la carotte de la corruption qui a beaucoup fait
ses effets. Les drames vont se multiplier car le pouvoir tchadien
est aveuglé par une obsession qui éteint la lumière de
l’intelligence, de la logique, de la raison. Car, penser que cette
jeunesse engagée et déterminée se jette dans les rues parce
qu’elle est victime d’une quelconque manipulation, c’est
simpliste et de très mauvaise foi. Les paradigmes ont bien
changé même si nous sommes en plein dans un monde virtuel
lieu idéal de la confusion. Certains actes sont passés de mode.
Le pouvoir en place à Ndjamena ne le comprend pas ainsi. Il
prend l’ombre pour la proie. Le chemin idéal est d’essayer de
comprendre la colère qui gronde à cause des manquements
dans la gestion, des manques, du manque de respect, de la
faim et du déséquilibre dans le traitement des populations. Ce
large fossé entre des nantis et des «laisser-pour compte» de
plus en plus désespérés fera d’autres victimes. Des victimes
innocentes. Il urge d’arrêter les Déby.