Parrainage Des Candidatures : Les éclairages des experts électoraux
Faisant partie des points d’achoppement dans les concertations entre le régime en place, les pôles des non-alignés et surtout l’opposition, que ce soit celle qui a participé au dialogue politique, tout comme celle qui jouait à l’abonnée absente à ces concertations, la question du parrainage des candidats à la prochaine présidentielle, élargie aux formations politiques, reste entière. Cela, même si ledit système est soumis, comme d’ailleurs d’autres points, à l’arbitrage du chef de l’Etat. Des experts électoraux, en l’occurrence Ndiaga Sylla et Ababacar Fall, tous membres du Groupe de recherche et d’appui conseil pour la démocratie participative et la bonne gouvernance (Gradec) ont procédé à une analyse des avantages et inconvénients de cette formule, non sans proposer des solutions de sortie de crise.
Dans un contexte marqué par le manque de confiance entre les acteurs politiques, plus précisément entre l’opposition et le régime en place, la question du système de parrainage des candidatures aux prochaines joutes électorales est diversement interprétée, selon qu’on se trouve dans l’un comme dans l’autre des camps.
Au moment où le pouvoir explique son souci d’arriver à la rationalisation des candidatures, afin d’éviter la pléthore de candidatures notée lors des législatives dernières, l’opposition, pour sa part, campe sur l’idée d’une volonté évidente du régime de Macky Sall de barrer la route à certains adversaires, en passant par l’invalidation systématique de leur candidature. Sur les avantages d’un tel système étendu à la présidentielle et à tous les candidats issus des partis politiques ou coalitions de partis, l’expert électoral, Ndiaga Sylla, estime qu’effectivement, ladite formule permettrait de régler le problème connu aux législatives dernières.
A son avis, «l’un des grands avantages est que ça permet de rationaliser les candidatures en évitant les candidatures fantoches». Il pense, en effet, qu’en se limitant aux dispositions de l’article 4 de la Constitution, qui permet aux partis politiques de concourir librement aux suffrages, dans un contexte de pléthore de partis, l’on s’achemine droit vers une foultitude de prétendants. L’autre avantage noté par M. Sylla reste le règlement de la question des candidats indépendants qui «louent des récépissés de partis politiques qui, généralement, ne participent pas aux compétitions électorales sous leur bannière propre». Qui plus est, poursuit-il, certains pays, comme le Mali, appliquent ce même système.
Des propos corroborés par son collègue expert électoral, Secrétaire général du Groupe de recherche et d’appui conseil pour la démocratie participative et la bonne gouvernance (Gradec), Ababacar Fall, qui informe que «le parrainage est une pratique qui a cours dans beaucoup de démocraties». Faisant la genèse du parrainage au Sénégal, il dira que c’est une pratique connue depuis l’élection présidentielle de 1963, où il fallait 10 députés pour être candidat, remis en 1993, avec la participation de Me Mamadou Lo, comme candidat indépendant, avec un parrainage qui exigeait 10.000 signatures répartis dans la moitié des régions avec au moins 500 signatures par région. Cela a été reconduit, a-t-il rappelé, avec l’insertion d’une disposition dans le Code électoral en 2017, suite à la réforme constitutionnelle de 2016, imposant aux candidats indépendants des conditions «assez draconiennes». Ainsi donc, il soutient que ce système qui peut varier d’un pays à un autre en fonction des législations électorales, «est considéré comme un élément de crédibilité des candidatures qui permet de limiter celles qui sont fantaisistes ou à caractère régionaliste ou ethnique». Mieux, M. Fall est d’avis que «le parrainage et la caution apparaissent comme des filtres démocratiques pour garantir la représentativité et maitriser la pléthore de candidats surtout à une élection comme la présidentielle où est élue la personnalité qui représente la plus haute institution du pays».
LA CRAINTE DE L’INVALIDATION SYSTEMATIQUE DES ADVERSAIRES
Quid, cependant, des inconvénients d’un tel système? Nos experts électoraux restent unanimes sur la légitimité des inquiétudes formulées par les opposants au parrainage. En effet, Ababacar Fall note que ce système «ne doit pas avoir pour objectif d’écarter de façon volontaire des candidatures». De son coté, Ndiaga Sylla pense que cela pourrait être analysé comme «une démocratie censitaire» qui transgresserait les dispositions de la Constitution. Cela, explique-t-il, dès lors que les partis politiques n’ont pas les mêmes statuts que ces personnalités indépendantes, même s’il reconnait que la dernière réforme étend la participation des indépendants à toutes les élections.
LA TROUVAILLE DES EXPERTS ELECTORAUX POUR RESTAURER LA CONFIANCE
Cependant, ces membres de la société civile ont proposé une solution de sortie de crise pour éviter toute suspicion et toute méfiance entre les acteurs. Tout d’abord, Ndiaga Sylla a fait 3 propositions de parrainage, notamment de recueillir un nombre de signatures d’élus locaux, ou d’avoir la signature d’un certain nombre de députés (de 1 à 4), ou enfin de recueillir un certain nombre de signature d’électeurs. Le nombre reste à être défini de façon consensuelle par les acteurs. Ensuite, tous s’accordent sur la nécessité de mettre en place une Commission indépendante de validation des signatures, composée des membres des partis politiques, de la Cena, ainsi que des indépendants. Selon Ndiaga Sylla, cette commission se chargera d’examiner les signatures afin de permettre à tout candidat de pouvoir procéder à des rectifications «pour éviter le syndrome Youssou Ndour». Même perception pour Ababacar Fall qui voit que cela peut «éviter que des candidatures soient écartées sur des bases légères ou injustifiées». Toutefois, nos experts électoraux restent sans équivoque sur la nécessité pour les protagonistes de s’entendre, de manière consensuelle, sur les modalités de rationalisation des partis politiques, ce qui permettrait de normaliser les candidatures, ou d’instaurer le système de parrainage avec une certaine flexibilité. Ndiaga Sylla semble avoir un penchant pour la dernière formule dans la mesure où il retient que la formule la plus simple, compte tenu de l’approche de l’échéance, pour rationaliser les candidatures est «le système de parrainage».