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Côte d’Ivoire : colère des producteurs de café, bloqués au port d’Abidjan

Depuis fin février, des milliers de tonnes de café ivoirien sont bloqués à Abidjan. Selon de récentes révélations, cette situation résulte de négociations sur les tarifs douaniers entre la Côte d’Ivoire et l’Algérie, premier consommateur d’Afrique.

Une longue file de 400 camions, parqués sur les trottoirs de la zone portuaire d’Abidjan. Des chauffeurs, contraints de surveiller leurs marchandises, dorment à proximité depuis des semaines. Depuis début février, des milliers de tonnes de café sont bloquées à l’entrée du port autonome. Selon un opérateur économique du milieu joint par l’AFP début mars, les exportations sont gelées faute d’autorisation d’exportation du Conseil du café-cacao (CCC), autorité ivoirienne chargée d’organiser et contrôler la commercialisation du café, dont la Côte d’Ivoire est le troisième producteur africain.

Injoignable mardi 20 mars, le CCC a publié récemment un communiqué dans lequel il justifie la situation par « la baisse de fréquence des navires en destination des ports habituels d’importation du café ». Les producteurs, excédés par l’attente, se sont mis en grève le 12 mars.
« Tout le monde en a marre », lance Moussa Koné, président du Syndicat national agricole pour le progrès en Côte d’Ivoire (Synap-CI), qui revendique 57 000 membres de la filière. Il avait appelé à couper la route du port, mais a repoussé les manifestations après que le CCC a accepté d’entamer le dialogue. « On les a rencontrés mais on ne s’est pas entendus. Tant qu’on sera dans ce schéma d’incertitudes, on ne pourra pas mettre fin au calvaire des paysans », lâche-t-il.

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Selon lui, les explications du CCC ne sont pas valables. « Nous avons échangé avec le port autonome d’Abidjan. Ils étaient surpris d’entendre qu’il y a un manque de bateaux ». « Il n’y a aucun problème de bateaux, ni de conteneurs », a surenchéri à RFI un acteur du transport maritime à Abidjan.

Négociations avec l’Algérie

Plusieurs théories se sont succédé pour expliquer le blocage. La plus récente, soutenue par l’hebdomadaire Jeune Afrique et RFI, présente des négociations en cours avec l’Algérie, plus gros consommateur de café du continent. Le pays maghrébin, où plus de 70 % de la production ivoirienne transite, a récemment modifié sa politique douanière, exigeant à l’entrée de son territoire la constitution d’une provision financière préalable, couvrant 120 % du montant de l’importation. « Le CCC nous a bien parlé d’un problème posé par l’Algérie, ils doivent discuter avec eux, commente Moussa Koné. Mais nous ne pouvons plus attendre ». Selon Jeune Afrique, une délégation du CCC doit se rendre « prochainement » en Algérie « pour trouver une solution ».

L’organe officiel de régulation de la filière affirme que des mesures ont été prises depuis le début du blocage « pour ramener la fluidité dans la commercialisation du café », notamment la mise à disposition d’entrepôts, et qu’elles ont permis de « réduire de façon significative le nombre de camions en attente de déchargement ». Pourtant dans la zone portuaire de Treichville et Vridi, où se concentrent la plupart des sociétés d’exportation, le nombre de camions à l’arrêt n’a pas diminué.

Le même scénario s’est déroulé l’année dernière, quand 700 camions chargés de fèves de cacao étaient restés immobilisés plusieurs mois aux ports d’Abidjan et de San Pedro, suite à une surproduction inattendue. À l’époque, le problème venait notamment d’une différence entre le prix du cacao calculé à la Bourse de Londres et le prix de vente à l’exportation imposé par le gendarme ivoirien de la filière. Les producteurs avaient accusé des milliers de tonnes d’invendus. « On n’a pas pu payer tous nos paysans, donc on a des difficultés aujourd’hui », confie un chauffeur à RFI.
( Avec France 24 )