CONTRIBUTION : Eternel Mandela (Par Gilles Eric FOADEY).
Le 18 juillet 2013 Nelson Mandela avait 95 ans. Le même jour, le monde entier a célébré la Journée Internationale Nelson Mandela, Mandela Day, adoptée le 10 Novembre 2009 suite à une résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies. La journée consiste à consacrer 67 minutes de son temps à des activités communautaires. Ces 67 minutes correspondent aux «67 années d’engagement public» de Mandela. C’est certainement inédit dans l’histoire qu’un personnage de son vivant fasse preuve d’autant de convergence et d’unanimité pour les idéaux pour lesquels il a eu à se battre. Cet homme c’est Nelson Mandela. Alors qu’il n’a pas encore tiré sa révérence, les nécrologies le concernant sont toutes prêtes. Sa stature, en effet, le recommande d’un point de vue journalistique… Mandela est, et demeurera l’homme de taille qui, au propre tout comme au figuré, a été capable de mettre tout le monde d’accord. Loin d’être un saint, comme il l’a, à maintes reprises, assené, il a su faire de ce paradigme Kantien son credo : «vivre avec la morale en soi et le ciel étoilé au-dessus de soi». On se désolera des petites récupérations mesquines en provenance de sa famille biologique et politique au crépuscule de sa vie. Récupérations totalement aux antipodes de sa vision d’un monde juste et solidaire. Mais, l’essentiel n’est pas là.
On retient et on retiendra de Mandela qu’il a su prévenir son pays, violent, de l’implosion. On retiendra de Mandela qu’il a su faire cohabiter des intérêts antagonistes pour fonder ce que l’Archevêque anglican Desmond Tutu a qualifié de nation Arc-en-Ciel, qui fait de l’Afrique du Sud un pays appartenant à tous ceux qui y vivent sans discrimination, aucune, de races. On retiendra de Mandela qu’il a su donner à la Nation dite Arc-en-Ciel un humanisme en la dotant d’une des constitutions les plus abouties au monde en termes de libertés.
Pour y parvenir il a dû ferrailler dur avec les caciques de son parti, l’ANC, qui ont difficilement compris sa propension angélique au pardon après les ignominies subies sous le régime de l’apartheid qui déniait aux Noirs de pouvoir décemment vivre dans leur propre pays.
Mandela pendant la phase de réconciliation, 1990-1994, a dû faire des compromis dynamiques qui fondent aujourd’hui les bases de la première puissance économique du Continent. Il a su renoncer, en effet, à nationaliser une partie de l’économie pour éviter une fuite de capitaux et un effondrement de l’économie. De Mandela on retiendra surtout l’humilité. Une humilité poussée au point ou « comme il faisait son lit il s’y couchait », au grand dam du personnel mis à sa disposition.
Très attaché à l’esprit et à la lettre des lois, il s’est fait Hara-Kiri au cours de son magistère en acceptant des verdicts de tribunaux au cours d’audiences publiques qui n’étaient guère favorables à son gouvernement. Point imbu de pouvoir, et, alors qu’il pouvait faire deux mandats présidentiels, il a volontairement quitté le pouvoir.
En quittant le pouvoir Mandela a créé les conditions pour l’émergence d’une classe moyenne issue de la majorité noire sans pour autant combler le gap des disparités criardes entre minorité blanche nantie et majorité noire extrêmement pauvre. Il n’a pas su aussi faire bénéficier au secteur de l’éducation, parent pauvre du développement en Afrique du Sud, du plein potentiel de son aura en poussant pour des réformes drastiques qui auraient pu changer la face de la Nation arc-en-ciel en presque deux décennies de libération. Aujourd’hui au crépuscule de son inestimable parcours de vie, et au regard des manifestions de sympathie autour de sa personne, surtout en provenance de ses compatriotes, on ose espérer que son esprit et sa magie, «the Madiba Magic» sauront faire raison garder à la majorité des Sud-africains pour qu’ils conservent cet humanisme instillé par Mandela. Cet humanisme exige que la xénophobie rampante et la violence policière en direction des Africains n’aient plus cours. Cet humanisme exige que l’arrogance affichée par les politiques et les hommes d’affaires sud-africains se transforment en humilité qui leur permettra de davantage conquérir les marchés énormes de développement du continent dans le cadre de la coopération Sud-Sud et des intérêts bien compris du continent. En regardant et en observant de près le comportement de la génération Mandela née après 1990, l’espoir demeure, qu’arcboutée sur leur solide Constitution, cette génération saura perpétuer l’esprit et la magie Madiba afin que, Mandela, lorsqu’il rentrera dans l’éternité pour la postérité ait « le sourire aux lèvres ». En attendant que le temps fasse son œuvre afin qu’il aille rejoindre, comme tous les mortels, les prairies célestes à partir de son terroir de Qunu, nous lui souhaitons un joyeux anniversaire et un prompt rétablissement! Gilles Eric FOADEY est journaliste, consultant media et interprète -traducteur de conférence qui vit entre Johannesburg en Afrique du Sud et Addis- Ababa, en Éthiopie. Il fut responsable de la Communication du NEPAD de 2009 à 2015.