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Immigration Clandestine Monsieur le Président, ne transformez pas des victimes en coupables

Monsieur le Président, en assimilant l’immigration clandestine des jeunes qui risquent leur vie pour avoir un avenir à une forme de suicide vous transformez des victimes en coupables. Ces jeunes sont triplement victimes. Victimes de la pression familiale dont ils sont les chargés de mission impossible, victimes de la société et enfin victimes de l’Etat qui n’a su leur offrir ni un présent encore moins un avenir.
Quand j’étais plus jeune, mon village de Thiaroye sur mer a connu le bonheur du plein emploi. On y avait même le choix de l’Emploi entre les industries textiles de la Sotiba Simpafric, Icotaf, Sosefil, aller en mer et vivre de la pêche (métier le plus noble pour nous les lebous) ou cultiver la terre avec le maraichage en particulier les choux. Thiaroye sur mer produisait tellement de choux qu’on était les premiers dans le pays et qu’on appelait le choux « la viande de Thiaroye ». On avait tellement le choix de l’emploi que la Sotiba venait courtiser les villageois pour les convaincre de venir travailler à l’usine. Aujourd’hui le village de Thiaroye sur mer qui a jadis connu le plein Emploi est devenu un village martyr de l’Immigration clandestine. Monsieur le Président, à défaut de solutions, votre devoir est d’avoir de la compassion pour ceux que prennent les pirogues car ils sont plus des victimes que des coupables. Cette nouvelle vague est aussi une de conséquences de la violence de la désillusion causée par les mirages du Projet Nakhembaye. Victimes des passeurs, certes, mais les jeunes sont aussi victimes du manque de vision de leur Etat. L’Etat a laissé la fraude sur le textile tuer la Sotiba, Sosefil et Icotaf à petit feu. L’industrie du textile a été condamnée à une mort lente sans que l’Etat ne lève le plus petit doigt. L’industrie textile était pour Thiaroye et Pikine ce que l’industrie sucrière est à Richard Toll. Concomitamment à la mort lente du textile, l’Etat a organisé la mort en fast track de la pêche avec les accords de pêche. Comme si cette double peine ne suffisait nos champs qui produisaient du choux et d’autres légumes ne laissent plus pousser que maisons à cause de la spéculation foncière. Sur le plan du maraichage le présent de Thiaroye est l’avenir de toute la zone des Niayes où le béton va remplacer l’horticulture. Quand un village comme Thiaroye sur mer est victime de cette triple peine, les jeunes n’ont plus rien à perdre et il est impossible de raisonner quelqu’un qui pense qu’il n’a plus rien à perdre. Un candidat à l’immigration clandestine est aussi déterminé qu’un jihadiste pressé de mourir dans un attentat suicide. Une seule différence. Le jihadiste cherche la mort alors que les migrants la trouvent en fuyant une mort sociale. L’espoir fait vivre. Désespoir paradoxal car le Sénégal a tout pour être une Suisse : stabilité politique malgré l’instabilité du voisinage, situation géographique exceptionnelle, ressources humaines. Mieux encore, le Sénégal a des hydrocarbures alors que la Suisse qui n’en a pas s’enrichit de leur négoce. La Suisse a beaucoup profité de l’instabilité de ses voisins. Le Sénégal aurait dû profiter de l’avantage comparatif de sa stabilité pour attirer le capital comme la Suisse ou Dubaï mais les stagiaires à la tête de l’Etat ont cru devoir créer une commission de renégociation des contrats qui ne fera qu’enrichir leurs amis avocats mais fera fuir les investisseurs sérieux. En plus de la stabilité politique, l’émergence exige la sécurité juridique et judiciaire. Comment prendre au sérieux un Etat qui par populisme et par ignorance, se vante, de créer volontairement l’insécurité juridique en proclamant urbi et orbi la création d’une commission renégociation des contrats. Le cancer du populisme progresse dans l’audace de l’ignorance et de l’amateurisme.

Dr Yoro Dia