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LA CHRONIQUE DE MLD: Mauvais temps pour une presse debout…Par Mamadou Lamine DIATTA

D’abord camper le décor : un impôt est un versement obligatoire et sans contrepartie aux administrations publiques. C’est une contribution prélevée au profit de l’Etat permettant de financer les dépenses publiques. D’où le vocable de patriotisme fiscal.
Pour la presse sénégalaise, cette dette fiscale de 13 milliards cfa et les redevances dues à l’ARTP (25 milliards cfa représentent des sommes astronomiques pour un écosystème dont certaines publications sont quasiment à l’article de la mort du fait de la morosité de l’environnement économique.
C’est un truisme de ressasser que la presse reste un pilier de la démocratie. Mais cette position inédite de mauvais payeur l’expose pour la basculer dans le cercle vicieux de la délinquance fiscale. Sûrement un mauvais point des médias aux yeux d’une opinion publique avisée et exigeante.
Il est clair que qu’en enfilant le manteau de la légalité, l’Etat est sournoisement dans une stratégie de dénonciation et de décrédibilisation de la presse. Le message en direction des Sénégalais est limpide : « Ces acteurs des médias tirent sur tout ce qui bougent alors qu’ils ne sont pas en mesure d’être en règle avec le fisc et les institutions sociales ».
Mais on devrait valablement se poser des questions sur le timing choisi par le pouvoir-Diomaye pour lancer le fisc et l’inspection du travail aux trousses des médias d’autant que cela laisse penser à une forme de représailles contre des acteurs qui sont en principe à équidistance des chapelles politiques.Non à une République des juges dit-on à l’envi mais aussi non à ce recours à la pression fiscale comme arme de musèlement massif (AMM) à l’encontre de la presse.
Le pouvoir ne doit pas se tromper de combat : Les journalistes n’ont n’a pas vocation à travailler pour le pouvoir encore moins à se déployer comme francs-tireurs d’une opposition toujours groggy suite à la victoire retentissante au premier tour du candidat Bassirou Diomaye Faye.
La presse fait juste son job avec des tares congénitales et des forces intrinsèques.
Malgré les crises inhérentes aux rapports pouvoir / medias, le gouvernement devrait manier ce dossier avec tact. Les journalistes sont des artistes dans l’âme.Ils n’aiment pas être bridés et poussés jusque dans leurs derniers retranchements. Ils ne sont nullement des ennemis. Loin s’en faut. De ce point de vue, une solution médiane pourrait être trouvée dans le cadre d’une approche intelligente qui passe d’abord par un premier contact formel entre le Président Bassirou Diomaye Faye et les patrons de presse surtout que tous les professionnels du secteur exercent au quotidien une mission de service public.
Bien entendu, il ne saurait être question d’une quelconque compromission mais d’échanges fructueux dans une ambiance de respect mutuel et de préservation des intérêts des Sénégalais.
Les patrons de presse ne refusent pas de payer ; ils demandent juste à l’Etat de faire une main levée sur le blocage des comptes bancaires et s’engagent d’ailleurs à payer prochainement par moratoires.
Il faut rappeler que comme tout bon politicien, le Président Macky Sall avait tenté d’apprivoiser la presse à sa manière mais en termes de solution structurelle, sa mesure exceptionnelle d’effacement fiscal était finalement un cadeau empoisonné. Avec le nouveau pouvoir, la nature des rapports ne peut être analysée à l’heure actuelle d’autant qu’on nage encore dans le clair-obscur.
En termes de bonnes pratiques il faut également magnifier les exemples de 2STV et du groupe Walfadjri à jour de leurs cotisations sociales…Le cas particulier de Walf mérite qu’on s’y attarde. Ce civisme fiscal est un legs précieux du regretté Sidy Lamine Niasse .Il a toujours fait montre de telles valeurs sans oublier son attachement à être en règle avec les Institutions sociales
Aujourd’hui, faudrait-il le rappeler, les préoccupations urgentes tournent autour de plusieurs interrogations :
Comment inventer une fiscalité simplifiée, allégée et particulièrement adaptée à la presse afin que ce genre de situation ne soit plus qu’un mauvais souvenir?
Comment casser ce paradigme galvaudé d’une aide à la presse qui a toujours été distribuée sur une base clientéliste et unilatérale par le ministère de tutelle ?
Comment inventer un système innovant et agile d’appui à tous les médias en règle avec le fisc et les institutions sociales ?
Comment adapter le modèle marocain d’aide à la presse en instaurant un système lié à des avantages en nature en jouant sur les coûts de production en milieu médiatique pour faciliter l’accès à des intrants comme le papier, l’électricité et même les titres de transport ( billets d’avion) ?
In fine, les organisations faîtières de professionnels de l’information qui ont introduit une demande d’audience sur la table du Chef de l’Etat devraient analyser cette situation délicate sous le prisme d’un mal pour un bien.C’est l’occasion de nettoyer les écuries d’Augias pour se dire des vérités surtout que tout n’est pas rose dans ce secteur à problèmes, poreux à souhait et extrêmement difficile à réglementer en raison de cette liberté d’action consubstantielle à l’exercice de ce noble métier de passeur d’informations et d’émotions. Surtout que le contexte particulier de l’exploitation du pétrole et du gaz est aujourd’hui à l’origine d’une invasion massive de la presse étrangère au Sénégal.
Ce pays est devenu plus attractif et il ne se développera jamais sans une presse nationale de qualité ayant déjà à son actif de hauts faits d’armes pour une contribution majeure dans la consolidation de la démocratie notamment lors des trois alternances que ce pays qui nous mobilise a déjà connues.
Mais les journalistes ne sont pas des super-hyper citoyens malgré leur apport inestimable à la qualité de notre vivre-ensemble. C’est l’occasion de formaliser enfin ce secteur névralgique pour mettre tout le monde à l’aise.