De la préfecture à la caserne, la journée marathon de Mamoudou Gassama
Après avoir sauvé la vie d’un enfant, le jeune Malien Mamoudou Gassama a reçu ce mardi 29 mai un récépissé régularisant sa situation, une première étape avant d’obtenir la nationalité française promise par Emmanuel Macron. Il s’est ensuite rendu à la Brigade des sapeurs-pompiers où il doit effectuer son service civique.
Sweat-shirt noir, jogging gris et baskets, Mamoudou Gassama a entamé cette journée marathon à la préfecture de Seine-Saint-Denis, à Bobigny. Les traits tirés mais souriant, celui qui est passé du statut d’anonyme à celui de héros en l’espace de quelques heures après avoir escaladé la façade d’un immeuble pour sauver un enfant, n’a pas souhaité s’exprimer devant les nombreuses caméras qui l’attendaient.
Après lui avoir remis son titre temporaire de séjour régularisant sa situation, le préfet Pierre-André Durand a tenu à saluer une nouvelle fois son geste exceptionnel : « Comment ne pas être admiratif par le comportement civique. Il n’a pas passé son chemin, il ne s’est pas posé de question. Il a porté secours à autrui ? »
« Les mêmes valeurs »
Quelques heures plus tard, Mamoudou Gassama s’est engouffré dans une voiture de pompier. Direction la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris où il était attendu pour une visite des lieux. Le jeune homme de 22 ans a signé un contrat de 10 mois pour y effectuer un service civique et s’est entretenu avec le général Jean-Claude Gallet, commandant de la brigade. « On se retrouve sur les mêmes valeurs d’engagement, d’altruisme, d’humilité et de don de soir, a expliqué le général Gallet. Ce sont des valeurs qu’on retrouve chez les sapeurs-pompiers, ce qui fait qu’il est déjà parmi nous en tant que frère d’armes. »
Le jeune homme devrait recevoir d’ici un mois une carte de séjour de 10 ans avant d’être naturalisé français, comme le lui a promis Emmanuel Macron. « Je ne veux pas préjuger de la décision qui sera prise même si on peut imaginer que, s’agissant d’un jeune homme qui fait preuve d’un tel courage, d’un tel dévouement, d’un tel engagement pour sauver un membre de la communauté nationale, la volonté de devenir français sera évidemment démontrée », a déclaré le Premier ministre Edouard Philippe devant l’Assemblée nationale.
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Son histoire lui a attiré une renommée mondiale. Sur Instagram, la chanteuse américaine Rihanna s’est même dite « si heureuse » de ce qui lui arrive.
Au Mali, dont le président Ibrahim Boubacar Keïta a salué en Mamoudou Gassama « un digne et courageux fils du Mali », le geste du jeune homme est abondamment commenté. C’est le cas également au Sénégal, en Côte d’Ivoire ou encore au Togo où, sous le hashtag #Gassamachallenge, se multiplient des photos et des vidéos de jeunes Africains escaladant des balcons.
« Les Africains sans papiers à la recherche de bébés accrochés aux balcons à Paris », peut-on ainsi lire sous la photo d’un jeune homme au physique plutôt bedonnant n’ayant pas l’air très à l’aise sur son rebord de fenêtre parisien. Ou encore, depuis Dakar, un jeune homme littéralement suspendu à un balcon et légendée : « Nous on a commencé l’entraînement à Ouakam Mr Macron on arrive mettez les enfants au balcon ».
Sur le ton de l’humour, c’est bien sûr la force extraordinaire de Mamadou Gassama qui est mise en avant. Mais aussi l’ambiguïté du signal qu’envoie la France avec la décision de naturaliser le jeune héros. « Il est clair pour tous les sans-papiers en France que la meilleure façon de régulariser sa situation au plus vite est de devenir « le super héros africain » », écrit ainsi un internaute togolais.
Une autre se dit « heureuse pour Mamadou », mais s’interroge aussi : « Combien de héros a-t-on perdus ? Combien de talents sont allés périr en mer ? » Et de rappeler ainsi le drame que rappelle le cas de Mamadou Gassama, à savoir ces milliers de jeunes Africains qui continuent de braver tous les dangers pour se rendre en Europe sans aucune garantie d’obtenir des papiers à l’arrivée.
Rfi