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Sénégal: le Grand Magal, un pèlerinage entre histoire et actualité

Jeudi 11 décembre avait lieu la 120e édition du Grand Magal de Touba, le rendez-vous de la confrérie des mourides. Ce pèlerinage a rassemblé entre deux à trois millions de mourides venus célébrer le départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur de la confrérie et de ville sainte de Touba située à 200 km à l’Est de Dakar. Son histoire est précieusement sauvergardée dans la bibliothèque Khadim Rassoul : 180 000 ouvrages y sont conservés et notamment les écrits de Sérigne de Touba.

L’œuvre de Cheikh Ahmadou Bamba et de ses disciples est immense. Pour s’en rendre compte il faut traverser les rayons de la bibliothèque Khadim Rassoul. Sérigne Moustapha Diattara, le conservateur, explique l’intérêt de ces livres : « Ce sont des ouvrages très importants. Mais le livre qui me tient à cœur c’est un livre sur le soufisme qui parle de tolérance, de paix, de justice et de cohabitation avec tout le monde. Pour lui, la guerre sainte ce n’est pas prendre des canons de fusils. Cheikh Ahmadou Bamba est contre ça. Il a dit que la vraie guerre sainte, c’est éduquer les gens pour connaitre Dieu et se connaitre soi-même. Mais pas la guerre comme ça. »

Serigne Moustapha Diattara, le conservateur de la bibliothèque Khadim Rassoul à Touba, au Sénégal, le 11 décembre 2014. RFI/Carine Frenk

Les manuscrits des khassaïdes, les poèmes de Sérigne Touba qui sont chantés pendant le Magal, sont également conservés dans cette bibliothèque. Il s’agit d’un véritable trésor pour tous les Mourides comme le confirme certains membres de la confrérie : « Si on ne connait pas quelque chose de lui, il faut venir ici pour regarder les livres. » « C’est notre patrimoine, notre héritage parce que c’est Cheikh Ahmadou Bamba, le très vénéré, qui nous l’a légué. » « C’est important pour nous car nous devons suivre ses pas. »

La bibliothèque Khadim Rassoul a été construite en 1977 pour 225 millions de francs CFA soit 340 000 euros, entièrement financés par la communauté mouride. Un programme de numérisation vient d’être lancé.

Reportage dans la ville sainte de Touba au Sénégal

Carine Frenk

Un pèlerinage dans un contexte marqué par le jihadisme

Cette année, le Magal se déroule dans un contexte sous-régional particulier au lendemain de la libération de l’otage français. L’occasion pour Sérigne Bassirou Abdou Khadre, le porte-parole du khalife général des mourides, de rappeler que l’islam est une religion de paix et que le soufisme n’est pas le salafisme.

« Les mourides n’ont qu’un seul but : celui de vivre par la paix et pour la paix, en excluant toute forme de violence. Aucune religion, aucune philosophie ne peut être un gage pour porter atteinte à l’intégrité corporelle de l’individu ou à avoir un droit de spolier les biens des gens. Voilà d’ailleurs la raison pour laquelle, chaque fois qu’il y a une cérémonie officielle, vous verrez le khalife, par la voix du porte-parole, lancer ce message nécessaire : « Il n’y a rien qui peut se faire sans la paix. » »

Pour l’instant, le porte-parole du khalife général des mourides ne voit pas de risque de contagion du phénomène jidadiste au sein de la confrérie. La lutte n’a donc pas besoin d’être engagée. « Il n’y a aucun signe avant-coureur de jihadisme qui pourrait exister ici au Sénégal, encore moins à travers les mourides. Le jour où il aura un risque, un quelconque signe de velléité de jihadiste, à ce moment-là, le responsable en la matière, le khalife des mourides, prendra toutes ses responsabilités. »

Sérigne Bassirou Abdou Khadre, le porte-parole du khalife général des mourides, à Touba le 11 décembre 2014 au Sénégal. RFI/Carine Frenk