LA CHRONIQUE DE MLD : La banalisation du milliardaire !
L’ affaire Cheikh Amar/Samuel Sarr et celle de Baye Ciss,sémillant Businessman du Saloum, posent en filigrane la question des profondes mutations qui ont littéralement transformé la société sénégalaise. Il est évident que depuis 2000,l’unité de compte des plus nantis parmi nous est le milliard de fr cfa. On assiste forcément à une banalisation de ces milliardaires tonitruants qui se recrutent beaucoup dans le landerneau politique et administratif. C’est d’ailleurs tout le paradoxe qui entoure la saga de ces concitoyens d’un genre nouveau, véritables miraculés sociaux à cols blancs. A titre de comparaison,dans les démocraties occidentales, ces milliardaires évoluent plutôt dans la haute finance, l’industrie,le négoce, l’innovation technologique,le e-commerce (Elon Musk,Bill Gates,Jack Ma en Chine…). De toute façon l’affaire Cheikh Amar/ Samuel Sarr est un bras d’honneur envoyé à notre démocratie et notre vivre-ensemble; il s’agit aussi d’un uppercut en pleine figure pour tous ces braves Gorgorlus( débrouillards) qui peinent encore à mobiliser 1000 fr cfa au quotidien.
Si le réquisitoire du Procureur est suivi d’effet, ce sera franchement délicat pour le patron de TSE, connu jusque là pour sa discrétion et une timidité qui frise la paranoïa. Ce procès qui l’oppose à l’ancien ministre de l’énergie nécessite clairement un éclairage et l’observateur le moins informé est en mesure de soutenir sans ciller que cette affaire ubuesque met en lumière les incohérences,errements et incartades de la gouvernance de douze bonnes années du régime Wade. L’ancien Chef de l’Etat faisait visiblement des libéralités avec l’argent public… Selon Samuel Sarr, transformé par le père de Karim en Agent de recouvrement, Wade aurait prêté 7 MILLIARDS cfa à l’ancien chouchou des musiciens et autres adeptes du trafic d’influence de la Jet-set et du club sélect du fameux système Lmd ( lutte-musique- danse). C’est à se demander à juste raison comment un Président élu, donc en position de Contractuel à durée déterminée (CDD) avec son peuple, peut-il prêter autant d’argent et avec désinvolture à un privé ?
Si la législation en vigueur sur la gestion des fonds politiques le permet, ce serait alors pain béni pour l’ancien Chef de l’Etat! En Afrique, on aura décidément tout vu et nous ne faisons jamais les choses comme les autres ! Pourtant le régime actuel avait pris de fermes résolutions pour envoyer un signal fort à tous ses compatriotes en délicatesse avec la gestion de l’argent public. Au final, l’euphorie de l’état de grâce des premiers mois de pouvoir s’est dégonflée comme un ballon de baudruche et les magistrats de la Crei peuvent continuer de se tourner les pouces. En quête irrésolue d’émergence, notre pays reste confronté à un véritable défi: celui de la gouvernance des maigres ressources publiques. Comme pour nous apporter du grain à moudre,l’affaire Baye Ciss s’est invitée il y a quelques jours sur la place publique. Ce Businessman Kaolackois est dépeint comme un milliardaire par la presse qui révèle ses déboires judiciaires ayant abouti à la vente aux enchères d’un de ses biens immobiliers sur requête de la Banque sahélo sahélienne pour l’investissement (BSIC).
Question : Baye Ciss était –il réellement milliardaire ? Une interrogation loin d’être saugrenue car sous nos cieux on est très prompt à qualifier certains entrepreneurs douteux de milliardaires. L’homme d’affaires du Saloum n’avait visiblement pas la surface financière qu’on lui prêtait. Autrement dit, sa réputation de milliardaire semble surfaite même si son hyperactivité entre le Sénégal et le voisin gambien avait fini d’en faire un éminent membre de la bourgeoisie nationale. Au -delà de la question centrale de la gouvernance de nos États fragiles,cette banalisation des milliardaires devrait être l’occasion de faire le procès de la société sénégalaise telle qu’elle fonctionne actuellement. Il ne s’agit pas d’avoir honte de ces concitoyens à la surface financière impressionnante.Au contraire, nous en avons grandement besoin notamment pour encourager la création massive d’emplois. Le problème c’est que la monétisation à outrance de nos rapports sociaux a accouché d’une nouvelle race de milliardaires inconnus des cercles vertueux de la machine économique, domaine par excellence de création de richesses et de valeurs.