CHRONIQUE DE MAME GOR NGOM : Macron et le temps du respect en Afrique
Emmanuel Macron ne fêtera pas Noël avec les troupes françaises au Mali, comme prévu mais l’objectif principal du président français était surtout de rencontrer le leader de la transition, Assimi Goïta chez lui en terre africaine. Illustration d’une prise de conscience, d’un certain respect et d’un réalisme géostratégique dont font montre les « puissances » qui gèrent opportunément, souvent cyniquement leurs intérêts en Afrique ? Acte symbolique : Un repas de fête préparé par le chef de l’Élysée sera bien envoyé au Sahel aux 2 800 militaires. L’annulation de la rencontre est officiellement liée à un souci « de ne pas exposer notre dispositif militaire dans un moment de dégradation de la situation sanitaire en métropole » notamment face à la cinquième vague de Covid-19 et au variant Omicron. Officieusement, elle pourrait bien avoir d’autres causes inhérentes à la forme et au fond des entretiens avec les nouvelles autorités maliennes. La rencontre s’annonçait difficile. La tension entre Paris et Bamako est en hausse. Elle découle plus de la présence russe que de la lenteur de la junte » à rendre le pouvoir aux civils », comme on le prétend. Le nœud du problème c’est ceux-là que la France qualifie de » « mercenaires russes ». En réalité, tout réside dans les qualificatifs. La France par une utilisation subtile des canaux de communication, tente de diaboliser Vagner, une société qui a certes souvent recours au mercenariat. C’est de bonne guerre. Le Mali a une autre conception plus reluisante de cette coopération qui, manifestement, est moins coûteuse et plus efficace, moins lourde. Le champ lexical diffère que l’on soit d’un camp ou de l’autre. Pour le Mali, il s’agit tout simplement d’une organisation paramilitaire liée au gouvernement russe et assurant chemin-faisant la défense des intérêts extérieurs de la Russie. La finalité pour Bamako est de bénéficier d’une protection et de maîtriser tous les paramètres qui tournent autour de la sécurité qui est si déterminante en ce moment de l’histoire de ce pays traversé par des coups venus de l’extérieur et exécutés par des hommes de main qui ont infiltré des dirigeants naïfs et négligents. Vagner est certes sulfureuse et est souvent dans des zones de conflits qui ne la « regardent pas ». Elle agit dans l’ombre et s’adonne à des pratiques très peu orthodoxes, mais si les Maliens y trouvent leur compte, c’est juste une application d’une méthode commune à toutes les nations indépendantes. La formule de Charles de Gaulle est même banalisée : les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. On pouvait y ajouter : la fin justifie les moyens, pour ce cas précis. La France et le Mali devraient pouvoir trouver un consensus « couper la poire en deux » pour le maintien des relations diplomatiques, économiques et militaires qui profitent à toutes les deux parties, sans paternalisme de mauvais aloi ou subordination anachronique. L’Hexagone qui a adoubé Mahamat Idriss Déby Itno, après la mort au « front » de son père Idriss au Tchad, est très mal placée pour donner des leçons de démocratie à des militaires maliens qui bénéficient encore du soutien de leur peuple en dépit de quelques frictions et errements. D’ailleurs, Déby-fils a rejeté le format à quatre proposé par Macron qui devrait regrouper le président en exercice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) Nana Akufo-Addo du Ghana, Goïta du Mali et lui le président du G5 Sahel. Un tel refus met en lumière les difficultés d’Emmanuel Macron en Afrique. Le pré-carré n’est plus un pré-acquis. A côté des préalables diplomatiques, des récalcitrances qui nécessitent des solutions à la disposition de l’Élysée, il y a ce profond malaise des populations et cet esprit anti-français qui gagne du terrain en dépit des initiatives comme le sommet de Montpellier, véritables moments de babillages entre Macron et une partie de la Société civile du continent. Le président du Burkina Faso Roch Marc Christian Kaboré a dû changer de fusil d’épaule devant la forte contestation contre les troupes militaires françaises dans son pays. Il a fini par céder à la pression en changeant de Premier ministre et surtout en essayant laborieusement de montrer qu’il n’est pas un pantin de la France qui suit comme un mouton de Panurge un « maître » autoritaire.
Le temps de la sérénité…
L’heure est donc à une relecture froide de la situation marquée par une psychose terroriste sans commune mesure. La perte récente de 7 Casques bleus de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), la mort inédite de deux militaires béninois dans une attaque de Jihadistes le 2 décembre dernier, les drames quotidiens que vivent des populations laissées à elles-mêmes, sont autant de signaux assez remarquables pour reprendre les choses en main avant qu’elles ne se compliquent davantage. Les sombres perspectives sur tous les plans ne peuvent être effacées que par une volonté commune qui jure d’avec les faux- fuyants et les faux jeux observés de part et d’autre. L’urgence c’est le Mali qui s’enfonce. « Le Mali reste la seule digue, s’il cède, le Sahel cédera », affirme l’imam Mahmoud Dicko, figure de proue de la constatation qui a eu raison d’Ibrahima Boubacar Keïta. Il était à Dakar dans le cadre d’un séminaire régional sur la contribution des légitimités religieuses dans la prévention de l’extrémisme violent et la lutte contre le terrorisme. Décidément, un sujet bien à propos actuellement. Le Sénégal est donc concerné au premier chef par les secousses dans la sous-région même s’il a échappé jusqu’ici à ces troubles. C’est heureux que nos autorités prennent très au sérieux cette complexe problématique. Sans la paix, sans la sécurité, il est impossible de manger tranquillement notre si bon Ceebu jën reconnu par l’Unesco et classé au patrimoine mondial. Il paraît qu’il fait courir jusqu’en… Chine. Il serait bien que Macron pense à ce « plat national » pour ses soldats. Ce qui serait un autre signe de respect que les peuples d’Afrique arrachent désormais.