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ENQUETE DE L’ASSOCIATION « TOUCHE PAS À MA SŒUR » AUPRES DE PROSTITUES : «42% ont des diplômes professionnels, entre Bts, Licence et Master»

Trouver un emploi est devenu un véritable casse-tête pour les diplômés, notamment les jeunes filles. Dans une enquête qu’elle a menée auprès de prostituées dans la capitale Dakar, l’Association « Touche pas à ma sœur » révèle que 42% des filles de joie interrogées ont un diplôme professionnel, entre le Bts et le Master. Et elles expliquent leur basculement dans la prostitution par l’impossibilité de trouver du travail et la précarité dans laquelle elles et leurs familles se trouvent. 

L’association « Ne touche pas à ma sœur » ne cesse de se préoccuper du sort, souvent peu enviable, des femmes, notamment des filles. Ces dernières, qui, selon l’association, sont particulièrement touchées par le problème du chômage. Qui n’épargne même pas les plus diplômées. En effet, dans un rapport d’enquête, menée auprès de jeunes filles pratiquant la prostitution à Dakar, qu’elle va publier bientôt, et que « L’info » a eu la primeur de consulter, l’association révèle que sur un échantillon de 100 jeune filles prostituées, qui ont entre 21 ans et 35 ans, «42% ont des diplômes professionnels, entre Bts, Licence et Master ». 

Et c’est en désespoir de cause qu’elles ont décidé d’embrasser le plus vieux métier au monde. « Esseulées, laissées pour compte et ayant parcourus les entreprises, sociétés et ministères à la recherche d’emploi, elles n’ont même pas pu décrocher ne serait-ce qu’un stage », Commente le rapport. Qui ajoute : «Déboussolées et tenaillées par les difficultés quotidiennes, elles n’ont pas pu résister à la perche tendue par l’emploi commercial du sexe, pour, disent-elles, prendre en charge les besoins de la famille». 

«Avant que je ne pratique la prostitution contre mon gré, j’ai fait les pieds de grue partout…»

En ce sens, le président Ismaëla Kamby et son équipe ont enregistré plusieurs témoignages. « Je suis issue d’une famille pauvre, et mes frères, mes sœurs et moi, nous sommes orphelins. J’ai mon Master en management. Avant que je ne pratique la prostitution contre mon gré, j’ai fait les pieds de grue partout où je pensais pouvoir trouver un emploi ou un financement, en vain ; même auprès des structures de l’Etat dont on dit qu’elles accompagnent les jeunes. Mais finalement, la montagne a accouché d’une souris. Que du bla bla avec ce Gouvernement», narre Kh. D. 

«Quand je suis avec un client au lit, j’ai honte…»

Une autre de déclarer dans le même sens. «Je suis âgée de 27ans et diplômée de licence 3, en transport et logistique. Mes parents sont des paysans et vivent au village. Après mon Bac, j’ai préféré suivre la formation professionnelle avec la bourse qui m’avait été offerte. Cependant, je vivais avec beaucoup de difficultés ici à Dakar avec en bandoulière, l’espoir de toute une famille. Il m’arrivait même parfois de ne disposer d’aucune pièce de monnaie pour me payer un pot de café. Alors ne pouvant pas trouver du travail, je me suis laissée aller dans la prostitution», soutient-elle.  Non sans indexer l’Etat. «Si l’Etat ne fait rien pour nous, c’est dommage. On nous avait promis des emplois depuis que j’étais au lycée (2012). Je suis la seule personne dans notre famille à avoir fait des études poussées, j’ai mon Master. Mes parents ne travaillent pas  et je ne peux pas les regarder parcourir le quartier chaque jour pour nous donner à manger. Quand je suis avec un client au lit, j’ai honte…».

«Des milliers de jeunes ne savent plus à quel programme d’emploi se fier»

Commentant le rapport qui va sortir bientôt, Ismaël Kamby ne cache pas son irritation. « L’emploi des jeunes au Sénégal est devenu un problème récurrent, un véritable cancer, pire que la Covid 19. Les différentes solutions proposées n’ont jamais, jusqu’à nos jours, porté de fruits. Des milliers et des milliers de jeunes qui ont dû sacrifier leur enfance au profit des études, ne savent plus à quel programme d’emploi se fier. Or, la plupart d’entre eux portent en bandoulière l’espoir de toute une famille, réduite à sa plus simple expression par la pauvreté», soutient le président de l’association «Touche pas à ma sœur». Qui regrette que devant leur calvaire quotidien, certaines n’ont pas pu résister à le tentation de la prostitution, pour pouvoir subvenir à leurs besoins ainsi qu’à ceux de leurs familles.

L’info