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PLUS LOIN AVEC SOULEYMANE FAYE DIT DIEGO: «Abdoulaye Wade est un rancunier, il restera un éternel opposant»

Son nom et son style musicale se confondent. Souleymane Faye est une icône de la musique, l’incarnation typique de l’artistique qui vit pour et de son art. Resté plus de dix ans sans sortir d’album, il prépare un nouvel opus en vue de la célébration de son demi-siècle passé dans la musique, prévu au mois de mai prochain. Mais Jules Faye, c’est aussi l’engagement avec une tonalité forte. Dans cet entretien accordé à «L’As», il parle de sa carrièreen dents de scie, de son pro-chain album, mais aussi et surtout de ses relations avec les hommes politiques : Macky Sall, Ousmane Sonko, KhalifaSall.

L’AS : Pourquoi êtes-vous resté si longtemps, sans sortir d’album ?SOULEYMANE FAYE: Si je suis resté tout ce temps sans sortir d’album, c’est parce qu’en ce moment, je me suis dit que j’ai assez parlé. Quand tu parles beaucoup, les gens se lassent. Il fallait que je me taise et trouve un nouveau producteur. Et pour trouver un producteur sérieux, ce n’est pas facile. Je me suis tu un peu, pendant une dizaine d’années, mais pendant ce temps, j’écrivais tout le temps, je composais et je gardais. Actuellement je travaille sur un album qui sortira cette année Inshaa-Allah.

Que peut-on retenir de cet opus?

Ce sera un album où l’on retrouvera beaucoup de genres musicaux, surtout du hip hop. Je veux réunir la génération consciente du rap. Malal Talla alias Fou Malade et Didier Awadi seront mes producteurs. On entrera bientôt en studio, on a enregistré la musique, maintenant, il reste les prises de voix. Je vais bientôt entrer en studio. L’album sortira cette année. On y parlera des relations entre les jeunes et les adultes, le conflit générationnel. La forte dépendance des jeunes pour les réseaux sociaux. On n’a plus une vie chaleureuse et famikiale, chacun est dans son coin. C’est très difficile d’éduquer nos enfants. Toutes mes chansons tournent autour de la famille et le comportement des gens en société. Le 3 mai au Grand Théâtre, Insha-Allah, je fêterai mes cinquante ans de carrière.

Pourquoi avez-vous choisi de colorer votre style de musique de sonorités hip hop?

Je veux délivrer un message très important à la jeune génération. Parfois, il est bien de changer d’air un peu. Les rappeurs sont marginalisés, mal compris et pourtant, les messages qu’ils véhiculent sont importants. Peut-être que c’est à cause de leur langage parfois acerbe qu’ils sont mis à l’écart.

N’est-il pas risqué de s’acoquiner avec des gens estampillés incorrects ?

Je ne dis pas que tous les rappeurs sont vulgaires, mais beaucoup le sont. Certains rappeurs sont assez vulgaires, arrogants et impolis, et cela ne passe pas. Ils ne soignent pas leur langage. On peut rapper poliment correctement, sans pointer du doigt quelqu’un ou l’insulter. Dans la culture sénégalaise, on peut dire tout ce que l’on veut, mais dans la discipline. Tant que le respect est là, les gens t’écoutent. Il y a en revanche des rappeurs excellents qui véhiculent leurs messages sans proférer des insanités.

Quels sont les rappeurs qui vont figurer dans votre prochain album ?

Pour l’instant, je n’ai pas encore fait de choix. Quand, je finirai de chanter pour la première partie de la production, je verrai quel rappeur choisir pour faire un featuring et dans quel morceau, il faudra aussi qu’il chante dans le même sens. Aucun rappeur n’est exclu pour ces futures collaborations.

Est-ce que vous vous produisez actuellement ?

Oui, je joue tous les week-ends presque trois à quatre fois. Mais,on joue plus dans les soirées de gala, les dîners débats, dans les cérémonies de mariages, parfois pour les grandes compagnies pour des soirées aussi et cela dans les grands restaurants à Dakar, à Mbour, à Saly. A SaintLouis, je joue une fois par semaine au Flamengo à l’Hôtel de La Poste.

Pourquoi, vous n’êtes pas avec le Xalam 2 ?

J’ai dis aux gens que je ne suis pas un membre du Xalam. Si le Xalam me propose un bon cachet, je joue, sinon je ne joue pas. J’ai cette liberté quand même. Je joue avec eux quand je suis bien payé, quand je ne suis pas bien payé, je ne joue pas. Mais, entre nous, on est tous des amis, ils vivent en France et moi ici. On n’a pas les mêmes réalités. Ils viennent au Sénégal une fois par an en fin d’année, ils jouent un peu partout et retournent chez eux en Europe, tandis que je vis ici au Sénégal.

Que sont devenus vos enfants avec lesquels vous jouiez parfois ?

Ma fille s’est mariée, elle ne joue plus. J’ai un fils qui est parti en Italie, il joue là-bas, il est batteur. Mais, j’ai un autre fils qui joue tout le temps avec moi, il s’appelle Cheikh Ndigueul.

Que pensez-vous de la musique sénégalaise et de la nouvelle génération ?

La musique sénégalaise est morte. A part le mbalax et le rap sénégalais, les autres musiques sont mortes. Il y a plus de musiques ici. Les gens ne prennent pas le temps de faire des recherches. Ils veulent rentrer rapidement en studio pour sortir un album. Ici, en un mois, on peut sortir un album. La nouvelle génération monte certes, mais elle manque de maitrise du métier. Nous, on apprenait pendant des années. Ici les jeunes ne pensent qu’à sortir des albums, ils n’apprennent pas la musique. C’est la raison pour laquelle, les albums une fois sortis, meurent aussitôt. Je leur conseille de prendre le temps nécessaire pour faire des recherches. Le problème est qu’il y a des musiciens mais il manque de musicalité. La musicalité c’est l’arrangement de la musique, les harmonies.

Qui pour prendre la relève de Jules Faye ?

La relève pour moi c’est l’avenir. Ça pourrait se faire avec mon enfant ou un autre musicien. J’avoue que mon fils qui chante avec moi, approche mieux que quiconque le style de Souleymane Faye. Quand je le vois chanter, je me vois en lui en fait.

Quelle est la source d’inspiration de Souleymane Faye ?

Je m’inspire de mon vécu… j’ai presque tout vécu. Les faits chantés dans mes morceaux, c’est mon vécu, je n’ai rien inventé. Je chante le quotidien. Chaque jour se produit un événement dont tu pourrais t’inspirer pour écrire une chanson. Comme on vit tous la même chose à peu près, les gens se retrouvent dans mes chansons.

Quel est votre avis sur la rivalité flagrante entre les musiciens ?

Ça dépend de quel genre de musique. Les jeunes ont cette mentalité, ils sont trop fougueux. Nous, on n’avait pas ces problèmes, on s’aimait beaucoup. Quand quelqu’un avait du talent, tout le monde l’adulait. Maintenant quand tu as du talent, on te jalouse. Les fans aussi y sont pour quelques choses dans cette rivalité, ils influent beaucoup sur la relation des artistes. Et cela déstabilise.

Quelles sont vos relations avec le Président Macky Sall dont vous avez chanté la vision et les réalisations ?

Le Président Macky Sall est un ami de longue date. Nos relations sont antérieures à son élection. Il reste mon ami et je le soutiens. Je ne renie pas mon amitié avec lui, c’est quelqu’un de bien.

Pourquoi n’êtes-vous pas parti en campagne avec lui ?

Je bats déjà campagne pour lui. La musique de campagne deMacky Sall c’est moi qui l’ai faite. C’est une façon de l’appuyer dans ces élections. Je ne vais pas prendre des risques jusqu’à le suivre partout. Mais, quand il a besoin de moi, je réponds présent. Il faut savoir que je ne suis pas un politicien, mais un musicien. Mais une chose est sûre, je le soutiens à 100%. J’ai peur qu’on me lance une brique, parce qu’il y a des gens qui aiment Souleymane Faye, mais détestent Macky Sall. C’est un facteur à prendre en compte.

Quelle appréciation faites-vous de son mandat ?

Ecoutez aucun Président n’est venu au monde pour faire un seul mandat. Je lui souhaite de faire un second mandat pour réakiser ses projets pour le pays. Mais pour le second mandat je suis très confiant. Il sera réélu au premier tour. Un deuxième mandat lui permettra de tenir beaucoup de ses promesses. Un seul mandat c’est trop court, le temps de stabiliser le gouvernement, le mandat est fini. Mais c’est au cours du deuxième mandat qu’il pourra concrétiser beaucoup de choses. Nul au monde n’est capable de tenir toutes ses promesses, mais si on respecte 50% de ses engagements ce n’est pas mal.

La violence s’est invitée pendant cette campagne électorale. Quel message adressez-vous aux candidats et aux populations ?

Je m’adresserai plutôt aux jeunes qui sont les plus vulnérables. Je leur dirai qu’aucun politicien ne mérite de risquer sa vie. Les hommes politiques mettent leurs enfants à l’écart. Il ne faut pas être dupes et suivre les évènements jusqu’à y laisser sa vie ou être blessé.

Que répondez-vous à ceux qui disent que Macky Sall s’est servi de la justice pour éliminer certains candidats ?

Macky Sall n’a jamais condamné personne. C’est la justice sénégalaise qui condamne. Ceux qui n’ont rien fait, on ne les a pas condamnés. Mais lorsqu’on commet un délit et qu’il arrive qu’on soit emprisonné, ce n’est pas Macky qui est derrière. Ces opposants condamnés sont coupables de quelques choses. Macky Sall n’est pas un méchant, il est assezbhonnête.

Que pensez du retour de l’ancien Président Abdoulaye Wade ?

Abdoulaye Wade je l’aime beaucoup, mais on n’a jamais vu un ancien Président comme lui. Il n’a pas assumé son destin de ne plus être le Président du Sénégal.Il n’a pas pu accepter le fait que son fils soit emprisonné. Ce sont des frustrations que je comprends. Abdoulaye Wade est rancunier. Il n’arrive pas à accepter que Macky Sall soit son successeur à la tête du pouvoir. Il est le premier à avoir félicité Macky Sall, et après il se retourne pour gâter son nom. C’est un opposant il restera opposant toute sa vie. A son âge, quand même il devait se reposer et penser à autre chose.

Quelles sont vos relations avec les autres candidats à l’élection présidentielle ?

Je ne suis contre personne. Je n’ai jamais été contre quelque homme politique ou quelque candidat que ce soit. Feu le Président Senghor m’a reçu à Marseille, les Présidents Diouf et Wade m’ont reçu et Macky Sall aussi m’a reçu, et la vie continue.Je souhaite à tous ces candidats tout le bien au monde. Ce qui m’intéresse c’est la paix au Sénégal et l’avenir de la jeunesse. Le reste c’est des blablas. Macky Sall est mon ami tout comme Khalifa Sall aussi.

Ah bon Khalifa Ababacar Sall ?

Ah oui Khalifa Sall est mon ami. Je ne renie jamais mes amitiés. Peut-être après les élections, quand tout va se calmer, j’irai lui rendre visite en prison. Je vous dis une chose : après les deux mandats de Macky Sall, je vois Khalifa Sall comme futur Président du Sénégal. Je ne mise sur personne d’autre que Khalifa Ababacar Sall et je le soutiendrai comme je l’ai fait avec Macky Sall.

Sur quoi vous vous fondez pour dire que Ousmane Sonko gaspille de l’argent pour rien ?

Je crois que Macky Sall va avoir deux mandats. Donc, Ousmane Sonko est en train de dépenser son argent pour rien. Je parle dans ce sens, mais je ne suis pas contre lui. Sonko est une étoile montante de la vie politique du Sénégal, moi je le respecte et je le considère beaucoup. Sonko gasoille son argent et son temps.

Quel sera votre dernier mot ?

Je souhaite que tout se passe bien et que le meilleur gagne et la vie continue. Aussi je demande aux populations de ne pas voter pour de l’argent, mais plutôt pour l’avenir du pays. Malheureusement dans ce pays beaucoup votent pour de l’argent et c’est dommage.

( Entretien réalisé par Maïmouna SANE )