POURVOI EN CASSATION: La Cour suprême ne casse rien du tout!
La Cour suprême s’est prononcée hier sur le pourvoi en cassation dans l’affaire de la Caisse d’avance de la mairie de Dakar en confirmant la décision de la Cour d’Appel. Ainsi, Khalifa Sall devra purger cinq ans de prison et payer à l’Etat du Sénégal la somme de 1,8 milliard FCFA en guise de dommages et intérêts.
La Cour suprême a rejeté tous les pourvois introduits par les avocats de Khalifa Sall et Cie. Le juge Amadou Baal a confirmé le jugement rendu par la Cour d’appel sur toutes ses dispositions en rejetant les 12 pourvois introduits par les conseils de l’ancien maire de Dakar. Ce délibéré a été rendu par une composition de 6 conseillers titulaires que sont Amadou Ba, Wally Faye, Adama Ndiaye, Mbacké Fall, Ibrahima Sy et le président Amadou Baal. Pourtant, la loi exige un nombre impair. La lecture de la décision a duré plus de 45 minutes. A ces débuts, le président a soutenu que la Cour suprême rejette les exceptions d’inconstitutionnalité soulevées. Il soutient qu’il n’y a pas lieu d’enclencher la procédure devant le Conseil Constitutionnel (Cc) et rejette les pourvois formés par Khalifa Sall contre l’arrêt du 10 juillet 2018 de la Cour d’appel de Dakar. «La Cour rejette les pourvois formés par Khalifa Ababacar Sall et Yaya Bodian contre les arrêts 398 et 399 du 10 juillet 2018 de ladite cour et rejette les pourvois formulés par Khalifa Sall, Yaya Bodian, Fatou Traoré et la Ville de Dakar contre l’arrêt N°454 du 30 août 2018 de la Cour d’appel de Dakar. Et les condamne au dépens», souligne le juge Baal qui estime que la Cour d’appel n’a violé aucun texte. Il ajoute que le moyen du requérant à propos de l’arrêt de la Cour d’appel et celui rendu par la Cour de justice de la Cedeao est déclaré irrecevable.
Les pourvois sur l’exception d’inconstitutionnalité, sur l’appel contre le jugement rendu par la Cour d’appel, sur la violation de l’arrêt 5 de la Cedeao et sur la constitution de partie civile de l’Etat du Sénégal, sur lesquels s’étaient basés les avocats de la défense pour tirer d’affaire leurs clients, ont été également rejetés par la Cour suprême. «L’immunité parlementaire n’a pas vocation de couvrir des faits dont les poursuites ont été déclenchées en amont», explique-t-il. A la suite de cela, le président a demandé à l’avocat général s’il avait des réquisitions particulières. «Aucune», répond le procureur général. Sur ce, Amadou Baal a levé la séance sous les huées des soutiens de Khalifa Sall et les regards impuissants de ses conseils. Pour rappel, l’ancien maire de Dakar est poursuivi pour faux et usage de faux en écritures de commerce, faux et usage de faux dans des documents administratifs et escroquerie portant sur des deniers publics. Ses acolytes Fatou Traoré, Yaya Bodian et Mbaye Touré sont poursuivis pour complicité d’escroquerie portant sur des deniers publics. Ils ont été tous condamnés à 5 ans de prison ferme devant le Tribunal correctionnel. Un verdict qui a été confirmé le 31 août 2018 par la Cour d’appel de Dakar.
Les avocats de la défense vont déposer un rabat d’arrêt
Refusant de s’avouer vaincue après cet énième revers, la défense a annoncé qu’elle va déposer un rabat d’arrêt. Selon Me Seydou Diagne, il y a deux deux lectures à faire sur le rejet de leurs pourvois. «La première, c’est que la Cour suprême n’a pas fait application des dispositions de l’article 34 en privant Khalifa Sall de ses droits civiques. Donc, c’est une information très importante que nous portons à l’attention de l’opinion nationale et internationale. La Cour suprême n’a pas décidé de l’interdiction des droits civiques de notre client. Cela veut dire que Khalifa Sall jouit de ses droits civiques et politiques. Il peut être candidat. Il n’a pas été condamné et il n’y a pas d’incubation de ces droits civiques», explique-il. La deuxième lecture qui s’impose, de l’avis de la robe noire, c’est que «la condamnation va subsister, puisque que l’arrêt a été rejeté». Ainsi, il annonce qu’une procédure de rabat d’arrêt sera notifiée pour annuler la décision de la Cour suprême qui rejette le pourvoi. D’où l’intérêt pour Me Diagne de préciser que son client est toujours candidat à l’élection présidentielle.
Me Baboucar Cissé : « Khalifa Sall ne peut plus être candidat»
Évidemment la position de Me Seydou Diagne est loin d’être partagée par l’un des conseils de l’Etat, Me Baboucar Cissé qui soutient que Khalifa Sall n’est plus éligible puisqu’il a été condamné par la Cour suprême. Soulignant d’emblée que la décision de la Cour suprême ne le surprend pas, Me Cissé indique que les moyens soulevés ne pouvaient pas prospérer. Raison pour laquelle, cette décision est conforme à la loi. Selon lui, «ce procès n’est pas instrumentalisé. Des faux et de l’escroquerie sur les deniers publics ont été commis. Donc, Khalifa Sall est coupable des faits qui lui sont reprochés. Il n’a jamais nié les faits. Il a seulement essayé de les justifier. Je ne vois pas en quoi aujourd’hui la Cour suprême allait rendre une décision qui mettrait en cause celle très pertinente qui a été rendue par la Cour d’appel de Dakar». Poursuivant, Me Cissé déclare que Khalifa Sall est hors de course. «Il ne peut plus être candidat. C’est la conséquence de la décision d’aujourd’hui. C’est une décision plus que correcte et logique», indique-il avant d’ajouter, au passage, que le rabat d’arrêt n’a pas un caractère suspensif. «Encore une fois, le rabat n’est pas suspensif. Le rabat n’est pas un second recours devant la justice. Par conséquent, il n’est pas suspensif. Ils n’ont qu’à déposer un rabat d’arrêt, mais cela n’enlève en rien au caractère définitif de la décision. Khalifa Sall est libre de déposer un recours devant les institutions internationales. Ce verdict ne sera jamais cassé. La Cour suprême, c’est le sommet de la pyramide judiciaire. Après la Cour suprême, c’est le bon Dieu. Il n’y a pas une autre juridiction», clame l’avocat de l’Etat.
ME OUSSEYNOU GAYE, AVOCAT DE LA VILLE DE DAKAR
«La Cour suprême a fait la bourde de l’année»
Conseil de la mairie de Dakar, Me Ousseynou Gaye est interloqué par la décision de la haute juridiction. Il estime que c’est la première fois qu’il voit une Cour suprême statuer de cette manière. «La Cour suprême doit statuer sur le droit, mais aujourd’hui (Nlrd : hier), elle a statué sur des faits. C’était un langage totalement incompréhensible. En ce qui concerne la constitution de partie civile de l’Etat du Sénégal, la Cour suprême a fait la bourde de l’année, parce qu’elle considère tout simplement que les ristournes collectées par l’Etat du Sénégal fondent la constitution de partie civile de l’Etat. Cela démontre clairement que la Cour suprême ne comprend absolument rien aux règles de la comptabilité publique. Elle ne comprend absolument rien aux règles des collectivités locales décentralisés», dit-il. Remettant les pendules à l’heure, Me Gaye rappelle que la Caisse d’avance est alimentée par des impôts collectés par les collectivités locales, et non par des ristournes de l’Etat.
( Bineta DIOUF )