RETRAIT DE L’AGRÉMENT DE L’ÉTAT A LEAD AFRIQUE FRANCOPHONE: La société civile fait front commun avec l’ONG
L’État du Sénégal reproche principalement à l’ONG Lead Afrique francophone de participer à des opérations de fi-nancement irrégulières d’une association (Ndlr : «Y en a marre») ne bénéficiant pas de la reconnaissance d’utilité publique. Mais la société civile, dans son entièreté, pense qu’il ne s’agit rien d’autre qu’une entrave à la liberté des ci- toyens et des organisations de défense des droits humains. Elle a mis sur pied un collectif pour la cause qui, à son tour, demande le retrait immédiat de l’arrêté du ministre de l’Intérieur.
Tout porte à croire que l’État du Sénégal a franchi le Rubicon en retirant son agrément à l’ONG Lead Afrique francophone. En procédant de la sorte, le minis- tère de l’Intérieur ouvre décidé- ment un nouveau front au régime de Macky Sall qui, jusque- là, avait en face une opposition plus ou moins incisive. Réponse du berger à la bergère, la société civile fait bloc et met en place un collectif pour défendre et préserver les droits des citoyens, associations et ONG au Sénégal. Parmi les signataires, on peut relever le Collectif des Organisa- tions de la Société Civile pour les Élections (Cosce), Amnesty International Sénégal, le Forum Social Sénégalais, la Raddho, «Y en a marre», Legs Africa, Article 19 Sénégal/Afrique de l’Ouest, Cico- dev, Cos M23, Alioune Tine, Lead Sénégal, et enfin l’Union des In- dépendants du Sénégal. Et dans une déclaration parvenue à «L’As», samedi dernier, le collectif considère que le gouvernement du Sénégal veut réduire l’espace civique et entraver la liberté des citoyens et des organisations de défense des droits humains. C’est sans nul doute, selon le collectif de la société civile, le sens de l’arrêté du ministère de l’Intérieur daté le 5 novembre 2018 et notifié à l’ONG Lead Afrique Francophone, le vendredi 16 Novembre 2018. Il abroge l’arrêté autorisant la création de l’association, met fin à l’autorisation accordée à l’association et ordonne la cessation immédiate de ses activités sur le territoire national. Auparavant, les responsables de l’association avaient été convoqués le Mardi 13 Novembre pour un interrogatoire qui a duré de 15h à 20h au commissariat central, en même temps que trois autres responsables d’ONG (Enda Tiers Monde, Oxfam, Osiwa) dans le cadre d’une enquête ouverte sur de présumés financements irréguliers au profit de l’association «Y en a marre». Les organisations de la société civile réunies dans le cadre d’une initiative spontanée dénoncent cet acte du ministre de l’Intérieur et réclament un retrait immédiat de l’arrêté. Elles témoignent leur solidarité aux associations «Y en a marre» et «Enda Lead Afrique francophone» qui, pensent-elles, font l’objet de persécutions injustes de la part du ministère de l’intérieur.
«L’ARRETE DOIT ETRE ANNULE»
Pour ce nouveau front de la société civile, au-delà de cet acte grave et inacceptable dans le fonctionnement d’un État de droit, il faut constater des tentatives répétées depuis un certain temps de l’autorité publique de réduire l’espace public d’expression des citoyens et des organisations de la société civile par des menaces et actes d’intimidation qui ne peuvent prospérer dans notre démocratie. Surtout que cette dernière consacre les libertés individuelles et collectives et la participation citoyenne dans sa charte fondamentale et dans l’essentiel des textes juridiques organisant la république sénégalaise. Se rappelant la décision du gouvernement sénégalais de dénoncer les accords de siège liant le gouvernement du Sénégal à certaines ONG en 2011, le nouveau collectif de la société civile considère que les périodes électorales sont des moments de tensions et de mise en œuvre de stratégies d’endiguement des forces sociales qui pourtant ne travaillent que dans le cadre de l’intérêt public à travers des actions destinées au progrès économique et social des citoyens et au renforcement de notre démocratie. «Nous rappelons ainsi le gouvernement du Sénégal à un respect strict des principes consacrés par la Constitution, loi fondamentale du pays ainsi que les différents engagements internationaux dont l’État du Sénégal est partie. Cela doit se traduire par l’annulation de l’arrêté visant l’association Lead Afrique francophone et respect ses droits et l’arrêt des actes d’intimidation en cours contre d’autres organisations», lit-on en définitive dans la déclaration du nouveau collectif des organisations de la société civile. Non sans s’engager à se battre aux niveaux national et international. Le collectif informe qu’il rendra public, très prochainement, son plan d’actions pour donner suite à cette prise de position qui interpelle le Gouverne- ment du Sénégal.
Seydina Bilal DIALLO