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A CŒUR OUVERT AVEC BOUBACA CAMARA : Aucun homme politique au Sénégal ne dispose, à titre personnel, de moyens financiers et logistiques suffisant pour mener à bien une campagne électorale sauf ceux qui puisent illégalement dans les ressources de l’Etat

En tant que candidat à la ma- gistrature suprême, quelles solutions novatrices préconisez-vous pour satisfaire l’emploi des jeunes, résoudre la crise de l’école et les maux qui affectent le domaine de la santé ?

Nous disposons d’une offre al ternative globale avec des solutions de développement durable, des réformes institutionnelles inspirées des Assises nationales et des travaux de la Commission nationale de réforme des institutions(CNRI), la réduction des inégalités sociales et l’élimination de la pauvreté. Suivant notre vision, la jeunesse est une force vive du capital humain épanoui qui doit exploiter judicieusement nos ressources pour bâtir un Sénégal prospère. A ce titre, il doit activement participer à la reproduction sociale par le travail. L’emploi est une préoccupation essentielle pour nous. Elle suppose une formation de qualité et une employabilité. La solution durable se trouve dans l’investissement massif dans des secteurs dotés d’un grand potentiel d’emplois pour les jeunes, mais jusque-là négligés : l’agriculture, la pêche, l’élevage, l’artisanat et la culture. Il sera instauré un droit universel au stage et un contrat premier emploi de six mois, garanti par l’État. Pour mettre fin à la crise structurelle de l’école sénégalaise, nous préconisons une profonde réforme du financement de l’éducation pour réaliser la prise en charge totale par l’Etat de la scolarité. La qualité et la pertinence des curricula seront notablement améliorées, la fonction enseignante sera valorisée, l’enseignement religieux et des langues nationales seront de mise, la rénovation et l’adaptation de l’infrastructure éducative et de formation seront effectuées. Pour soigner les maux qui gangrènent la santé, le remède se trouve tout d’abord dans la prévention. Ensuite un effort exceptionnel sera consenti pour rapprocher les structures sanitaires des populations. Des polycliniques communales modernes dotées d’un plateau médical relevé et des
véhicules équipés mailleront le territoire. Trois mesures-phares seront prises : la gratuité des médicaments pour les maladies les plus répandues et qui touchent les populations à faible revenu, la réduction des coûts pour les autres médicaments, de bonnes conditions de travail avec la valorisation du personnel médical et paramédical.

Deux de vos proches (géographiquement pour Khalifa Sall de grand yoff et professionnellement naguère pour Karim Wade) ont été épinglés pour malversations et détournements de deniers publics. que pensez-vous de leur emprisonnement ?

Khalifa n’est pas seulement proche de moi «géographiquement». C’est un ami d’enfance. Nous avons grandi ensemble, très jeunes, et fait nos premières armes en politique à Grand Yoff, lui à l’UPS-PS, moi au RND dans une adversité civilisée, empreinte d’une fraternité jamais démentie. Je pense que l’emprisonnement de mon frère et ami Khalifa SALL résulte d’un règlement de comptes politiques ; c’est un procès polituque. Deux points pour l’illustrer : d’abord, il a été maintenu en prison sous prétexte d’un détournement de derniers publics alors que le juge a finalement écarté ce chef d’inculpation.
Ensuite, son immunité parlementaire a été contestée pour ensuite être levée. En y ajoutant toutes les violations de procédure dénoncées par les avocats et par le juge communautaire, on a le tableau parfait d’une opération politique d’élimination d’un candidat sérieux à l’élection présidentielle. Mais le combat continue ; il n’est pas encore condamné définitivement. Quant à Karim Wade, je puis témoigner de sa compétence technique indiscutable, un meneur d’hommes et un travailleur infatigable. Je ne suis pas le genre à se laisser embar- quer par le brouhaha général des affirmations gratuites. Quant à son procès, je le juge inéquitable. Vous en avez tous suivi les péripéties. Là aussi, le juge communautaire a pointé du doigt les manquements. Finalement, personne ne sait où sont passés les milliards de francs dont le régime nous a tant parlés. Le comble dans cette affaire, c’est la volonté, manifestement illégale, du pouvoir en place de l’écarter de l’élection présidentielle, à coup de modification de la loi et de décision «souveraine» du ministre de l’Intérieur. Là aussi, nous avons une preuve flagrante de règlement de comptes politiques. Cela dit, nous sommes pour la reddition des comptes, pour une transparente totale dans la gestion des biens publics, mais tout doit se faire sans politisation, dans l’impartialité et le strict respect des droits de la défense.
ancien directeur général des douanes, vous parliez récemment d’intégrité. les électeurs vous entendront-ils et vous croiront-ils quand on connaît l’image d’epinal collée à ce vaillant corps des soldats de l’économie ?
Vous avez bien raison de parler d’un «vaillant corps de soldats de l’économie». Je peux en témoigner pour avoir vécu 17 ans dans ce corps avant de le diriger pendant 04 ans. J’ai été témoin de sacrifices suprêmes de jeunes agents des douanes dans la lutte contre la fraude. J’ai, moi-même, participé à des com- bats en haute mer contre des fraudeurs armés. Les veuves et orphelins des douanes pleurent
encore leurs disparus. Cette image de manque d’intégrité qui colle à la peau des douanes doit être combattue par un comportement exemplaire des agents et surtout de leurs chefs et une communication adéquate qui évite mettre dans le «même sac» les agents sérieux et ceux qui ont un comportement répréhensible. J’ai combattu de toutes mes forces la corruption dans les Douanes à la satisfaction des opérateurs économiques, avec des résultats palpables dont le plus visible est l’augmentation des recettes à travers la sécurisation de la procédure. Plusieurs mesures ont été prises : répartition équitable du produit des amendes et du travail supplémentaire commercial à commencer par une réduction de moitié de ma part personnelle des pénalités, une automatisation poussée du dédouanement avec GAINDE 2000 et ORBUS, numéro vert pour dé- nonciation anonyme et gratuit de la corruption, organisation transparente, promotion de l’éthique, formation de qualité, etc. S’il était question de me juger uniquement sur mes résultats à la Douane, je serais élu au premier tour.
Être candidat à la présidentielle nécessite beaucoup de moyens financiers et logistiques. Comment l’intègre fonctionnaire compte-t-il s’y prendre ?
Le candidat à la présidentielle a plus besoin de millions de voix que de milliards de francs Cfa. Ces voix se conquièrent par la présentation d’un bon produit : un candidat au parcours respec- table, au discours pertinent, constant et porteur de solutions répondant aux préoccupations des électeurs et à l’engagement politique sans faille. C’est ce produit qu’il faut «vendre» à l’électeur qui l’«achète». Evidemment, le candidat a besoin d’un minimum de moyens pour placer son produit sur le marché électoral. Aucun homme politique au Sénégal ne dispose, à titre personnel, de moyens financiers et logistiques suffisants pour mener à bien une campagne électorale sauf ceux qui puisent illégalement dans les ressources de l’Etat, ce qui n’a d’ailleurs jamais garanti la victoire. Cela dit, je suis candidat d’une coalition de plusieurs partis politiques et personnali- tés de la société civile. Chacun d’entre nous puise dans ses res- sources personnelles pour mener à bien notre projet commun. Nous comptons également sur ceux qui partagent notre combat.

( Réalisé par Mamadou Thierno TALLA et Hawa BOUSSO )