LA CHRONIQUE DE MLD: Le gendarme financier met le Sénégal au pain sec. Par Mamadou Lamine DIATTA
C’est triste de voir pouvoir et opposition se castagner pour avoir les faveurs du Fonds monétaire international -FMI-. Le mal est profond.Comme si nous avons toujours besoin de la validation de l’extérieur pour exister et nous donner de la contenance. On comprend alors pourquoi le sieur Édouard Gemayel du FMI s’est comporté en superstar en faisant le tour des médias. Il ya visiblement anguille sous roche.
À l’issue de l’importante mission du Fonds monétaire international ( FMI) au Sénégal, il faut dire que l’on peut valablement emprunter l’image de la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine selon qu’on soit un pessimiste invétéré ou un optimiste notoire comme le Soleil quotidien pro- gouvernemental qui évoque une « démarche de transparence des autorités sénégalaises bien perçue » par l’Institution de Bretton-Woods. L’allusion est claire comme l’eau de roche : La cour des comptes avait parlé de falsification de chiffres ( misreporting) de la part de l’ancien pouvoir. Une situation qui avait provoqué un tollé du tonnerre surtout que dans ce pays le débat public est fortement polarisé voire clivé. À la lumière des conclusions d’Edward Gemayel chef de la mission du FMI, cet exercice de transparence des plus autorités sénégalaises a carrément rassuré ces investisseurs qui suivent comme du lait sur le feu la situation de ce pays ouest-africain stable et attractif par la grâce de sa récente admission dans le cercle restreint des pays pétroliers et gaziers. Autrement dit, contrairement aux déclarations fracassantes des Cassandres qui inondent la place publique, les magnats de la haute finance voient d’un bon œil cette démarche disruptive de transparence peu adoptée en Afrique. Résultat, le marché international a réagi positivement car les taux d’intérêt sur les eurobonds du Sénégal ont légèrement varié si ́l’on compare les périodes pré et post publication de ce rapport de la cour des comptes qui fait encore l’objet d’échanges passionnés dans les chaumières. Mais il ya de quoi se montrer circonspect lorsque le FMI, gendarme financier par excellence, n’offre pratiquement aucune solution pour éviter un Misreporting à l’avenir. Ce manque de rigueur dans l’analyse nous incite à poser une question qui s’impose forcément dans ce contexte délicat : Le FMI n’était- il pas au courant de cette falsification des chiffres à l’origine des retards de décaissements de cash que vit actuellement le Sénégal ? N’avait- il pas fermé les yeux même après avoir constaté les faux chiffres ? Autant d’interrogations qui doivent turlupiner tout observateur rigoureux et soucieux de l’urgence à voir un consensus poindre à l’horizon afin que la coopération avec le FMI puisse repartir sur des bases assainies et solides.
On se souvient tous de l’affaire Alex Segura même si à sa décharge ce fonctionnaire international avait rejeté les mallettes de Wade.
Juste pour dire que les éléments du FMI, de la Banque mondiale et autres ne sont pas des Saints.
En revanche, lorsqu’on constate qu’un ancien Premier ministre comme Abdoul Mbaye leur tresse des lauriers de » meilleurs experts financiers du monde » on peut valablement se poser des questions sur le degré de vassalisation d’une certaine élite africaine.
Pour autant, ces gens du FMI ne sont pas des philanthropes.Ils sont surtout assez vicieux d’autant qu’ils savent qu’ils tiennent le bon bout pour tenir en laisse ce nouveau régime qui a eu le « toupet » de clamer urbi et orbi son souverainisme alors que son architecture économique atone et extravertie ne lui permet même pas d’atteindre cette ambition. Du moins à court et moyen terme.
Il est évident que de 1960 à nos jours et à l’image des autres Leaders africains, ceux qui ont jusque-là dirigé le Sénégal n’ont jamais réussi à faire accéder le pays à la souveraineté alimentaire. Un problème structurel qui aboutit à un véritable désastre : Aujourd’hui, le Sénégal dépense annuellement 1070 milliards cfa pour importer des produits alimentaires à en croire une récente déclaration du ministre de l’agriculture, la souveraineté alimentaire et l’élevage. Voilà le genre de déficit à corriger et à ériger en surpriorité. Idem pour la souveraineté énergétique dont le processus devrait normalement connaître un coût d’accélérateur à la faveur de l’exploitation du pétrole et du gaz surtout si le gouvernement travaille méthodiquement à faire de la valeur ajoutée en rendant accessibles les produits dérivés. Une manière de réduire forcément les coûts de l’énergie en général et de l’électricité pour les ménages en particulier.
En attendant que tout cet écosystème, sorte de cercle vertueux soit organisé et mis en place, nous sommes au regret de constater qu’il faudrait encore se coltiner ce FMI et ses méthodes douloureuses d’autant que comme le dit l’adage « qui paie commande ». Et le FMI tient le bon bout pour nous mener par le bout du nez. Comme d’habitude et rien de nouveau sous le soleil !
Evidemment, dans ce contexte de manque criant de liquidités, tous les yeux étaient rivés sur le volet financement relativement aux décisions stratégiques fortement attendues de cette importante mission du FMI au Sénégal. Mais l’Institution financière est restée inflexible : Aucun rotin ne sera décaissé avant l’évacuation de ce dossier Misreporting, une véritable patate chaude pour ce gouvernement Sénégalais appelé à proposer hic et nunc des mesures correctrices à même de convaincre le conseil d’administration du FMI.
D’ici juin au plus tôt,période retenue pour un éventuel décaissement, le tandem Diomaye-Sonko devrait se montrer imaginatif pour éviter les effets désastreux de mesures d’ajustement structurel qui ne diront pas leur nom. Pour des raisons de cosmétique communicationnelle, ce gouvernement très porté sur les slogans va sûrement trouver un nom moins chargé mais les 18 millions de Sénégalais seront mis au pain sec le temps d’affronter ces vents contraires inhérents à notre statut peu enviable de pays pauvre endetté mais assez prometteur.
Il est clair que si nous avions réussi à avoir au moins une autonomie alimentaire et énergétique, nous n’aurons jamais l’idée de déléguer notre destin à ce gendarme financier qui fait la pluie et le beau temps dans les pays en développement.