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Transhumance d’Adji Mbergane Kanouté, gros marqueur de la décadence morale prématurée de Pastef (Par Cheikh Yérim Seck)

La transhumance (en jargon politique sénégalais, migration des herbes sèches de l’ancienne coalition au pouvoir vers les prairies désormais vertes de l’actuelle équipe dirigeante) d’Adji Mbergane Kanouté a créé un énorme choc traumatique dans l’opinion. Y compris chez moi qui ai cessé depuis Mathusalem de croire en la sincérité des professionnels de la politique sous nos cieux, mais qui, de loin, admirais cette dame pour ses prises de position courageuses et son opposition tranchée depuis l’arrivée au pouvoir de Pastef.

La déception est à la hauteur du respect qu’inspirait cette femme politique à l’opinion.

Mais, au-delà du travers devenu courant de l’homo politicus senegalensis, cette transhumance-ci en dit long sur ceux qui nous gouvernent depuis le 2 avril 2024.

Du haut du piédestal de la République, en Majesté, Ousmane Sonko himself, homme fort du régime, avait proclamé urbi et orbi: « Que chacun reste là où il était avant le 24 mars 2024. » Avant de jurer sur tous les dieux qu’aucun transhumant ne sera admis au banquet du pouvoir.

Il n’a fallu que huit mois pour que Pastef ravale son vomi. Ce qui, dans l’euphorie de la fraiche arrivée aux affaires, était décrit comme un péché capital, est devenu une pratique quotidienne chez nos nouveaux gouvernants.

Pastef est devenu une machine de recyclage des déchets politiques de l’ancien régime, y compris de personnages épinglés dans des rapports pour fautes de gestion, de cadavres enterrés par de minables scores dans leurs fiefs respectifs aux dernières élections, de carcasses auxquelles il ne reste qu’une notoriété à vendre…

Ce parti autoproclamé « anti-système » s’est transformé, en un temps record, en un dépotoir géant des pires produits du système. Profitards, profiteurs, survivants envers et contre toutes les alternances, les transhumants sont, en effet, le plus répugnant que la démocratie sénégalaise ait produit.

À la mesure de son gros retentissement, la migration d’Adji Mbergane Kanouté marque bruyamment la perte d’âme de Pastef, huit mois seulement après son arrivée au pouvoir.

Ce parti, dans lequel des millions de Sénégalais avaient vu un instrument de modernisation de la société politique, se révèle être une vulgaire escroquerie politique, encore plus enclin aux mauvaises pratiques que les partis traditionnels.

La transhumance d’Adji Mbergane Kanouté est un gros marqueur de la décadence morale prématurée de Pastef.

Cheikh Yérim Seck