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Assises de la Justice : Voici les recommandations formulées par les Commissions

La Commission de réforme de la justice, présidée par le professeur Isaac Yankhoba Ndiaye, a publié, ce mardi 04 juin 2024, les résultats de ses travaux. Ce, une semaine après l’ouverture des assises nationales sur la réforme de la justice. Le rapport lu par le journaliste Bamba Kassé, rapporteur général de ladite commission, a recommandé l’institution d’une Cour constitutionnelle à la place du Conseil constitutionnel qui a récemment été au cœur d’une grosse polémique. Il demande aussi la révision de tous les codes qui régissent le système judiciaire sénégalais.

Par la même occasion, la commission a retenu, à l’unanimité, l’urgence de réduire les pouvoirs du procureur et d’instituer dans la même foulée un juge des libertés. Il a été aussi recommandé de sortir les juges d’instruction de la tutelle du ministère de la Justice.

Par ailleurs, les membres de ladite commission n’ont pas trouvé de consensus sur le maintien ou non du président de la République au sein du Conseil supérieur de la magistrature (CMS). Donc, il incombera au président de la République, Bassirou Diomaye Faye de décider sur ce point.

Voici en quelques points les recommandations :

Principales recommandations de la Commission
La commission Réformes, subdivisée en deux sous-commissions, deux séries de recommandations sont issues des travaux : Des recommandations pour l’amélioration du fonctionnement et de l’organisation de notre justice, ainsi que des recommandations sur la modernisation du mode d’existence et de fonctionnement des acteurs.

De façon très exhaustive, il s’agit d’une synthèse des recommandations transmises par les deux rapporteurs des dites sous commissions (Mor Ndiaye et auprès Samba Diouf). La synthèse des propositions laisse apparaître une série de mesures phares, dont certaines assez urgentes et d’autres qui doivent appeler un approfondissement pour assurer leur mise en œuvre correcte.

Recommandations Phares transversales aux deux sous-commissions
Ces recommandations portent sur :
-La Limitation des pouvoirs du procureur de la République

  • Une plus grande compétence au juge d’Instruction
  • L’instauration d’un juge des libertés et de la détention
    -La mise en place d’une cour constitutionnelle en lieu et place du Conseil
    Constitutionnel
  • Une nouvelle organisation du CSM pour le rendre plus autonome avec des pouvoirs
    élargis pour en faire un organe délibératif et pas seulement consultatif
  • Une Révision des Codes existants (Code Pénal, Code Procédure Pénale, Code
    Procédure Civile, Code de la Famille)
    Un large consensus s’est dégagé autour de deux points. Il s’agit :
  • De la refondation de la justice et la césure à opérer avec ses symboliques
    issues de la colonisation pour qu’elle soit le reflet de nos valeurs propres pour
    qu’elle soit plus souveraine
  • La justice de proximité avec les maisons de la justice qui doivent servir d’option
    aux citoyens en conflit et dont les compétences doivent être élargies
    Cependant, il y a quelques dissonances qui portent sur
  • La présence du Président de la République et du ministre de la justice dans le
    Conseil Supérieur de la Magistrature
  • L’Ouverture de ce Conseil à d’autres corps
    Quelques voix se sont manifestées également contre la réforme visant à instaurer une
    autorité parentale partagée ainsi que la mise en application du protocole de Maputo
    en faveur des femmes victimes d’inceste et de viol (article 305 code pénal).
    A- Recommandations de la sous-commission Fonctionnement et
    organisation de la justice
    La sous-commission organisation et fonctionnement de la justice a organisé ses
    travaux autour de cinq axes, portant sur :
  • Valeurs et perceptions de la justice
  • Accès à la Justice
  • Temps de la justice
  • Réforme des codes
  • Aménagement des peines/régime pénitentiaire
    Les recommandations suivantes en sont issues :
    A-1 Valeurs et Perceptions de la Justice
    Mise en place une commission de révisions des textes qui régissent notre politique pénale. De nouvelles dispositions plus centrées sur l’humain, assurant la garantie des droits des mis en cause sont souhaitées. Revoir ainsi les textes code pénal et code de procédure pénale et les réactualiser en prenant en compte nos valeurs sociétales et ainsi assumer la césure avec la valeur coloniale de ces textes.
    A-2 Pour un meilleur accès à la Justice
  • La digitalisation pour simplifier les procédures. Cette technique permet de réduire les distances, les difficultés liées à l’accueil et l’orientation, et l’accessibilité.
  • Réformer la carte judiciaire et la faire suivre la logique de la carte administrative en mettant en place des tribunaux judiciaires au sein des départements. Le tribunal judiciaire sera composé de Chambres spécialisées selon les spécificités du contentieux.
  • Une meilleure communication par la traduction dans les langues nationales des
    textes disponibles dans des plateformes ainsi que par la mise en place d’une direction de la communication au Ministère de la Justice
  • Adoption du projet de loi et des textes d’application portant sur l’assistance juridictionnelle.
  • Réformer et digitaliser le service d’état civil
    A-3 Pour une Justice plus rapide et opérante
  • Mise en place d’un programme spécial de recrutement des magistrats, des
    greffiers, et autres personnels de la justice. Organisation régulière des
    concours et examens pour les auxiliaires de justice
  • Suppression de la double phase de conciliation dans le contentieux social,
    notamment devant le juge en renforçant les pouvoirs de l’inspecteur du
    travail.
  • Élargissement des compétences des Maisons de justice, et collaboration avec
    les boutiques du droit
  • Réduction du temps de délivrance des décisions de justice et des actes divers
  • Arrêt des ‘’’retours de parquet’’
    A-4 Pour des textes plus adaptés
  • Réactualiser les codes (pénal, de procédures pénales, de procédures civiles, de
    la famille et électoral
  • Réactualiser le code pénal (article 80, article 305-avortement-article 300
  • Limiter les pouvoirs du procureur, en révisant les articles 25, 28 et 139 du Code
    de procédure pénal
  • Code de la famille : Instauration de l’Autorité parentale
  • Extension des compétences des Maisons de justice en matière de conciliation
    sur la matière familiale
  • Suppression des peines accessoires. Aucun pouvoir de déduction, Obligation de
    les faire prononcer ou de ne pas en tenir compte
  • Instauration d’une cour constitutionnelle en lieu et place du Conseil
    Constitutionnel
    A-5 Pour un meilleur aménagement des peines et un meilleur régime
    pénitenciaire.
  • Révision de l’article 44.2 du code pénal : élargir le champ de l’aménagement
    des peines.
  • Adaptation du régime carcéral prenant en compte les besoins spécifiques des
    enfants, des femmes notamment enceintes, des personnes âgées et celles
    handicapées.
  • Élargissement de la carte des prisons en construisant de nouvelles unités y
    compris par des structures privés (PPP)
  • Élargissement de l’usage du port de bracelets électronique, après une révision
    du système de gestion
    B- Recommandations de la sous-commission ’’acteurs de la Justice’’
    La sous-commission ‘’’Acteurs de la justice’’ a comme son appellation le laisse
    suggérer, adressé de manière successive les situations de la Magistrature, du
    Greffe, des Huissiers, des Éducateurs Spécialisés, et des avocats. Cette commission
    a également organisé ses travaux autour des autres personnels de la justice,
    notamment les Interprètes judiciaires, les experts.
    Magistrature :
    CSM : Maintien du Président de la République et sein du CSM en vertu de ses
    prérogatives constitutionnelles de nomination aux emplois civils et militaires.
    Proposition non consensuelle
    CSM : Composition égalitaire entre membres de droits et membres élus et
    élargissement des pouvoirs du CSM en charge exclusive de la gestion de carrières des
    magistrats avec la suppression du pouvoir de proposition du MJ.
    Instauration au sein du CSM, de la procédure de l’appel à candidature pour certains
    postes
    Autonomisation financière, administrative et organique du CSM, doté d’un siège et
    d’un SG.
    Elargissement des pouvoirs de saisine du CSM en matière disciplinaire.
    Également il a été proposé une durée d’exercice géographique pour les magistrats
    dont l’âge de la retraite doit être harmonisé (68 ans), ainsi que la précision de la
    notion de ‘’’nécessité de service
    Parmi les magistrats, le procureur de la République et le juge d’instruction ont retenu
    l’attention
  • Procureur de la République : Réduction de ses pouvoirs
    La demande du mandat de dépôt par ce dernier dans les infractions couvertes par les
    articles (56 à 100 dont article 80, 152 à 155, 255 du code pénal; 139 CPP), qui lie le
    juge d’instruction, doit être réformer
  • Le juge d’instruction doit désormais échapper au MJ
  • Un juge des Libertés et de la détention doit être institué
    La garantie de représentation des justiciables doit être améliorée par une
    modernisation de l’état civil mais aussi du cadastre pour un meilleur adressage
    Le procureur ne doit plus être lié par certains codes, comme le code douanier mais
    doit disposer d’un pouvoir d’appréciation. De même les PV des agents assermentés
    ne doivent plus bénéficier d’une présomption irréfragable de validité.
    Greffe
  • Réformer les articles 72, 227, 386 du CPP qui portent atteinte à la dignité des
    greffiers. Les greffiers avaient demandé l’inclusion explicite dans la
    composition des hautes juridictions (CS, CC)
  • Application du décret de 2018, adoption des projets de décret portant statut
    des greffiers et des administrateurs de greffe avec comme finalité
    l’harmonisation de la catégorisation administrative (B2 à A). Ces projets de
    décrets ont été déjà élaborés par le MJ.
  • Direction des services du greffe au sein du MJ, retraite à 65 ans, redéfinition
    des passerelles pour accéder aux autres fonctions, reconstitution du corps
    des administrateurs de greffe, formation, programme de recrutement et mise
    en place d’une école des métiers du greffe.
  • Les administrateurs de greffe doivent être en charge de la gestion budgétaire
    au sein des cours et tribunaux
    Interprètes judiciaires
  • Programme de recrutement doit être élargi aux interprètes judiciaires dont un
    nombre de 47 est en attente de recrutement. Il est demandé pour ce corps
    l’introduction des interprètes en langue étrangères avec un relèvement de la
    durée de formation ainsi que du niveau de diplômes requis.
  • Des indemnités spéciales, de judicatures et de sujétions doivent être
    accordées à ce corps
    Personnel non judiciaires
    Il s’agit du corps des planificateurs et des gestionnaires : Il est préconisé la
    signature des décrets qui régissent leur statut
    Éducateurs spécialisés
    Pour cette catégorie de personnel les recommandations portent sur la signature du
    projet de décret, le relèvement de leur niveau de recrutement, rendre obligatoire leur
    présence aux cotés du juge pour enfant et prendre en compte leurs remarques sur le
    traitement des cas des mineurs par une procédure allégée et adapté (garde à vue).
    Plusieurs difficultés liées à leur situation économique doivent être réglées par les
    autorités (les indemnités de sujétion et de judicature)
    Huissiers et commissaires-priseurs :
  • Adoption d’une loi portant statut des huissiers de justice et commissaires-
    priseurs, suivi d’une modification du CPP pour y intégrer les garanties
    statutaires ainsi que l’assistance à huissier et modification de la loi organique
    cours suprême pour la prise de parole à la rentrée des cours et tribunaux.
  • Modification du décret portant règlementation des frais de justice en matière
    criminelle, correctionnelle et de simple police et relèvement des tarifs civil et
    commercial.
  • Modifier le CPP portant sur les règles d’encadrement relatives à la procédure
    matérielle d’expulsion et de démolition et à mettre à jour les règles de
    signification ;
    D’autres recommandations pour la dotation d’un siège, et l’intégration dans
    l’organigramme du MJ sont notées.
    Fusion des corps des huissiers et commissaires priseurs :
  • Projet de décret portant extension des compétences ;
  • Recrutement suffisant d’huissiers et commissaires priseurs ;
  • Encadrement des procédures d’expulsion ;
  • Organisation régulière des examens et concours des ordres ;
  • Institutionnalisation d’une Journée du Patrimoine ;
  • Nommer par décret les Chefs de centre pour les archivistes.
    Ordre des experts
  • créer un siège
  • accès l’aide juridictionnel ;
  • délimitation des attributions ;
  • privilège de juridiction ;
  • élargissement des compétences ;
  • suppression de la déclaration de soupçon ;
  • création d’un Fonds de Garantie ;
  • organisation régulière des concours des notaires ;
  • décentraliser des charges dans les départements ;
  • regroupement des notaires ;
  • harmonisation de l’âge de la retraite des ordres.
    Avocats
  • Ouverture de la profession d’avocats – – Recrutement sur titre pour les
    Docteurs en droit
  • Recrutement suffisant d’avocats, mise en place de la CAPA et création école
    des avocats
  • Harmonisation de la profession d’avocats conformément au règlement n°5
    l’UEMOA ;
  • Rendre effectif le contrôle
  • Liberté d’établissement d’un cabinet d’avocats avec le règlement précité ;
    L’Administration pénitentiaire
    L’administration pénitentaire est en attente de l’adoption plusieurs dispositions d’ordre
    légal et règlementaire. Le statut de son personnel tarde à être clarifié.
    Il s’agit de :
  • L’adoption du projet de loi portant statut du personnel et ses décrets
    d’application
  • L’adoption et la signature des textes réglementaires d’application sur
    la création de la Direction générale de l’Administration pénitentiaire,
    ainsi que les arrêtés subconséquents
  • L’élaboration d’un Code pénitentiaire.
    Pour ce qui est des procédures d’exécution et d’aménagement des sanctions pénale,
    le rattachement et la coordination du centre de surveillance électronique, des décrets
    sont attendus.
    Il est également convenu que l’administration pénitentaire fasse l’objet de son
    intégration au conseil national de sécurité et à la communauté du renseignement
    Pour une meilleure efficacité, il est également retenu que l’administration péntentaire
    dispose d’un plan de modernisation, de construction de complexes pénitenciaire, que
    la poursuite du programme de modernisation de la justice en ce qui concerne le camp
    pénal de Sebikotane soit effective.
  • Le relèvement de l’indemnité journalière, l’équipement des infirmeries, la construction
    d’unités hospitalières sécurisées, la mise à disposition de médecins et de spécialistes
    des questions psychiatrique sont également une très forte recommandation.
    Telle est l’économie du rapport de synthèse des travaux de la Commission Réformes.