LA CHRONIQUE DE MLD: Sonko à la fois charismatique et controversé…Par Mamadou Lamine DIATTA
« Le pouvoir doit se définir par la possibilité d’en abuser ».
André Malraux
Sonkophobie ou Sonkomania ? A vous de choisir ! Toujours est-il que l’actuel Premier ministre du Sénégal Ousmane Sonko reste à la fois un dirigeant charismatique, clivant et controversé. Dans l’histoire politique du Sénégal, jamais un Premier ministre n’aura suscité autant de ferveur, d’attention et de passion autour de lui. Un vieil adage enseigne qu’un véritable homme politique, c’est celui qui fait toujours parler de lui. En bien ou en mal car cela prouve simplement son existence, disons la réalité de son impact considérable sur ses contemporains.
L’air de rien, le chef du gouvernement casse les codes, bouleverse les habitudes et dérange. Au détour de notre traditionnelle revue de presse, un Quotidien de la place lance tout de go : « Sonko arrache la diplomatie à Diomaye ».Le canard reproche à Sonko ses sorties sur la politique extérieure du pays et les audiences qu’il accorde à des diplomates étrangers accrédités au Sénégal. Cette diatribe est juste un échantillon de ce que beaucoup reprochent présentement à Sonko.
Avec le recul, on peut dire que c’est le propre des Leaders populaires de générer dans leur sillage un sentiment d’amour-haine dans le style je t’aime moi non plus pour paraphraser le regretté Serge Gainsbourg ;
Il est clair que la configuration inédite de l’organigramme institutionnel fait automatiquement d’Ousmane Sonko la cible désignée de tous les contempteurs du régime surtout qu’il a dû lire entre les lignes André Malraux qui soutenait avec malice : » Le pouvoir doit se définir par la possibilité d’en abuser. »
Tout le contraire du Président Bassirou Diomaye Faye le veinard, un peu peinard de ce point de vue mais pas pantouflard pour un sou d’autant qu’il a fini d’habiter sa nouvelle fonction par la grâce d’une activité diplomatique stratégique et probante en direction des pays limitrophes. L’idée c’est que l’axe de communication d’une bonne frange de l’opinion dépeint le Chef de l’Etat comme un homme de paix, poli et bien sous tous rapports.
Cela peut se comprendre aisément car les deux dirigeants n’ont pas le même tempérament. Autant Sonko avec son langage fleuri est un tantinet sanguin, percutant, expansif,haut en couleurs , autant le Président Faye reste un introverti qui abhorre visiblement les fastes d’une fonction qui expose naturellement celui qui l’exerce. Il s’agit clairement de deux personnalités et profils complémentaires. Ce qui pourrait être transformé en atout au profit de la République si bien sûr tout le monde joue le jeu à la régulière et à la loyale.
Autant préciser alors que cette idée de dualité au sommet de l’Etat véhiculée ici et là est tout simplement saugrenue car relevant d’un mauvais procès. Non, il s’agit plutôt d’un tandem que la récente histoire politique du pays a pratiquement actée et imposée.
Autrement dit, l’électorat était quelque part contraint et forcé.
Le Président Bassirou Diomaye Faye est –il un monarque qui règne se contentant d’inaugurer les chrysanthèmes ? Ousmane Sonko est-il un Premier ministre fort exerçant trop de pouvoirs ?
Qu’est ce qui nous empêche de faire preuve de bonne foi pour interroger le contexte ayant présidé à leur prise du pouvoir ?
Qui a imposé ce tandem aux Sénégalais ? Dans quelles conditions et avec quelles astuces politiciennes ?
Disons-le tout net, Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko ne font que s’adapter à une situation qui leur est imposée en faisant preuve d’un sens de l’adaptation et de la résilience pour faire face aux vents contraires.
Par ailleurs, plusieurs voix soutiennent à tort ou à raison que Sonko est un populiste invétéré.
Il est évident que le Premier ministre gagnerait à faire sienne la célèbre maxime du placide Président Léopold Sedar Senghor sur l’organisation et la méthode. L’homme semble un peu spontané pour ne pas dire informel sur les bords du moins dans sa démarche.Des réflexes acquis sans doute au plus fort d’une violente opposition contre Macky Sall. Le contexte de cette récente actualité explique aisément sa posture d’alors. Maintenant qu’il a fini d’acquérir de haute lutte une dimension d’homme d’Etat, il devrait songer à se départir de ses vieilles habitudes. D’abord, avec moins de communication grandeur nature. Trop de communication tue la communication ! Cela l’aidera d’ailleurs à mieux se concentrer sur les chantiers titanesques de la rectification et de la rupture.
L’autre avantage serait par ricochet de faire place nette à ses seconds couteaux qui auront ainsi la tâche de revêtir le bleu de chauffe pour ferrailler avec l’opposition et les nombreux contempteurs – détracteurs du régime.
La réception de Jean Luc Mélenchon à l’université Cheikh Anta Diop sur un air de meeting politique reste encore fraîche dans les mémoires. Dans une telle ambiance, ça va toujours dans tous les sens…
Et puis l’opportunité de la visite de Mélenchon reste assez discutable. Que gagne le Sénégal, du moins ceux qui l’incarnent actuellement dans la réception en grande pompe de ce personnage aux idées aussi clivantes que la fameuse problématique des Lgbt en général, de l’homosexualité en particulier?
Il est évident qu’en termes d’image et de positionnement de notre pays à l’international, nous n’avons pratiquement rien gagné. Au contraire.
Mieux ou pis( c’est selon),le pays s’est plutôt retrouvé avec une polémique du tonnerre d’autant que Sonko a donné le bâton à ses détracteurs qui n’ont pas raté l’occasion d’installer une discussion stérile sur l’affaire au point de mobiliser la presse, le ban et l’arrière –ban .
Or, c’est quasiment l’image de l’accessoire au détriment de l’essentiel qui est ainsi projetée car des sujets vitaux comme la souveraineté alimentaire, l’accueil et le plateau médical dans les structures sanitaires ou encore l’accès à l’eau potable, l’énergie, les infrastructures structurantes et la mobilité urbaine méritent assurément une meilleure prise en charge et un meilleur traitement.
In fine, la troisième alternance politique à la sénégalaise charrie énormément d’espoirs avec à la clé des attentes quasi irrationnelles pour paraphraser le brillant historien Mamadou DIOUF. L’urgence serait de ne pas trop s’enflammer afin de s’adapter aux dures réalités de la machine économique internationale.
Une invite qui reste valable aussi bien pour les nouveaux dirigeants du pays que pour le citoyen lambda. Une telle attitude nous serait d’un apport capital dans le processus délicat de transformation structurelle du pays.