Putsch en Afrique : « Le Sénégal pourrait tomber », selon un ex agent secret français
Pour Vincent Crouzet, ancien de la DGSE, les derniers putschs pourraient entraîner un délitement de l’Etat extrêmement dangereux.
Ancien collaborateur de la DGSE, spécialiste de l’Afrique, ex-conseiller auprès du Secrétaire d’État au Commerce extérieur, et auteur de romans d’espionnage, Vincent Crouzet analyse les récents putschs au Niger et au Gabon. Un délitement de l’Etat dans ses pays serait « extrêmement dangereux », avertit ce bon connaisseur du continent, qui redoute un effet de contagion ailleurs
Il craint que cette « épidémie » de putschs ne s’étende à d’autres pays comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire. « Les militaires gabonais ont malheureusement pris exemple sur ce qui s’est passé au cours des dernières années en Guinée, au Mali, au Burkina Faso et tout récemment au Niger. A partir du moment où personne n’a été capable de mettre un arrêt ferme et définitif à ces coups d’Etat, le risque s’est diffusé ailleurs. C’est un très mauvais signal envoyé. Et d’autres pays pourraient suivre…Il est tout à fait normal que l’ère Bongo se termine un jour ou l’autre. Mais cela ne peut raisonnablement pas se terminer par un coup d’Etat. Après le Niger et le Gabon, si l’on rentre dans cette logique, le Sénégal pourrait tomber demain, puis la Côte d’Ivoire » a déclaré l’ex-agent des renseignements français.
Il ajoute que la France perd pied sur le continent. « Il faudrait avoir la volonté politique de renverser la tendance. Je suis très sceptique sur les racines du sentiment anti-français. Je crois qu’il est en partie véhiculé par les élites panafricaines et qu’il ne répond pas à quelque chose de réel, au sein des populations, en Afrique sahélienne. »
La raison numéro un de ces coups d’EtatPour Vincent Crouzet, l’une des raisons principales des coups d’Etat en Afrique, « c’est la foire aux vanités et à la prévarication au sein des élites militaires, et le fait que nous ne sommes plus introduits dans les gardes présidentielles. Avant, la France disposait toujours de relais au cœur du palais, qui pouvaient fournir des informations et prévenir. Aujourd’hui, nous n’en avons plus, parce que nous avons peur d’être montrés du doigt. Mais cela va peut-être nous coûter cher. »
Le problème, à présent, c’est qu’on ne peut pas gérer à la fois les crises au Mali, au Niger, au Gabon, et peut-être, demain, au Sénégal. Nous n’en avons plus les capacités en matière d’effectifs et de moyens dans le renseignement et les armées. D’autant que nous sommes toujours engagés dans les opérations anti-djihadistes en Syrie et en Irak », dit-il.