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Exit Bongo : la faillite des élites politiques africaines. Par Mamadou Lamine DIATTA

Ce qui se passe au Gabon doit interpeller le milliard et demi d’Africains…


Il faut éviter de s’en réjouir d’autant que cet Etat d’Afrique centrale est loin d’être un cas isolé … Depuis 2020, pas moins de 6 putschs ont été enregistrés principalement en Afrique francophone au Mali, au Tchad, en Guinée, au Burkina, au Niger et au Gabon…Une véritable épidémie de pronunciamientos qui en dit long sur la fragilité de nos processus démocratiques.


Il faut avoir la lucidité de ne pas faire dans la généralisation hâtive pour reconnaître que les contextes diffèrent selon qu’il s’agisse d’un pays ou d’un autre même si le dénominateur commun reste cette absence chronique d’une culture de gouvernance inclusive, d’anticipation et de prospective dans ces jeunes Etats du continent.
Ceux qui font office de dirigeants manquent cruellement de générosité et d’ambition pour leurs pays. En Afrique, il y a des questions qui fâchent et qui peuvent soulever un incident diplomatique mais on constate ce déficit chronique de Leadership dans la conduite des affaires publiques.


Sinon comment analyser ces images apocalyptiques de milliards de francs cfa retrouvés aux mains des dignitaires du régime Ali Bongo circulant depuis quelques jours sur la toile. C’est à croire qu’ils sont tous adeptes de cette thésaurisation de nature à mettre les économies africaines à genoux d’autant que l’argent qui n’est pas introduit dans le circuit bancaire conventionnel ne sert pas à grand’chose.

Ces sommes colossales auraient pu servir à apporter une fraîcheur et une vitalité aux sempiternelles problématiques liées à la sécurité alimentaire, la santé, l’énergie, l’emploi des jeunes, l’adduction d’eau, la formation technique et professionnelle.


Il ya un décalage irréel entre les pratiques des dirigeants africains et ces peuples pourtant censés être leur employeur…
Dans le cas précis du Gabon, lorsqu’un putsch est pratiquement accueilli dans une liesse populaire telle une libération, il y a problème quelque part. L’attitude du peuple est pourtant confortée par la profonde pensée de Raymond Aron :  » Le choix en politique n’est pas entre le bien et le mal mais entre le préférable et le détestable « 


55 ans de règne sans partage de la famille Bongo (Père puis fils) n’ont sûrement pas laissé assez de bons souvenirs en termes d’impact dans le vécu quotidien des populations et de bien-être collectif malgré l’énorme manne financière drainée par le pétrole pour une population peu nombreuse d’à peine 2 millions d’habitants. Ces dirigeants peu inspirés n’avaient pas assimilé cette leçon de l’ancien Président Français, François Mitterrand qui disait : « La pire erreur n’est pas dans l’échec mais dans l’incapacité de dominer l’échec »


Dans ce continent, les 54 pays présentent pratiquement les mêmes symptômes d’un grand corps malade. Tout est prioritaire, tout est urgent aussi ! C’est la raison pour laquelle il ne faut pas se moquer d’Ali Bongo suite à son appel international à faire le maximum de bruits. Le désormais ancien Président du Gabon reste un spécimen du dirigeant africain du troisième millénaire. Autrement dit, il n y a vraiment pas de quoi pavoiser.


Ce qui en dit long sur cette faillite des élites politiques africaines, porte ouverte à des dérives comme la propension des militaires à user de subterfuges et d’arguments cousus de fil blanc pour imposer l’ordre kaki dans nos espaces de vie. Surtout que les armées africaines parfois fortement politisées ont aussi besoin de réformes hardies.


Dans cette vie d’ici-bas, tout est lié et les officiers ne font que s’engouffrer dans une brèche creusée par les politiciens professionnels .Il n’est même pas possible de faire une dichotomie entre les putschs militaires et les coups d’états institutionnels ; en vérité les deux faces d’une même pièce…


Même en dehors des cercles traditionnels du pouvoir, nous parlons souvent en démocrates et nous agissons en monarques y compris dans nos familles, cellules sociales de base.
La tutelle par trop pesante de la France achève de jeter un cocktail explosif en Afrique. Une situation aux antipodes de cet « Indirect Rule » appliqué par les Anglais dans leurs anciennes colonies.