DEMBA KANDJI A L’AUDIENCE DE KHALIFA SALL ET CIE «Qu’on ne prenne pas la Cour pour un punching-ball ou un guignol»
le premier président près la Cour d’appel de Dakar, Demba Kandji, n’a laissé aucun quartier aux conseils de Khalifa sall et Cie, qui souhaitaient un renvoi jusqu’en novembre. Finalement, l’affaire a été renvoyée pour débats et plaidoiries le 9 juillet 2018.
Le dossier lui paraît en état d’être retenu, les prévenus étant présents, a dit d’emblée le Premier Président près la Cour d’appel de Dakar, Demba Kandji, après avoir appelé à la barre les prévenus Khalifa Sall, Mbaye Touré, Yaya Bodian (en détention) et Yatma Diaw, Ibrahima Touré, Mamadou Oumar Bocoum, Fatou Traoré, Amadou Makhtar Diop (libres). C’était dans la matinée d’hier, mardi 5 juin 2018, devant la cour d’appel, en audience spéciale, dans le cadre de l’affaire de la caisse d’avance de la Mairie de Dakar. Pour rappel, Khalifa Sall a été condamné à cinq ans de prison, une condamnation assortie d’une amende de 5 millions de Fcfa, pour un détournement d’1,8 milliard de Fcfa de la Caisse d’avance de la Mairie de Dakar. Citant l’article 500 du Code de procédure pénal (Cpp), Me François Sarr de la défense estime que l’affaire n’est pas en état, des
avocats n’ayant pas reçu d’avis concernant cette audience. La seule présence de l’avocat ne couvrre pas cette irrégularité qui doit être régularisée par le parquet général.
Le Président, qui signale que ce n’est pas le lieu de faire de la polémique, donne la parole à Me Ciré Clédor Ly de la défense qui constate qu’il y a beaucoup d’avocats absents, parmi lesquels ceux du Mali, de la France, du Cameroun, du Bénin.
Me Alioune Cissé, toujours de la défense, note l’omission de Me Wagane Faye qui a adressé un courrier à la Cour, qu’il brandit. Le Président rétorque qu’il a un bureau et une greffe, et qu’il ne reçoit pas de courrier à l’au- dience.
Le Procureur Général près la Cour d’appel de Dakar, Lansana Diaby, relève qu’un avocat a souligné que les règles édictées par le Tribunal régional ne sont pas respectées. «Il faut qu’on dise quelles sont ces règles. Il suffit d’appeler les prévenus et de leur dire quels sont les avocats constitués. Il y aurait eu faute, si l’on n’avait pas convoqué les prévenus, or tel n’est le cas», souligne le Parquet général.
Me Ousseynou Gaye, qui agit pour la Ville de Dakar, intervient au
sujet des nombreux témoins qui ont comparu en première instance et juge impérieux, pour la manifestation de la vérité, qu’ils comparaissent. Il demande une autre date pour un procès équitable. Si Me Gaye a une liste de témoins, il peut la transmettre, suggère le Président.
Pour le Procureur, l’appréciation de l’audition des témoins sera de la libre appréciation du Président. Ce dernier répond que pour une bonne administration de la justice, il ne lui paraît pas opportun de citer un avocat qui est hors du territoire national, mais il est disposé à convenir d’une date pour engager les débats.
Me François Sarr insiste. Puisque le Procureur général demande quelles sont les règles, il cite l’article 174 du Cpp qui dit que, lorsqu’il s’agit d’une affaire renvoyér devant une audience, les conseils doivent être avisés de la date. En l’espèce, ils ont été informés par la presse. Il ne demande pas un renvoi mais la régularisation de la procédure. Jusqu’à ce qu’un avocat qui était en premiére instance se désiste, il est dans la procédure ; donc le ministere public devait donner un avis d’audience à tout le monde.
Me FranÇois sarr : «D’ailleurs, Vous n’avez pas le
Dossier sur Votre table»
Me Baboucar Cissé, pour l’Etat du Sénégal, rappelle qu’ils sont devant la Cour d’appel, et les constitutions ne sont pas notées. Et ceux qui sont en première instance, ne le sont pas forcément en seconde instance. «De l’autre côté, on a fait une mauvaise lecture de l’article 174. La cour d’appel est saisie sur un jugement. La demande formulée par Me François Sarr ne peut pas prospérer. C’est un faux débat. Je demande à la cour de l’écarter et je confirme ma constitution pour l’Etat du Sénégal».
Dès lors qu’il est à l’audience, l’avocat n’a pas besoin d’avis, relève Me Yérim Thiam, pour l’Etat du Sénégal.
Me Amadou Aly Kane de la défense soutient que tout doit être rejugé. Pour lui, dire que la cour d’appel peut statuer sur pièce est insensé. Il rappelle le pacte international sur les droits civils et politiques. Et parmi ces normes, il y a le droit pour un prévenu de dire s’il est prêt ou pas.
Citant l’article 500 du Cpp, Me Ciré Clédor Ly soutient que les règles de la première instance sont applicables devant la Cour d’appel. Toute personne jugée et condamnée a la possibilité de voir la procédure reprise. Il demande un délai de deux mois.
Me Papa Moussa Felix Sow, pour l’Etat du Sénégal, cite l’article 493 du Cpp et conclut que devant la Cour d’appel, les avocats doivent se constituer parce qu’il n’est pas évident que ce sont ceux de la premie instance.
Le Procureur général ne veut pas s’engager dans un «débat et un cercle vicieux». Les pactes internationaux des droits de l’homme considèrent que, du moment où il y a le contradictoire, avec présence d’avocat, la loi est respect. Que l’affaire vienne pour la première fois devant la Cour et qu’on demande un renvoi pour se préparer, il le comprend.
Me Sarr, qui ne lâche pas le morcez, réplique : «L’article 493 s’applique à des conditions et concerne les prévenus en dehors de la région du Cap-Vert. On doit reprendre dans les mêmes conditiond qu’en première instance». Le Président constate que la défense est présente et s’appuie sur cela pour dire que l’affaire est en état, mais il accepte de différer l’ouverture des débats à une date qui peut être convenue. «Nous n’avons pas à citer des avocats qui sont à l’étranger. L’article 500 ne s’applique pas. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, nous retenons ».
Me Sarr reprend la parole pour dire que, «si l’affaire est jugée aujourd’hui, ce ne serait pas œuvre de bonne justice ; d’ailleurs, vous n’avez pas le dossier sur votre table».
«SI J’EN SURPREDS UN ENTAIN DE VOCIFÉRER,
Je L’ARRÊTE POUR D’AUDIENCE»
Le Président Kandji, concède qu’il est dans les traditions de convenir d’une autre date, à la première comparution, mais il veut que cela se passe dans la discipline. Me Mbaye Sène relève: «votre cour a des dossiers depuis 2 ans qu’elle n’a pas jugés… ».
Le Président le coupe net : « je n’entre pas dans ces débats, il ne faut pas déplacer le débat, ce que la cour a comme affaire ne me concerne pas, c’est un débat politicien, mon prétoire ne se prête pas à ce jeu, le débat politicien ne m’engage pas ».
Me Mbaye Sène rétorque qu’il n’est pas politicien, et que des prévenus n’ont reçu leur convoca- tion que quelques jours auparavant.
«Pourquoi vous insistez ? J’accepte le renvoi. Je ne saisis pas votre discours», dit le Président
« Parce que vous ne le voulez pas», réplique Me Sène.
«Quelle date ? Je n’aimerais pas que l’on prenne la cour comme un punching-ball ou comme un guignol. C’est un débat politicien ». Constatant que le public désap- prouve par des murmures, il avertit : « Si j’en surprends un en train de vociférer, je l’arrête pour trou- ble d’audience ».
Me Gaye demande une suspension d’audience pour permettre aux parties de se concerter. Niet du Président qui dit être concerné, donc que les avocats se concertent devant lui.
Me Borso Pouye, avocate de Fatou Traoré, demande une suspension d’audience de 10 minutes, Me Ibrahima Diaw, pour la Ville de Dakar, sollicite un renvoi jusqu’à fin novembre. Me Khassimou Touré, constitué pour Khalifa Sall, Mbaye Touré et les autres, demande une audience en fin novembre, ou dans 3 mois au moins pour qu’ils puissent s’im- prégner du dossier.
«Puisque les demandes ne paraissent pas raisonnables, nous demandons que l’affaire soit retenue», dit Me Yérim Thiam.
Le Procureur général pense aussi que trois mois, c’est trop long, un mois suffirait pour permettre à chacun de se préparer.
Pour finir, le Président Demba Kandji conclut que l’affaire est en état d’être jugée, mais compte tenu des arguments de la défense, il renvoie au 9 juillet, en audience spéciale pour les débats et les plaidoiries.
( Toutinfo.net )