DES PROFILS TAILLÉS POUR LA CONFRONTATION
Le chef de l’État s’est entouré d’une équipe de choc, taillée à la fois pour prendre à bras-le-corps les défis socioéconomiques du pays et répondre à l’opposition. Mais elle pourrait aussi servir à gagner d’autres combats à venir
Le chef de l’Etat s’est entouré d’une équipe de choc, taillée pour aussi bien prendre à bras-le-corps les défis sociaux et économiques qui secouent le pays, que répondre à l’opposition. Mais elle pourrait aussi servir à gagner d’autres combats à venir.
Un gouvernement de combat, a dit le Premier ministre Amadou Ba. On peut présumer qu’il pensait aux défis sociaux et économiques auxquels le pays fait face à l’heure actuelle, et qui sont très réels. Le président de la République lui-même a eu à en parler la veille de la nomination de son chef de gouvernement, en lui dressant le tableau de ses priorités. Si la cherté des produits de première nécessité affecte toutes les couches de la société, les problèmes d’inondations de certains quartiers de la capitale, comme de certaines autres localités du pays, ont donné, aux yeux de certains opposants et d’une partie de l’opinion, un sentiment d’amateurisme de la part des pouvoirs publics ; surtout quand les gens ressassent les énormes montants qui ont été consacrés à ce problème depuis le début du régime de Macky Sall.
Tous ces combats ne seront pas oubliés, ils seront même pris à bras-le-corps. Car en vérité, ils font partie des séquences de la grande bataille qui se prépare. Et que cette équipe a pour mission d’aider à remporter.
Beaucoup d’observateurs et de «prédicateurs» des réseaux sociaux prédisaient un gouvernement de rupture, mettant en avant le besoin pour le président, de rebondir après deux revers électoraux, notamment aux Locales en janvier 2022, et aux Législatives du 31 juillet de la même année. Le Président Macky Sall a tenu compte de ces éléments, il a surtout également tenu compte de la nécessité de reprendre la main dans les domaines où il s’est retrouvé en faiblesse, tout en renforçant ses points forts.
Ainsi d’abord, le retour de Amadou Ba est le signe que le combat pour la reconquête de Dakar est loin d’être terminé. Avec son fort quotient d’électeurs, la capitale ne peut pas être passée par pertes et profits par le pouvoir. Et qui mieux que celui qui y avait remporté les Législatives de 2017 et assuré les résultats du référendum de l’année précédente dans la capitale, était mieux placé pour mener ce combat ? D’autant plus que son leadership dans la plus grande commune de Dakar, celle des Parcelles Assainies, est de moins en moins contesté ?
Devenu Premier ministre, Amadou Ba est aujourd’hui encore mieux armé pour lancer dans la bataille de Dakar, ses meilleures forces, auxquelles vont se joindre d’autres troupes fournies par les autres leaders.
Le retour au gouvernement d’un Mame Mbaye Niang, dans un gouvernement dirigé par celui dont il avait cru pouvoir faire un rival politique, le maintien de Victorine Ndèye et de Moustapha Diop, malgré leur échec dans la conquête d’un fauteuil de député, les retours de Ismaïla Madior Fall et de Abdou Karim Fofana, ne peuvent s’expliquer que par la volonté de renforcer une gouvernance qui sera de plus en plus chahutée par une opposition à qui ses gains au sein de l’Assemblée nationale ont ouvert l’appétit. Le chef de l’Etat a longtemps souffert de manquer de débatteurs capables de monter au créneau pour défendre sa politique et expliquer sa démarche aux Séné¬galais. Il trouve aujourd’hui des orateurs éloquents, doublés de travailleurs consciencieux.
On a vu que lors des difficultés qui ont entouré la gestion du viol présumé de Ousmane Sonko, le Président s’est retrouvé seul au front, avec son ministre de l’Intérieur, Antoine Félix Diome. Beaucoup de caciques étaient aux abonnés absents. De même, quand il a fallu aller au combat pour les élections locales et législatives, seuls ceux qui étaient investis ont tant soit peu «mouillé le maillot». Ce genre de comportement risque de ne pas se reproduire avec les nouvelles têtes qui vont orner la table du Conseil des ministres.
Ce n’est pas Doudou Ka ou Aliou Sow qui pourraient avoir peur d’affronter Ousmane Sonko au cours d’un débat. Pape Malick Ndour non plus n’est pas mauvais à cet exercice. D’ailleurs, vu la nouvelle propension du leader de Pastef à tenir des monologues filmés, il n’est pas sûr que les spectateurs sénégalais assistent à un débat entre politiciens dans un avenir proche.
Et s’il s’agit de défendre le cadrage budgétaire ou la gestion économique du pays, on pourrait trouver difficilement un expert pour contester les chiffres que présenterait Mous¬tapha «Bosquier» Ba. Depuis de longues années, avant même d’occuper la Direction générale du budget, il était à la manœuvre pour dresser le Tableau des opérations financières de l’Etat du Séné¬gal. Macky Sall et Ama¬dou Ba ont seulement fini par officialiser une situation de fait.
C’est dire que s’il ne manque pas de «canards boiteux», le nouvel attelage ministériel est néanmoins équipé pour résister aux vents de l’adversité. Secondé par ailleurs par le véritable «gouvernement du Pa¬lais» dont Macky a tenu à s’entourer avec Moustapha Niasse, Mahmout Saleh, Abdoulaye Daouda Diallo et Yoro Dia, il a une armure que pourraient difficilement ébranler les critiques politiciennes. Macky a vraiment un gouvernement de combat, mais pas de n’importe quel combat.
Car cette équipe a bien trop fière allure pour se contenter de gérer les affaires courantes jusqu’à la fin du mandat du Président. En vérité, Macky Sall s’est entouré d’hommes et de femmes qui lui permettraient de briguer, et de remporter un autre mandat présidentiel. Mais la question est –toujours- de savoir s’il a vraiment envie de tenter l’aventure.