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CHRONIQUE DE MAME GOR NGOM : Leçons de Mouridie…

A Touba, on se donne à fond en donnant. L’homme qui y sera encore célébré ce jeudi 15 septembre 2022 est un exemple de générosité. Il a tout donné pour le triomphe de la parole de Dieu, pour le triomphe des idéaux humanistes qui transcendent les petites coteries tout en gardant une réelle authenticité. « Fais que mon retour au pays (natal) soit une félicité pour tous. Épargne-nous du jour où tu réunis les gens pour les conduire en enfer. Accorde-moi en ce jour, quelque chose qui ne se séparera plus de moi, un bonheur constant dans les deux demeures », écrit Cheikh Ahmadou Bamba dans « Walaqad Karramna Bannî Âdama ». A Touba et partout ailleurs, si les cœurs emplis de joie, de reconnaissance, contiennent difficilement les fortes émotions, c’est qu’ils ont le sentiment très partagé que l’homme au légendaire boubou blanc, s’est sacrifié pour eux dans une mission périlleuse. Son arme : sa foi inébranlable. Sa vie fut foi. De la bonté, des conseils avisés pour des comportements exemplaires. « Dans ses sermons, ses lettres…il avertissait ses disciples solennellement et souvent contre la médisance et la calomnie. À ce propos je l’entendis dire: «L’honneur des prophètes, des saints et des ulémas pratiquants, est empoisonné. En effet, tenir à leur égard des propos défavorables ressemble à avaler du poison le plus violent ». Il répétait souvent ces deux hadiths : « Le vrai musulman est celui qui évite aux musulmans sa médisance et sa malfaisance » et « Que celui qui croit en Dieu et au Jour Dernier dise du bien, sinon qu’il se taise ». Quand la teneur de la parole d’un interlocuteur tendait vers la médisance et la calomnie, il l’interdisait immédiatement », témoigne Serigne Bassirou Mbacké, fils de Serigne Touba, père de Cheikh Mountakha, le Khalife actuel. C’est dans son livre « Les Bienfaits de l’Eternel ou la Biographie de Cheikh Ahmadou Bamba ».
Si Khadim Rassoul est tant aimé, tant vénéré, c’est parce qu’il est, à en point douter, l’exemple d’un esprit engagé qui a triomphé devant la toute-puissance d’une administration coloniale impitoyable. « Ils m’ont conseillé : « Vas t’agenouiller auprès des détenteurs du pouvoir (rois) et tu obtiendras des récompenses qui t’enrichiront pour toute la vie ». J’ai répondu : « je compte sur mon seigneur, je me contente de lui ; je ne désire rien d’autre que le savoir et la religion. » (Khaalu Liyarkann). Serigne Touba nous a montré que la foi peut soulever des montagnes.
De la dévotion et des actes
Si à Touba, on prie, on pleure, on tombe en transes, on récite le Saint Coran, on psalmodie les xassidas, c’est pour rendre grâce et témoigner de son amour pour l’homme qui a demandé à tous ses fidèles, à tous les musulmans de multiplier les actions de grâce à l’endroit de son Seigneur et de son Prophète qu’il a toujours servi avec abnégation. « J’ai acquis la pureté de l’âme par ma qualité d’esclave de mon Seigneur et de serviteur du Prophète, et grâce à Lui, le Régisseur a purifié ma vie et ma demeure. J’ai l’intention de rendre grâce de ce dont je suis privilégié, par le service du meilleur des humains. Qu’il est Bon, le Modèle Désigné ! » (Moukhadimaat).
De la dévotion certes mais aussi et surtout des actes adossés à de fortes convictions. C’est l’origine de la réussite de Bamba et du Mouridisme. Mame Cheikh Ibrahima Fall en est l’illustration éloquente. Serigne Moussa Ka nous l’a dit: « Am ngay ngërëm ba am dërëm Fab nga dërëm njënde ngërëm » (Tu as l’agrément, et tu as de la fortune. Tu as échangé la fortune contre l’agrément).
Serigne Fallou Mbacké l’a bien compris. Il a donné au plus grand minaret de la Grande Mosquée de Touba le nom de Lamp Fall, le travailleur infatigable. Cette mosquée n’était pas encore construite, quand Cheikh Ahmadou Bamba priait pour ceux qui allaient la bâtir : « Absous les volontaires qui ont bâti l’édifice si élevé de ma demeure la cité bénite de Touba, de leurs péchés du passé et de l’avenir. Absous tous ceux qui avaient la charge de l’ordonnance des travaux de l’édifice, de leurs péchés… »
Son poème Mathlaboul Fawzeyni écrit au moment où Touba était encore un petit village, représente ainsi tout un programme. Auparavant, il avait demandé à son Seigneur de faire de son cœur « une terre pure et fertile d’où sortiront « des fruits par Ta Permission ».
La décision de construire la mosquée a été prise en 1926. Le Cheikh a quitté ce monde en 1927, après avoir accompli sa mission. La fondation immatérielle était déjà solide. Cheikh Mouhamadou Moustapha, son fils et successeur maintient la barre haut, s’investit et démarre les travaux le 4 mars 1932, en dépit du contexte mondial difficile de l’époque magistralement chanté par Serigne Moussa Ka dans  » Xarnubi ». Le transport de la logistique était une des principales préoccupations si l’on sait que le train s’arrêtait à Diourbel. Un problème vite résolu avec la construction de la voie ferroviaire de Diourbel à Touba longue de 45 kilomètres au prix de sacrifices énormes des fidèles. Le premier Khalife général des Mourides a suivi le chemin déjà tracé. Tous les autres ont joué leur rôle. De Mouhamadou Moustapha à Mouhamadou Mountakha.
Le talibé qui vient à Touba, en Mouridie, donne en pleurant de joie et d’un sentiment de satisfaction particulier. Nous sommes convaincus que ce que nous recevons, ce qu’on a déjà reçu, vaut mille fois mieux que ce que l’on a donné. Ce sera ainsi. Toujours ainsi…