LA CHRONIQUE DE MLD -Sonko, la Casamance et nous : Une communication désastreuse !
« Macky Sall a un problème avec la Casamance et les Casamançais… »
Ces propos d’Ousmane Sonko actuel Leader de l’opposition ont enflammé la toile et mis en lumière le populisme ambiant qui empeste l’atmosphère politique au sein de l’opposition et même du pouvoir.
Là, il s’agit de Sonko qui devrait savoir une bonne fois pour toute qu’il n’est plus n’importe qui dans ce pays que nous avons en partage. En conséquence, il ne doit pas faire du Penda Guissé, du Assane Diouf ou du Ameth Suzanne Camara. Récemment, Il a d’ailleurs malheureusement dépeint ce dernier sous les traits d’un sous-alimenté. Une horreur discursive !
Dans le cas d’espèce, les éléments de langage du Leader fougueux de Pastef posent problème : les mots stigmatisation ou encore noms à consonance Diola font désordre. C’est le moins que l’on puisse dire. On pourrait retourner à l’opposant intrépide : Il y’a combien de fils de la Casamance qui arpentent allègrement les allées du pouvoir Macky Sall ?
Mais la communication est un art et Sonko n’est visiblement pas un as de la rhétorique. Il donne raison à l’ingénieur en génie chimique l’Américain Andrew Grove qui disait : « La qualité de notre communication est déterminée non par la manière dont nous disons les choses mais par la manière dont elles sont comprises. »
Le Boss de Pastef aurait pu poser le problème lié à cette supposée « frustration » de certains fils du sud avec beaucoup plus de finesse et de subtilité.
Quelle est la plus-value de sa déclaration-polémique ? Nulle sans doute, tant le monde a changé, les Sénégalais avec. C’est tout le sens de la réflexion de Jean Luc Lagardère industriel et patron de presse français pour qui « la communication n’est pas une science exacte, elle s’apprend et se cultive, elle est au service de la stratégie et doit apporter une valeur ajoutée. »
De nos jours, aucun politicien ne saurait bénéficier d’un supplément de suffrages auprès de l’opinion en agitant flamberge au vent la fibre communautariste.
C’est un discours dépassé, old fashionned pour reprendre les Anglo-Saxons.
La langue de Sonko a dû fourcher mais il devrait apprendre à s’opposer avec responsabilité et mesurer l’impact de ses déclarations du reste très attendues par une armée de militants et de sympathisants.
Sonko est aujourd’hui une réalité politique dotée d’une puissance de Gourou.
Il a réussi en un laps de temps à hypnotiser des milliers de Feddayins et de « Talibés » qui lui donnent avec emphase du « Ousmane mou sell mi » trivialement Ousmane le Saint-homme. Comme pour raffermir davantage la relation fusionnelle qui la lie à ses partisans.
Le problème pour le sémillant opposant, c’est qu’il n’a pas la magie et l’expérience d’un certain Abdoulaye Wade mondialement connu pour son habileté et son humour prononcé en matière de communication.
Nous sommes tous de sangs mêlés
Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse ! Il faut arrêter de faire de la Casamance un fonds de commerce politique. Cette remarque vaut aussi bien pour Sonko que pour les caciques de la mouvance présidentielle.
Les hommes politiques n’ont rien compris, ils ne maîtrisent même pas la sociologie de cette belle région de la partie méridionale du pays.
La verte Casamance est la région la plus cosmopolite du Sénégal. Les Diolas qui incarnent la zone dans l’imagerie populaire partagent harmonieusement l’espace avec les Bainounks (premiers habitants de Ziguinchor), les Mandingues, les Peulhs, les Wolofs, les Manjacks, les Mancagnes, les Balantes, les Pépels, les Diakhankés…Excusez du peu, la liste étant loin d’être exhaustive.
Par ailleurs, des proches du Président Macky Sall comme Madiambal, le ministre Cheikh Oumar Anne et d’autres faucons de Benno ne font rien pour calmer le jeu. Ces rentiers de la tension surfent souvent sur un discours ethniciste aux relents communautaristes, ils sont rarement dans les incantations fédératrices.
Témoin, au plus fort de la fameuse crise de mars 2021, dans l’une de ces chroniques du lundi,Madiambal Diagne, un des idéologues du régime, écrivait : « On aura noté que les rares personnalités politiques de l’APR, originaires de la Casamance qui ont osé afficher une position politique publique critique à Ousmane Sonko et / ou favorable au Président Macky Sall sont des ethnies Peulh (Moussa Baldé,Doudou Ka),Mancagne(Victorine Ndeye) ,Manjack(Dr Ibrahima Mendy).Il reste curieux que les personnalités politiques (Diolas) les plus en vue dans le camp présidentiel sont encore aux abonnés absents dans le débat public sur cette affaire. »
Cette affirmation du patron du journal le Quotidien emprunte les chemins du débat de caniveau ; elle est pour le moins nauséabonde et peu réfléchie à l’heure des grands ensembles et de la saga victorieuse des citoyens du monde.
Les Casamançais ont-ils besoin de tels pyromanes pour casser leur légendaire vivre-ensemble et leur hospitalité tant chantée à travers le monde ?
Qui disait d’ailleurs : « Si vous voulez que la Casamance intègre carrément le Sénégal dans le cadre du développement… » Le Président Macky Sall himself lors de l’étape de Bignona pour les besoins de la campagne électorale du scrutin de 2019.
Autant dire que sur le brûlant dossier casamançais, tous les hommes politiques du pays manient l’affaire avec peu de tact et commettent très souvent des erreurs de débutant, sortes de bourdes et bombes communicationnelles.
Aujourd’hui il est clair que ce pays ne mérite pas une telle escalade verbale et comportementale. Nous sommes quand même le Sénégal, de Senghor, Cheikh Anta, Kocc Barma, Aline Sitoe Diatta, Mamadou Lamine Dramé, Cheikh Ahmadou Bamba, Elhadj Malick Sy, Elhadj Ibrahima Niasse Baye, autant de figures emblématiques connues pour leur sens inné de la belle formule, de la retenue sans oublier leur humanisme, leur discours unificateur et leur universalité.
Au Sénégal, nous sommes tous de sangs mêlés pour paraphraser le Chef de l’Etat qui parlait ainsi juste après les évènements de mars 2021.
Reste à se ressaisir pour joindre l’acte à la parole car aucun pays ne s’est développé à coups de flonflons, de manipulations et de slogans creux.