ABDOULAYE BATHILY «C’est par la lutte qu’on se libère… »
Le Professeur Abdoulaye Bathily a présenté samedi son ouvrage aux allures de mémoires : «Passion de liberté». Un thème d’ailleurs très actuel, avec la situation politique du pays. Une situation qu’il évoque. Saluant l’engagement des jeunes, le leader de gauche les a invités à poursuivre les combats politiques, démocratiques et sociaux, car, pour lui, «c’est par la lutte qu’on se libère» et non par la soumission. Les atteintes aux droits de manifester, les entorses au bon déroulement du processus électoral, la «dégradation des mœurs politiques»… toutes ces questions ont été abordées sans complaisance par l’ancien leader de gauche.
Quand il s’agit de parler de liberté, de lutte démocratique, d’engagement politique, notamment des jeunes…, le professeur Abdoulaye Bathily ne mâche pas ses mots. Samedi, à l’occasion de la présentation de son livre, ou plutôt ses mémoires : «passion de liberté», l’ancien leader de la Ld/Mpt a salué l’engagement actuel des jeunes et les a exhortés à continuer à se battre pour la liberté et la démocratie. «Cette jeunesse que je vois, doit se battre avec les moyens de son époque. Partout où je vais, je vois ce bouillonnement, même jusque dans les excès qui sont produits par ceux qui sont en face. La passion de la liberté habite en chacun d’entre nous. La passion de liberté je la vois en chacun des jeunes. Je les encourage en ça», souligne l’ancien opposant de Senghor, Diouf et Wade. «Naturellement avec humilité, il faut améliorer les choses. C’est par la lutte qu’on se libère. Ce n’est pas par la soumission qu’on se libère», ajoute-t-il.
«C’est difficile pour nous qui venons de si loin qu’il soit compliqué de tenir des manifestations»
Irrité par ce qui se passe actuellement au niveau du processus électoral, avec des décisions saugrenues de la Dge et du Conseil constitutionnel, Abdoulaye Bathily, de remonter le temps et les combats menés dans des situations similaires et qui ont permis d’améliorer le processus électoral et de préserver la démocratie. «En 1983, le président de la Cour suprême disait qu’on pouvait voter sans pièce d’identité, on pouvait voter sans isoloir. Nous sommes des Sénégalais pourquoi avoir peur de dire qu’on va voter. Il fallait lutter pieds à pieds contre tout cela», souligne l’historien. Non sans inviter à la poursuite de ces combats, car n’ayant pas encore abouti à leur but ultime. «La lutte ne s’arrête pas à une alternance politique, c’est une étape parce qu’au-delà de l’alternance politique, il faut une alternative. Il nous faut l’alternance qualitative de notre société. Les harcèlements se sont succédés».
Déplorant les obstacles que le gouvernement dresse de plus en plus contre le droit de manifester, l’ancien leader de gauche de marteler. «C’est difficile pour nous qui venons de si loin qu’il soit compliqué de tenir des manifestations. La loi 78-02 réglemente les manifestations. C’est à partir de la lutte du Sudes, il n’y avait pas de parti politique et il n’y avait que le Pds et on ne parlait même pas de réunion. Ça a été une lutte âpre pour que cette loi donne un semblant de droit». Trouvant que les motifs des interdictions de manifester sont légers, il soutient : «Dès le départ, chaque fois qu’on déposait une demande de manifestation, les préfets et gouverneurs prétextaient le manque de forces de l’ordre pour encadrer la manifestation et les risques de trouble à l’ordre public. Mais on a suffisamment de forces pour la réprimer», affirme l’ex-jallarbiste en chef.
«Il y a une dégradation des mœurs politiques… C’était rare d’entendre parler de ministre millionnaire»
Observateur privilégié de la scène politique, après en avoir été un acteur de premier plan durant des décennies, Abdoulaye Bathily trouve que beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, et que les moeurs et les mentalités politiques ont évolué négativement. Il en veut pour preuve, cette richesse presque ostentatoire, constatée aujourd’hui chez nos gouvernants. «Nous devrons réfléchir sur nos actions. C’était rare d’entendre parler de ministre millionnaire. Mais aujourd’hui qu’elle est la situation? Il y a une dégradation des mœurs politiques, la dégradation de la fibre morale du citoyen, parce que les dirigeants ne donnent pas le bon exemple», assène-t-il.
«Ma ’’Passion de Liberté’’, c’est le refus de la soumission. C’est le refus de l’injustice. C’est le combat pour la liberté des autres»
Figure emblématique de l’opposition sénégalaise, témoin et acteur privilégié des longues luttes démocratiques et sociales au Sénégal, en Afrique et dans le monde, le professeur Abdoulaye Bathily a présenté samedi son ouvrage : «Passion de liberté», qui est en réalité de véritables mémoires. Dans l’ouvrage, une sorte d’autobiographie, il évoque sa jeunesse, mais aussi et surtout son engagement politique, ses convictions sur l’émancipation de l’Afrique, l’unité africaine et le panafricanisme. «J’ai essayé d’apporter ma contribution à l’évolution de notre société. Ma ’’Passion de Liberté’’, j’ai essayé de la montrer à travers mon itinéraire. Que ce soit face aux brimades à l’école coranique, primaire, au Prytanée militaire, à l’Université là même où nous étions construits de force. Mais je n’ai jamais pris cela comme une fatalité. L’homme doit toujours essayer de se surpasser. Ma ’’Passion de Liberté’’, c’est le refus de la soumission. C’est le refus de l’injustice. C’est le combat pour la liberté des autres», explique le Pr Bathily. Qui est également revenu sur les moments phares de l’histoire politique du Sénégal, avec des détails et des illustrations. Ce qui a poussé sa collègue historienne Penda Mbow à souligner la richesse de l’ouvrage est «C’est comme un livre d’évènements. Il est exceptionnel sur le point des informations. Je suis surprise de sa connaissance intime de Me Abdoulaye Wade». En outre, dans «passion de liberté», l’auteur plaide pour l’indépendance réelle de l’Afrique, qui tarde toujours, malgré la proclamation des indépendances depuis une soixantaine d’années. «Lutter pour la liberté de notre continent. Un continent meurtri. Un continent soumis que nous devons libérer de manière collective. Plus de 60 ans après les indépendances nous parlons encore de cela», dit-il.
Mbaye THIANDOUM