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CHRONIQUE DE MAME GOR NGOM : Voix et voies de la violence…


Le Conseil constitutionnel a posé un acte lourd de conséquences en décidant de suivre la logique du ministère de l’Intérieur qui a validé le 30 mai huit listes nationales et déclaré « irrecevable » la liste des titulaires de Yewwi Askan Wi et celle des suppléants de Benno Bokk Yakaar. En termes clairs, Ousmane Sonko ne participera « directement » pas à ces élections. Ce qui pourrait réduire sensiblement l’engouement de ses militants et autres sympathisants. L’opposant le plus haut placé du pouvoir actuel a manifestement compris la « manœuvre ». Le voilà sabre au clair qui demande à tous de se mobiliser pour empêcher la tenue des législatives si leur liste ne passe pas. Une radicalité que le leader de Pastef assume au point de commettre parfois des écarts de langage comme c’était le cas lors de la dernière manifestation organisée par Yewwi Askan Wi à la Place de la Nation. L’allusion aux « fortunes colossales » que pourraient trouver les futurs manifestants dans les maisons de certaines autorités, a été approximative et dangereuse. Mais elle est minime par rapport aux menaces de mort proférées par Amath Suzanne Camara qui appelle ainsi au meurtre de Sonko. Rien n’arrivera à ce responsable de l’Alliance pour la République (Apr), contrairement à Abdou Bara Dolly arrêté et jeté en prison après ses propos tenus en public lors du rassemblement de Yewwi Askan wi mercredi dernier. Parler des « dessous » du président en ces termes, relève de l’idiotie.
Au-delà du manque de pudeur et de retenue, il y a cette incongruité, ce « hors-sujet », très éloigné des préoccupations de l’heure. Le pouvoir a trouvé une occasion en or pour solder ses comptes avec un opposant tonitruant. Il risque de boire le calice jusqu’à la lie. Ameth Suzanne Camara sera épargné. Une certaine marche des choses qui nourrit les frustrations et arrose la violence. Sa déclaration est une bêtise inqualifiable.
Cet homme, écrivions-nous, mérite une convocation, des remontrances et des sanctions. Ce qui donnerait plus de crédibilité à la justice considérée comme une vieille voiture qui roule à deux vitesses. Cette perception si têtue, si tenace est un obstacle à l’état de droit et amenuise sensiblement le capital crédit d’une institution, un des piliers de la nation. Macky Sall, commentant lui-même-même la décision du Conseil constitutionnel sur France 24 et sur Rfi, a été catégorique. « Un trait, c’est tout », martèle-t-il. Aucune possibilité de compromis.
Un espace public mal occupé
Ces travers d’acteurs politiques posent le débat sur l’occupation de l’espace public qui est justement mal occupé. Des saltimbanques aux amuseurs en passant par des comédiens de mauvais goût, des insulteurs, tout le monde s’y met. Chacun croit détenir la science infuse. Les uns y vont avec leurs certitudes, les autres avec leur promptitude à distribuer des points. A la recherche effrénée de buzz, tous les moyens sont bons. Ce n’est pas demain la veille de la fin du désordre.
Les demandes d’explications, les convocations, l’emprisonnement d’hommes politiques sont toujours de mauvaises nouvelles en démocratie mais faudrait-il savoir raison garder en évitant les excès.
Ici, les acteurs politiques nous ont habitués à se faire peur, à nous faire peur, à faire monter les enchères, à bouleverser nos quiétudes en alimentant la chronique, en mettant en exergue leurs sujets favoris. Les veilles d’élections sont souvent anxiogènes dans ce pays. Curieux exemple démocratique qui étale ses contre-exemples et montre une face hideuse à longueur de journées. Les divergences autour des listes qui suscitent cette vive passion, constituent une plaie béante. Elle ne se cicatrisera pas tant qu’une véritable cure ne soit trouvée. Le mal est connu. L’ordonnance est prescrite depuis belle lurette. Mais on préfère laisser le patient mourir. Il souffre. Il suffoque. Il est en agonie. Il n’est plus pétillant.
Les élections législatives du 31 juillet 2022 risquent de précipiter la fin de cet être en mauvaise posture. Les protagonistes se sont entendus pour ne pas s’entendre. Un éloquent dialogue de sourds qui préoccupe tous les épris de démocratie. Pauvre démocratie qui est obligée de revoir quotidiennement ses prétentions à la baisse.

Mame Gor NGOM
L’info