L’ancien préfet de Haute-Corse visé par une enquête pour «harcèlement»
L’actuel directeur de la sécurité intérieure est accusé de harcèlement par une ancienne collaboratrice.
Un préfet visé par une information judiciaire pour « harcèlement ». Un juge d’instruction de Bastia enquête sur le patron de la sécurité civile en France, Alain Thirion, mis en cause par une collègue quand elle travaillait comme sous-préfète sous ses ordres à Calvi.
Anne Ballereau, 65 ans, qui a officié sur l’île de Beauté entre septembre 2014 et août 2016, accuse depuis décembre 2019 l’ex-préfet de Haute-Corse, 59 ans aujourd’hui, de harcèlement moral et sexuel. Le parquet de Bastia avait classé sans suite une première enquête préliminaire en mars 2021.
Selon des éléments d’une synthèse de fin 2020, la PJ de Bastia estimait le harcèlement sexuel « confirmé par des témoignages attestant des surnoms sexistes donnés aux interlocutrices et de remarques déplacées, en Corse comme dans l’Aude », où Alain Thirion a été préfet après Bastia.
« Peut-être qu’elle s’est imaginé des choses »
Anne Ballereau l’accusait notamment d’avoir insisté à plusieurs reprises pour qu’elle dorme à la préfecture. Mais les enquêteurs s’interrogeaient sur le harcèlement moral : relevait-il de relations professionnelles classiquement âpres dans les postes à fortes responsabilités, ou constituait-il une faute pénale d’un préfet outrepassant ses pouvoirs ?
Au terme de leur enquête, ils lui imputaient « un management litigieux, ponctué parfois de propos déplacés ». À son passif, quatre hauts fonctionnaires avaient témoigné du « même processus de déstabilisation à leur égard » ou d’« agressivité ».
Deux anciens subordonnés dans l’Aude rendaient Alain Thirion responsable de leur « burn-out », l’un évoquant une énorme « pression » et des « commentaires sur les tenues, la coiffure, les lunettes, la barbe ». « Mme Ballereau est la seule victime à avoir déposé plainte, les autres disant craindre pour leur carrière », relevait la PJ. La sous-préfète, « rigoureuse » mais « méfiante », selon une expertise psychiatrique, était, d’après les enquêteurs, « en opposition aux instructions de son préfet dont elle se défiait ».
Un « climat d’affrontement sous-jacent »
Placé en garde à vue fin juillet 2020, Alain Thirion avait contesté de « fausses » accusations pour lui « nuire » et exclu tout « geste déplacé » : « Peut-être qu’elle s’est imaginé des choses », a-t-il lâché. Sur les relations de travail, il avait reconnu la possibilité de « désaccords ».
Lors de sa confrontation avec Anne Ballereau, le préfet s’était dit « désolé » pour sa « blessure profonde ». Sur les autres critiques, il avait « regretté (…) des formulations maladroites » dont il veut « tirer un certain nombre de leçons. »
Au terme de ses investigations, la PJ de Bastia avait hésité : « Dans un climat d’affrontement sous-jacent, la caractérisation du harcèlement moral reste complexe car difficile à apprécier ».
De « nombreux sous-entendus à connotation sexuelle »
Le parquet avait finalement tranché en classant l’enquête pour « infraction insuffisamment caractérisée ». Anne Ballereau, qui n’a pas souhaité commenter, a déposé en janvier une plainte avec constitution de partie civile.
Ce document reproche à Alain Thirion « plusieurs événements précis et extrêmement parlants » : brimades, dénigrements devant témoins… Et de « nombreux sous-entendus à connotation sexuelle, gestes déplacés, remarques humiliantes et comportements harcelants ».
« Il y a déjà eu une enquête précise. Malheureusement, le parquet n’est pas allé au bout des choses et nous ne partageons pas son analyse. Mme Ballereau a décidé d’actionner la justice de manière à ce que la vérité éclate », ont indiqué ses avocats, Me Alexandre Martin et Emmanuelle Franck.
Une plainte pour « dénonciation calomnieuse »
Contacté, le procureur de la République de Bastia, Arnaud Viornery, a confirmé la désignation d’un juge d’instruction. Selon plusieurs sources, la plaignante doit être entendue le 24 mai.
Alain Thirion est depuis mi-2019 directeur de la sécurité civile au ministère de l’Intérieur. « Le parquet de Bastia a déjà rendu une décision de classement sans suite après avoir procédé à de longues et minutieuses investigations, mais également à la lumière des conclusions de l’expertise psychiatrique de la plaignante », a souligné Me Marie-Alix Canu-Bernard, avocate du préfet.
« Cette nouvelle initiative, étonnement médiatisée, permettra néanmoins la poursuite de la plainte immédiatement déposée par Alain Thirion pour dénonciation calomnieuse », également classée en mars 2021, a ajouté son conseil.
Toutinfo.net avec leparisien