A la Une

FETE DU 1ER MAI : Plaintes et complaintes des syndicats

Entre perte de repères et division de ses forces, le mouvement syndical sénégalais traverse des moments d’hésitation qui déteint sur la prise en charge réelle des revendications des travailleurs. Si certains de ses leaders se sont adoucis avec l’âge, il reste tout de même des arrières gardes qui continuent toujours de bousculer la hiérarchie pour une meilleure prise en charge des doléances.

Le syndicalisme est-il ce qu’il a toujours été au Sénégal ? Que reste-t-il même de la lutte syndicale pour une meilleure prise en charge des doléances des travailleurs ? Autant de questions qui méritent d’être posées en prélude à la célébration demain, de la fête du 1er mai. Tout comme l’année dernière, celle-ci se tient dans un contexte national marqué par la pandémie du Covid19 qui a frappé les travailleurs de plein fouet et qui a eu un impact réel dans tous les secteurs d’activités. ‘’La pandémie du Covid19 a duré plus d’une année maintenant. Elle a eu un impact sur pas mal de secteurs notamment l’hôtellerie, le tourisme, le transport aérien, le transport lui-même, le secteur manufacturier et également dans le secteur informel qui constitue quand même une grande partie qui absorbe la majorité de la population active dans notre pays’’, diagnostique d’emblée Mody Guiro. 

‘’80.000 emplois perdus avec la pandémie du Covid19’’

Le Secrétaire général de la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal (CNTS), joint hier par ‘’l’Info’’, relève que cet impact a entrainé des chômages techniques dans beaucoup de secteurs notamment l’hôtellerie. ‘’On a commencé à enregistrer des licenciements et les estimations aujourd’hui sur l’ensemble du territoire national de toutes les entreprises qui sont impactées en termes d’emplois, est estimé aujourd’hui à 80.000 selon les statistiques. Si nous prenons l’ensemble des statistiques à travers le monde sur les pertes d’emplois, il est dit qu’actuellement avec la pandémie depuis le début jusqu’en 2021, les estimations ont atteint 500.000.000 de pertes d’emploi avec 1 milliard de travailleurs du secteur informel impactés’’. C’est dire selon lui que notre pays n’est pas épargné, étant donné que la situation est difficile avec un pouvoir d’achat assez fragilisé, mais également un chômage endémique et une pauvreté grandissante. A cet égard, Mody Guiro pense que la pandémie du Covid19 nécessite au niveau de l’Etat, des employeurs et des travailleurs, une grande solidarité. Tout en se félicitant d’ailleurs de tous les efforts qui ont été faits par le gouvernement du Sénégal, il est d’avis qu’il faudrait que ses mesures d’accompagnement soient également poursuivies et renforcées. ‘’Tout en saluant les mesures annoncées par le chef de l’Etat en créant 65.000 emplois en plus d’un recrutement de 5.000 fonctionnaires, nous pensons qu’un accompagnement est nécessaire pour les entreprises également pour pouvoir maintenir, sauvegarder et protéger les emplois existants’’, soutient-il.

«Si nous ne sommes pas assez mobilisés et déterminés, le gouvernement va ignorer royalement les doléances des travailleurs»

Du fait de cette pandémie, la cérémonie de remise des cahiers de doléances qui réunit chaque année l’Etat et les syndicats, à la salle des banquets du palais présidentiel, a été annulée l’année dernière. ‘’Nous n’avons pas eu l’occasion de déposer les cahiers de doléances de l’année dernière, puisque la pandémie étant là et qu’en ce moment, on avait interdit les rassemblements et les manifestations’’, rappelle le Secrétaire général de la Fédération générale des travailleurs du Sénégal (FGTS). Selon Sidiya Ndiaye, ‘’seuls les cahiers de doléances de 2019 avaient été déposés’’. Mais malheureusement, se désole-t-il, ‘’le gouvernement a attendu le mois d’avril dernier, pour nous donner une soi-disant réponse aux centrales syndicales’’. ‘’Vous vous rendez compte, depuis un an ? Ils n’ont rien fait, ils nous ont envoyé un document pour nous dire, vous avez une semaine pour réagir. Moi je pense que ce n’est pas sérieux. Ce partenariat, s’il en est un, il est bidon pour la seule et simple raison qu’on ne respecte pas les centrales syndicales. Et ça, c’est notre responsabilité’’, rouspète le bouillant syndicaliste. Qui appelle ses camarades syndicalistes à une prise de conscience des enjeux du moment. ‘’Si nous ne sommes pas assez mobilisés et déterminés, le gouvernement fera ce qu’il a à faire et il va dans ce cas, ignorer royalement les doléances des travailleurs’’.

‘’Le gouvernement se base sur notre passivité pour forcer le barrage’’

Sidiya Ndiaye reconnait tout de même que dans le contexte actuel de la pandémie, beaucoup de menaces pèsent sur les emplois. Ainsi, il invite les autorités étatiques à la préservation et à la sauvegarde des emplois menacés dans beaucoup de secteurs. ‘’C’est vrai que les gens de l’Etat ont parlé récemment de l’emploi des jeunes, nous applaudissons. Mais je pense que la question centrale, c’est la préservation des emplois qui sont menacés parce qu’il y a des patrons qui ont commencé à liquider du personnel en faisant recours aux motifs économiques pour licencier. Dans le secteur de l’hôtellerie, l’Etat a fait un effort en débloquant plus de 35 milliards pour soutenir l’activité et préserver les emplois, malheureusement c’est dans ce secteur qu’on a commencé à voir des gens qui sont mis en chômage technique et même d’autres qui sont licenciés. Nous disons que ce n’est pas sérieux’’, déclame-t-il. Invitant ainsi les centrales syndicales à jouer pleinement leurs rôles pour accompagner les efforts faits par l’Etat. ‘’Tant que les centrales syndicales ne jouent pas leur rôle pour la défense des intérêts des populations et des travailleurs, rien ne va marcher’’, croit-il savoir. 

«Les syndicats se sont adoucis, ils se sont embourgeoisés et ils n’ont plus lutté»

Au-delà de cet aspect, le Secrétaire général de la FGTS pense que c’est la marche même des syndicats qui pose problème dans la lutte syndicale d’une manière globale. Les centrales syndicales, selon lui, doivent éviter de tomber dans le piège des gouvernants qui les divisent souvent pour casser la dynamique de la lutte avec des formules toute faites, comme par exemple les élections de représentativités. ‘’On a organisé ici des élections de représentativités des centrales syndicales, ils nous ont dit que c’est quatre centrales syndicales qui émergent parce qu’il y avait de l’argent à partager. Malheureusement depuis lors, quel est le bilan que ces centrales syndicales peuvent présenter dans la défense des intérêts des travailleurs ? On ne les entend même pas. Le gouvernement se base sur notre inaction, notre passivité, pour forcer le barrage’’, soutient-il. Avant d’ajouter : ‘’les centrales syndicales ne doivent pas tomber dans le piège que le gouvernement leur a tendu avec ces histoires d’élections de représentativité parce que derrière, il y avait du magot à partager. Les syndicats se sont adoucis, ils se sont embourgeoisés et ils n’ont plus lutté. Maintenant il faut que les syndicats qui ne sont pas dans cette combine, se retrouvent et discuter. Nous avons toujours lancé un appel à ce niveau et personne ne nous écoute’’.

Pour Sidiya Ndiaye, il faut que chacun se décide et choisisse son camp pour que les choses bougent dans la prise en charge des revendications des travailleurs. Selon lui, la division qu’il y a au sein des syndicats a beaucoup affaibli le mouvement. ‘’Ils savent qu’ils sont partis avec des magots et ils n’ont pas pensé aux autres. Mais sans les autres, ils ne peuvent rien faire. Nous sommes des organisations de travailleurs et pas des organisations de patronats. Donc on est obligé de choisir notre camp. Nous on a choisi le camp des travailleurs. C’est cela que la FGTS défend, pas autre chose. On ne peut pas s’assoir sur deux chaises. Il faut choisir son camp. Ceux qui ont soi-disant gagné les élections doivent venir vers les autres pour porter le combat ensemble’’, rumine-t-il.

L’info