La Chronique de MLD : Démission de Docteur Sarr ; La carte de l’opinion publique…
Le Sénégal est plongé depuis près d’une semaine dans une tristesse indicible avec l’incendie qui s’est déclaré dans la salle de néonatalogie de l’hôpital Magatte Lô de Linguère ayant causé le rappel à Dieu de quatre nouveaux nouveau-nés.
Il convient d’emblée de présenter nos condoléances émues à la nation mais aussi et surtout aux quatre mères de familles éplorées.
Nous devons à la vérité de constater que l’acte du Docteur Abdou Sarr, désormais ex Directeur du centre hospitalier de Linguère, est pour le moins inédit. C’est la raison pour laquelle ce geste a été favorablement accueilli par une opinion publique nationale qui a toujours déploré l’absence d’une culture de la démission dans les plus hautes sphères de l’Etat. Pourtant, la vérité historique nous oblige illico à citer deux cas quasi similaires de démission.
D’abord celui de Mamadou Seck. Nommé ministre de l’économie et des finances par Wade en 2001, il avait jugé utile de présenter sa démission car rattrapé par une vieille affaire de condamnation avec sursis lorsqu’il était aux commandes d’une société privée (Somicoa). Blanchi par la cour d’appel, Seck Mbao comme l’appellent ses affidés, était finalement revenu triomphalement aux affaires se payant même le luxe de décrocher plus tard le Graal du poste prestigieux de Président de l’Assemblée nationale.
Ensuite le cas du ministre des transports, Youssouph Sakho, qui avait lui aussi démissionné en septembre 2002 à la suite du naufrage du bateau le Joola qui avait emporté pas moins de 2000 âmes.
C’est vrai, dans la haute administration sénégalaise, la démission relève de l’extraordinaire et dans le cas d’espèce, le soulagement des familles des victimes est remarquable car le père de la mère d’un des bébés calcinés s’est ainsi consolé en soulignant que désormais les autorités hospitalières éviteront certaines erreurs qui pourraient leur porter préjudice.
C’est donc dire que la démission de Dr Sarr est loin d’être banale, elle peut servir quelque part d’électrochoc pour une opinion de plus en plus exigeante.
Les éléments de langage du malheureux fonctionnaire renseignent sur la haute idée qu’il a de sa mission d’autant qu’il veut bien « mettre à l’aise les autorités, sa famille et le personnel médical qui plus est dans un élan républicain… ».
Oui Docteur Sarr est moralement responsable dans ce dossier car il y’a eu visiblement des défaillances criantes et coupables dans la gestion de cette unité sensible de néonatalogie.
Pourtant à y voir de près, il s’agit plutôt d’une chaîne de responsabilités eu égard au mode de division du travail en vigueur dans nos structures publiques. Autrement dit, les agents de garde (aux préposés absents lors du drame), le responsable du bloc de néonatalogie, le chef du service maintenance, le chef du service pédiatrie et naturellement le Directeur de l’hôpital (responsable hiérarchique) sont tous impliqués dans cette triste affaire.
Ce drame fait remonter à la surface la question centrale de l’exercice du pouvoir dans les structures publiques. Ce fameux pouvoir aux deux versants à savoir la responsabilité et les avantages voire les privilèges.
Malheureusement, sous nos cieux, les hauts responsables mettent davantage le focus sur le versant lié aux avantages, d’où cette forte propension à ériger la démission au rang d’exception pour attendre d’être tout simplement virés par l’autorité.
C’est ce qui donne sens au geste du Docteur Sarr. Un Leader, un vrai, assume totalement l’actif et le passif de son magistère ; une manière de faire siennes les valeurs de sacerdoce et de responsabilité en voie de disparition.
Des témoignages concordants recueillis auprès de ses collègues du monde médical renseignent sur ses qualités de meneur d’hommes, de sérieux dans le travail et de dignité.
Cette démission cache mal le malaise ambiant qui est en train de vicier l’ambiance dans nos structures publiques de santé.
Tous les observateurs pensaient que la Covid allait nous ouvrir les yeux afin qu’on puisse repenser sérieusement la politique de santé.
Que nenni ! Le personnel reste surchargé et est confronté à un manque criant d’effectifs et de moyens logistiques.
Le ministère de la santé et de l’action sociale devrait donc tirer toutes les leçons de ce drame pour se remettre tout simplement en question.
Ce département stratégique a besoin d’un leadership innovant et proactif à même d’assurer le réarmement moral de troupes dont le moral est aujourd’hui dans les chaussettes.
Il y va du bien-être des populations civiles.