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TIVAOUANE : A LA RENCONTRE DES « CHRETIENS TIDIANES »

Tivaouane la ville sainte, est devenue depuis 1902 le foyer de la tidjannya au Sénégal. Le khalife de la famille de Seydi Cheikh El Hadji Malick Sy, a toujours fait preuve de beaucoup de bienveillance à l’égard des nombreux fonctionnaires chrétiens de la ville.

Pour autant, la volonté de disposer d’une chapelle reste pour la communauté chrétienne un vœu pieux.

En vérité, ce ne sont pas les initiatives qui manquent. Loin de là. En son temps, le Cardinal Hyacinthe Thiandoum a été saisi de la question par le vicaire capitulaire pour l’obtention d’un lieu où tenir la messe.

De part et d’autre, on a voulu jouer la carte diplomatique pour éviter un conflit confessionnel.

Le gouvernement de l’époque est entré dans la danse, en expropriant l’église. Aujourd’hui, les locaux de l’ancienne église de Tivaouane abritent un établissement scolaire.

Quelques jours après le gamou, la ville sainte qui s’est vidée de  son  trop-plein de pèlerins, venus célébrer  la naissance du Prophète Seydina Mohammad(SAW).

A bord d’une moto Jakarta, sous un soleil de plomb, nous prenons la direction de Keur Mass, un quartier se trouvant sur la route de Saint-Louis chez Gilbert Bassène qui est le président de la communauté catholique de Tivaouane.

Ce patriarche de 82 ans, retraité depuis vingt-deux ans est originaire de Nyassia, un village de la Casamance.

Il  s’est installé à Tivaouane depuis 1977. Ancien enseignant, il fut  également responsable du chargement à l’usine Ics de Taïba. Il a également  vécu longtemps en France.

Les relations entre les musulmans et les chrétiens de Tivaouane n’ont plus de secret pour lui, témoin oculaire de cette évolution, depuis une quarantaine d’années.

Une fois le seuil de sa vaste demeure franchi, tout renvoie à la  Casamance. Le culte de Jésus est partout présent. Sur les murs, sont accrochés des portraits du Christ, de la vierge Marie et des apôtres.

QUI SONT LES «CHRETIENS TIDIANES ?»

 Pour rencontrer l’histoire des «chrétiens tidianes», comme on appelle  affectueusement ceux de Tivaouane,  il demeure incontestablement la personne ressource la plus indiquée.

A la question de savoir si Tivaouane dispose d’une église,  le vieux Bassène accepte de  se replonger dans le passé pas forcément enchanté à cause de l’épisode de la fermeture de l’église de Tivaouane en 1985 parce que tout simplement cette ville est la capitale de la tidjanya.

«Depuis, la ville ne dispose pas d’une église  à proprement parler. Mais d’un local où  nous faisons les messes. Ce n’est un pas une église en tant que telle, mais un foyer pare qu’une église devrait être quelque chose de consacré.

Tous les dimanches, un curé vient diriger la messe. Ils sont trois prêtres qui se relaient ici pour venir diriger la messe. Ils vivent à Pandienou, un village situé à 8 km de Tivaouane», explique-t-il.

Selon notre interlocuteur, les relations entre les chrétiens et la famille d’El Hadji Malick Sy sont très bonnes.  Le vieux Gilbert Bassène concède qu’il y a eu certaines frustrations dans le passé, mais que tout est entré dans l’ordre entre les deux communautés.

PARFAITE ENTENTE

 «L’entente, dit-il, est merveilleuse. L’évêque de Thiès André Guèye et le khalife général des Tidianes entretiennent de bons rapports. Avant lui, ses prédécesseurs comme l’évêque feu  Jacques Sarr ont su maintenir cette relation entre les deux communautés. Lors des fêtes musulmanes, les chrétiens s’investissent pleinement.»

 Pour le vieux Bassène, «avant d’être des  chrétiens, on est des humains, des diolas, des sérères, des wolofs. Dans nos familles, nous avons des musulmans.»

 Il poursuit : «Mes parents musulmans de Kafountine logent chez moi  pendant le gamou. Nos maisons accueillent du  monde.»

La communauté catholique de Tivaouane est estimée à 250 voire 300 âmes.

KEUR MASS, FIEF DES CHRETIENS

Toutes les familles catholiques accueillent à bras ouverts les musulmans durant le Mawlid. Keur Mass est la zone où les catholiques sont plus nombreux parce que l’église qui avait été construite, se trouvait de ce côté.

 Du temps d’Abdou Diouf, cette église leur a été confisquée, parce que nous dit-on, ils n’avaient pas consulté avant  la construction le Khalife général de l’époque, Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh.

«Tout au début,  on y célébrait des messes,  des mariages  et des baptêmes. C’est presque six mois ou un an après qu’un jour, on nous a signifié d’arrêter parce que le marabout d’alors s’est offusqué  en haut lieu qu’il n’avait pas été consulté», se remémore avec le vieux Bassène.

«L’Etat avait déclaré qu’il fermerait provisoirement en attendant que le problème soit résolu.  Et depuis plus de trente ans, le problème n’est pas encore résolu. Après fermeture, l’église était transformée en lycée. Quand un lycée proprement répondant aux normes éducatives a été  construit, l’ancienne église confisquée a été modifiée en collège d’enseignement moyen», poursuit, notre interlocuteur. 

 Pour le vieux Bassène, la frustration est toujours vivace  du fait que c’est la famille maraboutique qui a demandé la fermeture  du lieu de culte, alors que Tivaouane mérite d’avoir une église comme partout  ailleurs.

 A ce jour, la communauté chrétienne n’est pas partie voir le khalife  général des Tidianes pour lui demander pourquoi il a agi de la sorte.

En attendant, les «chrétiens tidianes» de Tivaouane vivent dans l’espoir  de voir un jour la réouverture de leur chapelle.

Le plus grand souhait du patriarche octogénaire 82 ans, c’est de voir une église  à Tivaouane pour le plus grand bien des catholiques de cette ville.

( Maïmouna SANE avec Toutinfo.net )