PIERRE GOUDIABY ATEPA, ARCHITECTE : « Avec les découvertes de pétrole et de gaz, l’anglais est devenu incontournable»
Toutinfo.net :« Je voudrais d’abord féliciter mon ami Thierno Talla. Quand il m’a invité, il connaissait bien ma position vis-à-vis de la très belle langue française que j’aime beaucoup. Comme disait l’autre, Il m’arrive même de bien parler français. Je ne veux pas apporter une note discordante encore que je voudrais simplement peut-être que nous nous posions les vraies questions», déclare de sa voix trainante, un peu nasalisée le célèbre architecte, Pierre Goudiaby Atépa.
Celui qui dessinait le siège de la BCEAO à Dakar avec Cheikh Ngom, s’exprimait lors de la conférence du Groupe Toutinfo Médias (TIM) portant sur : « Le français à l’heure du multilinguisme et du numérique ».
« JE SUIS NOSTALGIQUE DU BEAU FRANÇAIS »
« Je suis bien sur nostalgique du beau français voire du très bon français. Je suis un adepte de Senghor. J’ai assisté à des réunions de conseils présidentiels au cours desquels, il fallait très bien maîtriser la langue de Molière », se rappelle le natif de Baïla, dans le Bignona.
« Mais ceci dit, poursuit, Atepa, le français est pour moi, et aussi pour nous tous une langue étrangère. Il faut donc se poser la question à quoi va nous servir une langue étrangère ? A quoi nous sert la francophonie ? »
Selon lui, quand on est un pays sous développé et parmi les plus pauvres au monde, à la fin de la journée comme disent les anglais : « At the end of the day, (à la fin de la journée), faire de belles phrases, bien parler le français à quoi ça sert à la fin de la journée ? », s’interroge-t-il, un brin provocateur.
« Ma préoccupation c’est l’avenir de ces jeunes qui sont là. Quand j’ai écouté les uns et les autres j’avais l’impression d’être dans un requiem de la langue française », tacle à nouveau Pierre Goudiaby Atépa, debout du haut de la tribune de l’amphithéâtre de l’UCAD II.
« L’AVENIR, C’EST L’ANGLAIS »
«Je ne dis pas que je m’en suis réjoui ; loin de là, mais je pensais que ça devait nous interpeller. Aujourd’hui, la langue qui peut nous faire sortir des conditions dans lesquelles nous vivons, il me semble que c’est l’anglais », déclare derechef l’architecte qui a fait le tour du monde.
« Et je veux poser le débat. Nos enfants ne parlent plus français pourquoi ? C’est la question qu’il faudra se poser. C’est parce qu’aujourd’hui certains l’ont dit si vous ne parlez pas anglais vous n’irez nulle part. il faut se dire la vérité », soutient M. Goudiaby.
Poursuivant toujours, il ajoute : « Si je prends les cercles dans lesquels nous évoluons à la fin de la journée, c’est l’économie qui domine. Je suis désolé, on a beau faire ce que l’on veut, quand vous rentrez chez vous que vous ne pouvez pas payer votre facture d’électricité et que vous n’avez pas assez d’argent pour la scolarité des enfants etc. Ce n’est pas le français qui va vous sauver ».
Très en verve, Pierre Goudiaby Atépa fait observer ceci : « Je disais à quelqu’un qu’il n’y a aucun milliardaire en dollars et qui est un francophone en dehors de la France. Bien sur, je parle de l’Afrique. Ça veut dire qu’il y a un problème quelques parts. Le débat doit être plus profond que vous ne le pensiez. Parce que nous sommes dans un virage mondial. Les français eux-mêmes demandent à leurs enfants de parler anglais. C’est la raison pour laquelle, je ne dis pas qu’il faut abandonner le français »
« Quelqu’un l’a dit avant moi, il parle sept langues, moi j’en parle six. On peut parler plusieurs langues, mais mettons l’accent sur la langue qui peut nous amener à nous développer », conseille Atepa, le polyglotte.
Pour autant, il se veut un défenseur des langues nationales. « Culturellement, il faut défendre nos langues locales. Il faut les sauvegarder. Mais, soyons pragmatiques. C’est la raison pour laquelle, il y a cinq ou six ans quand j’ai écrit mon premier livre « Oser », j’ai demandé et je le répète à ce que l’anglais soit la deuxième langue officielle du Sénégal », souligne-t-il.
« LE FRANÇAIS N’EST PAS LA LANGUE DU PETROLE »
« Mais, depuis quelques temps, je me rends compte que je me suis trompé. L’anglais devrait être la première langue officielle du Sénégal. Aujourd’hui, qu’on le veuille ou pas les nouvelles découvertes du pétrole et du gaz doivent instaurer une véritable révolution dans le pays. Hors si demain nous devenons un pays pétrolier, mais je suis désolé de dire que la langue du pétrole n’est pas le français. C’est maintenant que nous devons préparer ces jeunes-là à ça. Sinon, les Sénégalais vont être exclus et ceux sont les autres qui vont venir prendre leurs places», prévient, Pierre Goudiaby Atépa.
Maïmouna SANE