MOUNIROU SY, CONSTUTITIONNALISTE: «La suppression du poste de Premier ministre va entraîner la démission du Gouvernement»
Enseignant-chercheur endroit constitutionnel à l’Université de Thiès, le Pr Mounirou Sy ne semble pas séduit par l’idée de supprimer le poste de Premier ministre. Dans une note parvenue à «L’As», il soutient que la Primature n’est certes pas indispensable, mais sa suppression entraine de facto la dissolution du gouvernement.
«Je ne doute aucunement de l’importance d’un Premier ministre dans un Etat comme le Sénégal, encore moins de son rôle éminemment important dans la coordination du travail gouvernemental. Toutefois, il faut rappeler que son existence, l’étendue de ses pouvoirs et son maintien sont du ressort exclusif du Président de la République qui le nomme, définit ses attributions et met fin à ses fonctions le cas échéant. Ces prérogatives présidentielles sont d’essence et d’origine constitutionnelles», estime Mounirou Sy avant d’analyser la suppression annoncée du poste de Premier ministre. Dans un document, l’enseignant-chercheur en droit constitutionnel à l’Université de Thiès a mis en exergue la pertinence de cette proposition. «La Constitution donne au président de la République le pouvoir de déterminer la politique de la nation et au Premier ministre celui de la conduire. Mais ce qui était jadis latent est devenu aujourd’hui incontestablement patent. Si le Premier ministre coordonne le travail gouvernemental depuis 1962, la définition et la conduite de la politique de la nation sont entre les mains fermes du Président de la République. Ceci est d’autant plus avéré et soutenu par la fidélité de la majorité parlementaire envers le Chef de l’Etat. Cela peut également se comprendre en démocratie, puisque c’est lui seul qui est élu et responsable devant le Peuple souverain», poursuit-il. «Il est avant tout le chef de l’Administration et les décrets qu’il prendront par nature des actes administratifs. Donc vu sous cet angle, il veut lui-même gérer directement les missions confiées à ses proches collaborateurs que sont les ministres, sans écran ni passerelle. En harmonie avec la phase 2 du PSE, il semble traduire en acte la devise olympienne de Pierre de Coubertin à savoir «Citius, Al-tius, Fortius» qui signifient«plus vite, plus haut, plus fort». Pour lui, les priorités sont présentes et pressantes, il faut aller vite dans l’efficacité et l’efficience», indique le constitutionnaliste. «Donc, il est même incorrect de penser qu’avec la suppression du poste de Premier Ministre, on n’aurait plus de chef de Gouvernement. Celui-ci sera incarné par le Président de la République, tout en étant chef de l’Etat.» «LE RÔLE DU PMEST CAPITAL»
«Je vous rappelle qu’il coordonne quotidiennement tout le travail gouvernemental en tant que dépositaire de l’Administration centrale et exécutant des directives du Président de la République. Auprès de celui-ci, il est veilleur de nuit, une sorte devigile, de sentinelle. Politiquement, on l’assimile à une sorte de fusible par rapport au Président de la République en cas de crise ou d’atmosphère délétère. Mais du point de vue fonctionnel, son rôle est plus que déterminant. C’est pour cette raison d’ailleurs que l’actuel Premier ministre a gardé toujours son poste quoi que Ministre d’Etat, Secrétaire Général de la Présidence», explique-t-il. «La Constitution dit clairement à son article 46 que «Sur proposition du Premier Ministre, le Président de la République nomme les ministres, fixe leurs attributions et met fin à leurs fonctions». Si la suppression du poste de Premier ministre était intervenue avant, le Président ne pourrait pas nommer à défaut d’agir anticonstitutionnellement. Pour lui, la suppression du poste de Premier ministre peut avoir des conséquences multiples. «D’abord, on assisterait à un changement de régime. On passerait d’un régime présidentialiste à un régime présidentiel renforcé. Mais, cela devrait conduire à soutenir et intensifier les pouvoirs du Parlement en matière financière, budgétaire et de suivi des politiques publiques. Ensuite, à une révision de plusieurs dispositions de la constitution pour l’adapter au nouveau contexte comme les articles 49 et suivants, une bonne partie du Titre IV portant sur le Gouvernement (Articles 53 à 57) et du Titre VII sur les rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif (articles 60 à87) sans oublier la disparition de la motion de censure et la question de confiance, entre autres», liste Mounirou Sy, enseignant-chercheur en droit constitutionnel à l’Université de Thiès. Last but not least, selon lui la suppression du poste de Premier ministre va entraîner la démission du gouvernement nouvellement formé. «L’article 56 de la Constitution est sans équivoque et ne suscite aucune autre interprétation. Ainsi, dit-il : «Le Gouvernement est une institution collégiale et solidaire. La démission ou la cessation des fonctions de Premier ministre entraine la démission de l’ensemble des membres du Gouvernement». Dès lors, la déduction qu’il faut établir consiste à concevoir que les membres du Gouvernement qui sont nommés le 07 avril 2019 devront tous démissionner dès le vote de la loi constitutionnelle supprimant le poste de Premier ministre. Ils sont nommés en amont, la suppression qui n’est rien d’autre que «la cessation des fonctions «de» et non«du» Premier ministre, est facteur de démission sous l’empire de l’article 56. Donc, on vise clairement le poste, ce qui entraine la démission du Gouvernement. Tels sont le sens et la signification de cet article», précise Mounirou Sy.
( Mamadou SARR avec Toutinfo.net )