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ELHADJI MOUNIROU NDIAYE CRITIQUE VERTEMENT LA VISION DE MACKY SALL: «On assiste à un Plan Sénégal endettement»

«Quelles alternatives socio-économiques au Sénégal : Une contribution programmatique. » Tel est l’intitulé de l’ouvrage du Docteur en Economie industrielle, Elhadji Mounirou Ndiaye. L’enseignant-chercheur de l’UFR sciences économiques et sociales de l’Université de Thiès livre ainsi une lecture critique de la vision de Macky Sall basée sur le Plan Sénégal Emergent (Pse).

 

Elhadji Mounirou Ndiaye n’a pas été du tout tendre avec la gouvernance de Macky Sall. Même s’il effectue, dans son ouvrage, un diagnostic profond et général de la situation socio-économique du pays avec des pistes de solutions, une bonne partie de son œuvre est réservée aux tares du régime actuel. Hier lors de la cérémonie de dédicace, l’enseignant-chercheur qui se réclame Mohammadien  a dénoncé une certaine extraversion de l’économie sénégalaise. A l’en croire, le Sénégal s’est longtemps débattu pour sortir de la gueule et des griffes du loup qui est l’Occident. Cependant, à peine qu’on est sorti de la gueule du loup, on se met devant la gueule du lion qui est la Chine, se désole-t-il. Pour lui, l’Empire du milieu va dévorer notre pays et fera du Sénégal une matière première à sa cuisine. «On vous fait construire pour 8 milliards FCFA une Arène nationale et on va déverser en masse des produits qui vont tuer votre artisanat, récupérer votre commerce», fait-il constater. Le sieur Ndiaye considère qu’avec les 7.000 milliards obtenus au Groupe consultatif de Paris, Macky Sall clignote à droite et passe à gauche. En effet, dit-il, le chef de l’Etat soutenait en 2015 que «notre défi pour le présent et pour l’avenir, c’est de gagner notre indépendance économique en nous libérant du besoin de l’aide et de la dépendance extérieure pour tout ce que nous pouvons produire par nous-même.» De ce fait, l’économiste souligne qu’avec ces conventions de financement du PAP2 annoncées à Paris, il est clairement établi que ce sont les générations futures qui vont régler les problèmes actuels. «Cela devient un Plan Sénégal endettement. Vous ne pouvez pas dire que je veux juste me faire réélire et que cela va avoir un coup salé pour le peuple. Pour ce faire, on inaugure en vitesse des infrastructures pour montrer aux gens que le pays est émergent. Alors  qu’à la base, il n’y a rien. » Sur ce, l’économiste soutient que les intellectuels ne peuvent pas laisser le pays sombrer comme ça alors que les tenants du pouvoir insistent dans la bêtise de jour en jour. «Il faut qu’à un certain moment, des gens prennent la parole pour dire attention», tonne-t-il.  Toujours selon Mounirou Ndiaye, le taux de croissance cumulé depuis 2012 fait 23% avec un taux de productivité faible de 18%. «C’est très faible comparé aux Etats-Unis qui enregistrent 71%, alors que l’Europe avoisine les 60% de taux de productivité», a-t-il soutenu. Pis, il soutient que la croissance du Sénégal ne peut pas permettre l’autofinancement et la solvabilité de la dette. Dans la foulée, il affirme que cette croissance est encaissée en grande partie par des multinationales qui font d’énormes profits. «Vous n’avez d’autres solutions que de mendier», peste-t-il avant de dire que le Sénégal a des problèmes de soutenabilité de la dette. «L’Uemoa demande de ne pas dépasser les 70% alors que le Sénégal est à 64%. Dans 2 ou 3 ans, on aura des problème de soutenabilité». Quant à la solvabilité, il souligne que notre pays est à 72 milliards FCFA de payement de la dette par mois. Ce qui fait plus que la masse salariale du Sénégal par mois estimée à 70 milliards FCFA. «Le Sénégal doit s’inspirer du Japon dont la dette fait 230% du PIB. Cela ne pose pas problème pace que le Japon s’endette auprès de son secteur privé national. Il n’a aucune dette vis-à-vis du FMI ou de la Banque mondiale», a indiqué l’économiste

«Le Plan d’émergence du Sénégal est de la fumée »

L’enseignant chercheur à l’Université de Thiès rappelle cependant avoir mis en garde le président de la République avant qu’il ne conçoive le Plan Sénégal émergent (PSE) pour lui dire qu’il doit d’abord régler le problème des Institutions. «Macky Sall a mis de côté le rapport sur les Institutions en promettant d’y revenir. Comment voulez faire le développement sans pour autant déterminer, au niveau local, les supports sur le plan territorial», s’est-il interrogé. Poursuivant, il indique que le plan d’émergence du Sénégal est de la fumée comme l’a dit le Pr Samir Amin. «Cela ne prendra jamais. Il ne faut pas que les gens se leurrent. Cela ne prendra pas du tout, c’est juste un plan pour créer des marchés et faire enrichir des étrangers. Un PIB de 10.000 milliards dans lequel il y a des intérêts de plus de 40% pour l’étranger ; ce n’est pas un PIB inclusif», soutient-il avant de déclarer : «il faudra quand même des alternatives telles que la réforme des Institution et d l’Administration ainsi que la régulation économique et sociale. Au Sénégal, la régulation sociale n’est pas bien organisée. On fait de la politique avec ça. Il y a des gens qui ne comprennent même pas comment fonctionne une mutuelle. Les gens ne comprennent ce que c’est une politique sociale.»

En définitive, Elhadji Mounirou Ndiaye a critiqué, dans son ouvrage, le contrat entre Eiffage et l’Etat du Sénégal concernant l’exploitation de l’autoroute à péage. Pour lui, le contrat a été spolié. Il a demandé à revoir ce que le Sénégal peut gagner dans ce contrat auquel il a participé, plus même que la société exploitant. Pour le TER, il soutient que c’est une bonne idée ; mais que le Sénégal gagnerait à développer et à réhabiliter son réseau ferroviaire au lieu de dilapider tout cet argent pour 36 Km. Pour la question du franc CFA, il indique qu’on doit tirer de l’expérience monétaire cumulée du Cap-Vert, de la Guinée Conakry, du Nigéria et du Ghana pour avoir une monnaie qui ne va souffrir d’aucune défaillance. L’enseignant chercheur estime que le Franc CFA n’est rien d’autre que la résultante de la colonisation. « La France a abandonné le franc pour l’Euro. Pourquoi nous imposer de conserver le Cfa », a-t-il conclu.

( Seydina Bilal DIALLO )