ME ALIOU SOW, DIRECTEUR GENERAL DE LA SAPCO: « La Justice a besoin de se réconcilier avec les citoyens »
Loin des salles d’audience depuis près d’un an du fait de sa nomination, à la tête de la Société d’Aménagement de la Petite Côte (SAPCO), l’avocat Me Aliou Sow se concentre sur la gestion de cette entreprise et ses activités politiques au sein de la mouvance présidentielle. Dans cet entretien, il donne son avis sur la Justice sénégalaise qu’il juge indépendante, la présidentielle de févier qui sera une formalité pour son candidat, selon lui. Me Sow évoque également les transformations notées à la SAPCO depuis son arrivée.
L’AS : Pensez-vous que la justice sénégalaise est indépendante ?
Me Aliou Sow :Oui, du point de vue du fonctionnement qu’on attend d’une juridiction et selon les standards internationaux, nous pouvons affirmer sans risque de nous tromper que la Justice sénégalaise est indépendante. Même si aujourd’hui, il y a des points à améliorer. Ce sont ceux pris en charge dans le cadre du Doing Business et de tout ce qui concerne le traitement des contentieux. Nous avons noté de ce point de vue beaucoup d’avancées. Je peux prendre aussi le cas de l’amélioration du profil des juges et leurs spécialisations dans des domaines considérés comme pointus. Ces différents points doivent aussi être orientés au plan technique et de ce qui relève du traitement de salaire et d’indemnités pour permettre à ceux qui rendent la Justice d’avoir plus de confort. La Justice n’est pas l’apanage des magistrats, mais elle est une question de société. C’est dans ce sens que je demande aux Sénégalais de proposer des projets de société pour notre justice. J’invite aussi mes collègues magistrats à considérer que du point de vue de la gestion de cette question, les premiers éléments d’appréciation doivent venir du peuple, c’est-à-dire : Comment le citoyen sénégalais pense la Justice.
Pourtant beaucoup de gens disent qu’elle est instrumentalisée ?
Cela dépend des positions de chacun. Par moment, quand on gagne on félicite la Justice et quand on perd on la critique. La Justice est souvent symbolisée par l’équilibre et je pense que ce qu’il faut savoir aussi, c’est que la Justice a besoin de se réconcilier avec les citoyens. Quand je parle de la Justice, je ne parle pas seulement des magistrats, mais de manière générale, c’est-à-dire tout le système qui la compose que ce soit ceux qui votent les lois, les partis politiques qui portent des projets de société et qui les soumettent au peuple souverain, des greffiers, des huissiers, des notaires et du rapport qu’il doit y avoir entre le citoyen et le droit. De manière générale, la Justice est une affaire de société. Je pense que du point de vue du jugement, il y a la nécessité d’avoir de plus en plus ce fair-play qui permet à ceux qui gagnent ou perdent des procès de reconnaître la décision qui a été rendue et de se soumettre à celle-là.
On voit que dans une affaire comme celle concernant Khalifa Sall, les choses sont allées très vite. Est-ce une bonne image pour notre Justice ?
La Justice a prévu plusieurs cas. Il y a certains qui sont jugés en urgence et d’autres qui ne le sont pas. Cela ne dépend pas de la personnalité du mis en cause, mais de la diligence de celui qui a en charge la procédure ou encore du contexte de traitement de la question. La Justice est un besoin social que ce soit du côté de ceux qui poursuivent ou de ceux qui sont poursuivis. Et cette demande sociale, comme toute autre peut être urgente et pressante comme elle peut ne pas l’être.
En quoi cette affaire est urgente ou pressante ?
Je ne dis pas qu’elle est urgente. Je dis juste que les décisions de justice sont rendues par des juridictions. Vous pouvez tomber sur des juges qui diligentent rapidement un dossier ou d’autres qui prennent du temps pour traiter une affaire, l’un dans l’autre, il faut voir est-ce que dans l’appréciation des faits, la décision qui est rendue est conforme à la Justice.
Pensez-vous comme l’Union des Magistrats du Sénégal que le président de la République ne doit pas présider la Conseil Supérieur de la Magistrature ?
Je ne partage pas l’avis de l’Union des Magistrats du Sénégal, car la présidence du Conseil Supérieur de la Magistrature est tout simplement honorifique. Elle n’est pas une présence marquée par un siège que le président occupe. Il ne préside pas aussi les instances. Le fait d’avoir, dans la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature le président de la République ne peut pas constituer un élément qui peut juger de l’indépendance ou non de la magistrature.
Cette même UMS a sorti un communiqué récemment pour fustiger le soutient d’un magistrat au président de la République. Est-ce normal qu’un magistrat en activité ou même détaché de s’afficher en politique ?
C’est évident qu’un magistrat ne doit pas faire de la politique, mais il y a des cas dans lesquels un magistrat est appelé à faire autre chose que juger lorsqu’il est mis en position de détachement auprès de l’administration centrale ou lorsqu’il quitte carrément la fonction de magistrat. Dans ce cas, il peut du point de vue statutaire avoir des origines liées à ce corps, mais que dans l’évolution qu’il prenne une option pour mener une autre activité. Il est évident qu’un magistrat ne doit pas faire de la politique lorsqu’il ne prend pas une distance statutaire avec le corps de la magistrature.
Sur ce cas précis, l’UMS dit que même détaché, un magistrat ne doit pas faire de la politique.
Dans l’orthodoxie et dans la tradition, il est clair que tant qu’on invoque le statut de magistrat, on ne peut pas faire de la politique comme cela se fait dans le cas de la conquête des suffrages. Maintenant est-ce que l’animation de développement ou le fait de supporter un candidat constitue une rupture ou une violation des statuts des magistrats c’est une question que je renvoie à qui de droit.
Que vous inspirent les résultats du parrainage ?
Ce système a montré une fois encore qu’il est toujours important dans un système démocratique de trouver des mécanismes qui permettent aux citoyens de se prononcer et de donner leur avis sur la participation ou non d’un candidat. C’est une méthode qui a montré quand même ses forces et appris aux gens qu’il ne faut pas confondre le succès médiatique et celui populaire. Ils doivent recentrer leurs actions autour des propositions qui intéressent les populations. Les résultats parlent d’eux-mêmes. Il est clair qu’il y a beaucoup de gens qui se donnaient candidats, c’est-à-dire présidentiables, mais qui n’avaient pas l’ancrage social et politique nécessaires pour faire partie de ceux qui aspirent à diriger le pays. Ceux qui critiquaient le parrainage doivent revoir leurs propos, car n’eût été ce dernier, on aurait eu une pléthore de candidats.
Considérez-vous ces candidats qui ont réussi le parrainage comme de vrais adversaires de votre candidat Macky Sall ?
Je pense que le candidat Macky Sall n’a pas d’opposition, c’est-à-dire des leaders qui comprennent les enjeux de cette présidentielle. Il aura, certes, des adversaires, mais Macky Sall a fini de convaincre le peuple sénégalais de sa capacité de transformation sociale et économique. Je pense que le bilan parle de lui-même, car il est largement positif. Les perspectives qui sont dégagées permettent au peuple sénégalais, à la jeunesse de signer ce contrat social le 24 février prochain pour que le président de la République, comme il sait le faire continue d’être au service de la Nation sénégalaise, d’ouvrir encore des perspectives pour le pays et le continent africain. Nous avons la chance d’avoir un président qui comprend les enjeux et qui a une vision. Au soir du 24 février, ce sera juste une formalité pour notre candidat, car les Sénégalais savent faire la différence entre ceux qui travaillent de ceux qui font de la dénonciation facile.
En parlant de bilan, le président Abdoulaye Wade en avait en 2012, mais il a été battu à la présidentielle de la même année. Est-ce que le bilan seul peut réélire un président sortant ?
Les contextes ne sont pas les mêmes. Abdoulaye Wade, en 2012 était à la recherche d’un troisième mandat, ce qui n’a pas été accepté par les Sénégalais. Il était également secoué par la crise de l’électricité qui a créé des émeutes en 2011. Abdoulaye Wade voulait également nous imposer son fils comme son successeur, ce qui n’a pas abouti. L’autre difficulté pour lui, était aussi que quand il s’est séparé de son numéro 2 Macky Sall en 2008, Me Wade avait cessé de travailler sur le bilan pour se concentrer sur sa succession. Et jusque-là, il continue de nourrir des ambitions présidentielles pour son fils, Karim Wade.
Vous êtes à la tête de la Société d’Aménagement de la petite Côte depuis quelques temps. Quelles sont les innovations apportées au sein de cette structure ?
Nous sommes en train de faire bouger cette société avec nos projets qui avancent à grands pas comme celui de Pointe Sarrène. On va bientôt finir les travaux de viabilisation et de promotion du site. Grâce à la création de six délégations, la SAPCO est maintenant présente dans tout le Sénégal. Elles vont prendre en charge la question de l’aménagement et de la promotion des sites.
Sur le terrain, vous ne rencontrez pas de difficultés liées à des litiges fonciers, par exemple ?
Oui. C’est notre cœur de métier en étant dans la maîtrise foncière. Mais, le dispositif de dialogue qui a été mis en place aujourd’hui nous permet d’avancer sur cette question. La SAPCO est en train de vivre une grande transformation. D’abord dans le cadre de sa relation avec ses clients, mais aussi par rapport à sa position stratégique au niveau national. Nous développons un nouveau portefeuille pour être au service du développement du tourisme en diversifiant l’offre touristique et le renforcement du capital touristique.
(Propos recueillis par Amadou THIAM)