LA CHRONIQUE DE MLD: Non au fétichisme sur le pétrole !Par Mamadou Lamine DIATTA
D’abord cette annonce qui sonne comme une déception pour les plus avertis.
Les 5 premiers mois d’exploitation du pétrole en 2024 ne rapporteront que 45 milliards cfa à l’Etat du Sénégal.
Pour un budget national estimé à plus de 7000 milliards cfa il ya de quoi convoquer l’image saisissante du ballon de baudruche qui se dégonfle.
Il faut déplorer pour dénoncer vivement cette passion démesurée, sorte de fétichisme de mauvais aloi de nos concitoyens autour du pétrole. Tout le monde pense qu’avec ces nouvelles ressources minérales, le Sénégal sera un pays de cocagne avec avec à la clé une création d’emplois massifs pour cette jeunesse désœuvrée et des richesses en veux-tu-en voilà de nature à renforcer sensiblement le pouvoir d’achat de nos 18 millions de concitoyens.
Que nenni. Cela ne se passera pas comme cela du moins dans l’immédiat.
Il faut se rendre à l’évidence, le pétrole ne sera pas notre visa d’entrée dans le club fermé des pays développés.
Il faut dire la vérité aux Sénégalais. Nos innombrables problèmes ne seront pas résolus d’un coup de baguette magique avec ce pétrole niché dans un secteur du reste plein d’incertitudes au regard de l’effondrement régulier des cours mondiaux.
Il ne s’agit pas de jouer les rabat- joie voire les cassandres mais plutôt de rester lucide pour travailler à éviter la malédiction du pétrole.
Le Sénégal ne devrait jouir d’une quelconque bénédiction du pétrole qu’en comptant sur un Leadership fort faisant de la prospective et de l’anticipation son bréviaire.
Il faut d’ailleurs savoir que ce pays est davantage un pays gazier que pétrolier. Autrement dit, on exploitera plus de gaz que de pétrole…Avec la notable particularité de partager les retombées du projet gazier avec nos sœurs et frères de la République islamique de Mauritanie.
Pour le pétrole, la production maximale à terme est estimée à 100 000 barils/ jour soit environ 5 millions de tonnes par an. Ce qui devrait générer des ressources financières considérables. Mais cela reste assez loin des 1,1 million de barils par jour que réalise un pays pétrolier comme l’Angola.
Les volumes liés à la production de gaz sont plus importants avec plusieurs phases de réalisation.
A l’issue de la première phase, la production de gaz naturel liquéfié sera de 2,5 millions de tonnes par an avec un pic de 10 millions de tonnes/an lorsque le projet atteindra sa vitesse de croisière.
Détail important : le Sénégal exportera du gaz naturel liquéfié (GNL) vers les marchés de l’Europe, d’Amérique du sud et d’Asie. De quoi satisfaire tous les croisés du rééquilibrage de notre balance commerciale.
Selon BP, le projet gazier est de classe mondiale d’autant que les ressources récupérables sont estimées à 420 milliards de mètres cubes, un volume comparable à la consommation gazière du continent africain en 2020.
BP géant britannique des hydrocarbures est très confiant pour ce projet futuriste.
Une chose est de gagner des milliards de fr cfa dans l’exploitation de ces ressources minérales ; une autre est de savoir en faire bon usage pour ne pas subir la malédiction du pétrole vécue dans certains pays comme l’Irak, la Libye, le Tchad, le Congo et ailleurs en Afrique.
Il faudrait aussi tâcher de faire du Benchmarking dans un pays comme l’Angola classé récemment 6ème puissance économique africaine (derrière la Nigeria, l’Afrique du sud, l’Egypte, l’Algérie et le Maroc) grâce au pétrole et accessoirement aux diamants.
In fine, il urge d’informer les Sénégalais que leurs soucis d’argent ne seront pas terminés juste parce qu’il y a l’irruption programmée d’une manne financière attendue avec frénésie et enthousiasme. L’espoir fait vivre mais il ne faut pas trop s’enflammer.
En vérité, le pétrole ne nous propulsera pas forcément dans les jardins du développement. En revanche, il sera un accélérateur de croissance dans le processus délicat de création des richesses et de promotion du progrès collectif.
En attendant cette hypothétique embellie, l’urgence devrait inciter les décideurs à investir intelligemment dans la mise en œuvre de politiques publiques hardies pour l’amélioration sensible des conditions d’accès aux soins de santé, la promotion d’emplois massifs pour les jeunes ou encore l’atteinte de la souveraineté alimentaire dans le cadre d’une transformation structurelle de l’économie nationale.
L’idée, c’est justement d’éviter ce que l’économiste Brésilien Louis Carlos Bresser Pereira appelle « le syndrome hollandais » qui aboutit carrément au désastre. Il s’agit d’un syndrome né de l’exploitation excessive de l’or noir qui monopolise l’essentiel des facteurs de production rendant du coup peu compétitifs les autres secteurs d’activités. Autrement dit, il faudrait éviter que le pétrole constitue un obstacle à la stratégie capitale de diversification de l’économie sénégalaise.