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LA CHRONIQUE DE MLD: La Cour des miracles …

Le tout dernier rapport de la Cour des comptes a provoqué un séisme dans le pays. Il s’agit d’un véritable Covidgate d’autant que près de 10 ministères sont concernés directement. On comprend alors l’émotion et la pression populaire qui ont fini d’envahir l’espace public.
Parlant de la Cour des miracles dans son ouvrage-culte Notre Dame de Paris, Victor Hugo en fit cette description : « Cité des voleurs, hideuse verrue à la face de Paris ; égout d’où d’échappait chaque matin et où revenait croupir chaque nuit ce ruisseau de vices, de mendicité et de vagabondage toujours débordé dans les rues des capitales, ruche monstrueuse où rentraient le soir avec leur butin tous les frelons de l’ordre social. »
Le lien est vite fait avec la brûlante actualité .Nous sommes en plein dans cette Cour des miracles au regard du banditisme financier et des sommes colossales englouties par le Fonds Force Covid 19 au mépris des règles élémentaires de gestion publique et le plus clair du temps sous le prétexte fallacieux de l’urgence.
Lorsque le comptable public d’un ministère exhibe des preuves de paiement via Orange money, c’est la rigueur qui sort par la fenêtre.
Quel est le lien entre des bacs à fleurs facturés à 240 millions cfa et la pandémie ?
Des marchés d’un montant de 15 milliards cfa au profit de sociétés appartenant à une seule dame…
Certains ont manifestement fait preuve de beaucoup d’indélicatesses avec l’argent public.
Peut-être qu’il s’agit quelque part d’un mal africain puisqu’un Covidgate similaire a lieu actuellement au Cameroun. Une année après la révélation de malversations d’un montant de 180 milliards de fr cfa, aucun des responsables soupçonnés n’est poursuivi en raison d’interférences politiques dans une machine judiciaire très souvent grippée par de tels grains de sable.
Au Sénégal on dit très souvent que le temps de la justice n’est pas celui des hommes pour expliquer les sempiternelles lenteurs de ce pouvoir.
Mais la justice, faudrait-il le rappeler est le pilier, le fondement de toute organisation humaine.
Dans l’indice de perception d’un pays, c’est d’ailleurs le premier indicateur de performance qu’un investisseur direct lambda apprécie avant de lancer son Business.
Autant dire que si la justice s’affaisse, le pays s’effondre.
C’est tout le sens de la responsabilité historique des magistrats dans le processus de règlement de ce scandale pas comme les autres.
L’ouverture d’une information judiciaire suivie de poursuites à l’encontre de tous les fautifs serait un signal fort renvoyé à l’opinion en vue d’une pacification de l’espace public.
Il faut éviter de faire subir à nos concitoyens une accumulation de frustrations et la gênante impression d’une justice sélective.
Cette fois ci, la témérité de la cour des comptes est sidérante.
L’opinion n’a jamais vu les comptables publics émettre des recommandations sur la gestion peu orthodoxe d’un nombre si important de pontes de la République.
La matière de leur contrôle à posteriori explique sûrement ce caractère inédit.
La Covid 19 avait presque mis le Sénégal productif à l’arrêt.
Les plus hautes autorités avaient dit aux 17 millions de Sénégalais : »Restez chez vous ! »
Autrement dit même ceux qui ne disposent pas de revenus réguliers devraient être pris en charge par l’Etat dans le cadre de ce fameux fonds Covid-19 objet aujourd’hui de toute la polémique.
Les ministres cités, ordonnateurs des dépenses et leurs Directeurs de l’administration générale et de l’équipement (Dages), sortes de gestionnaires- exécutants, ont certainement mal décrypté le message présidentiel.
Ils ont dû se dire qu’à situation exceptionnelle, gestion exceptionnelle et dispendieuse au besoin surtout qu’en période de crise la vigilance de nos concitoyens est quasiment amoindrie.
Avec le recul et loin de les absoudre, il faut rappeler que ces ministres indélicats et leurs  » acolytes  » de Dages sont de véritables politiciens, donc ils ont une clientèle sociale à entretenir.
L’un des drames de ce pays c’est que depuis l’avènement en 2000 de Me Abdoulaye Wade, la politisation outrancière de l’administration sénégalaise est érigée en dogme.
Des technocrates chevronnés, grands commis de l’Etat ont évalué la situation pour comprendre qu’ils sont obligés de plonger et d’enfiler le bleu de chauffe de la politique à la base pour poursuivre leur carrière dans les meilleures conditions et gravir par ricochet les échelons de la hiérarchie.
Pieds et poings liés, ils se sont tous jetés dans ce panier de crabes pour prêter main forte à la mouvance présidentielle et bénéficier aussi d’une certaine protection.
C’est très subtil et tragique pour plusieurs technocrates, obligés d’user de ruses de sioux pour trouver des ressources à même de leur permettre de rester à flot devant l’adversité politicienne et le regard de l’entourage.
Tout est lié !
Il ne s’agit pas de donner un blanc-seing aux délinquants financiers et autres prédateurs de l’argent public; il s’agit juste de convoquer le contexte sociologique particulier qui a présidé à ces actes déplorés par toutes les vigies de notre vivre-ensemble.